Ah! ces journalistes congolais et l’argent…
Dimanche 20 novembre 2016, soit hier, dans l’après-midi s’est tenue une rencontre publique à l’hôtel Phoenix, arrondissement 1 Makélékélé, en face du stade Misafu, à quelques encablures de la DEC (Direction des examens et concours) coorganisée par la Ligue Panafricaine – UMOJA (LP-UMOJA) et KMT.
Le conférencier était Nswadi Ki-Mbazi, universitaire africain d’origine congolaise. Il était question d’évoquer la Renaissance Africaine avec comme axes principaux :
- Le nom du continent et sa carte ;
- Les Africains et leur migration à travers les continents: leur réalisation sur chaque continent
- L’origine africaine des religions dites révélées ;
- Les inventeurs et savants noirs.
Nous reviendrons plus tard avec une vidéo à ce propos.
Un fait qui, sous d’autres cieux aurait pu paraître insolite mais qui est d’une banalité affligeante au Congo, a eu lieu.
En effet, j’ai remarqué à un moment donné l’entrée d’un homme que j’ai cru intéressé par notre événement. Assis au fond de la salle, je l’ai alors orienté vers une chaise libre. Curieusement, il ne s’est même pas assis et moins de 5 minutes après avoir causé avec certaines personnes, il est ressorti. Je l’ai alors suivi dehors pour m’enquérir de la situation. Un jeune frère, membre de la LP-UMOJA de m’avertir qu’il pue l’alcool.
Rien que ça, tiens ! quand je dis que la bibine est plus immortelle que l’immortel Marien Ngouabi et plus éternelle encore que l’éternel des armées…
Je vais donc causer avec lui et il se présente comme journaliste, travaillant pour un canard de la place dont il me montre un exemplaire.
J’ai rapidement la confirmation qu’il a levé le coude avant de se retrouver là.
Il cherche à savoir qui je suis et avec un sourire, je me présente et présente en même temps je présente l’organisation.
Il me montre sa main contenant un petit appareil et me dit : « Vous connaissez ça ? » J’ai eu sur le champ envie de l’envoyer paître mais je me suis ravisé en me souvenant de ce conseil que ma mère me donne tous les jours, Tout le monde n’est pas comme toi. Tout le monde n’a pas tes manières. Tout le monde n’a pas reçu ton éducation pour savoir comment s’adresser aux gens.
Je lui réponds alors, « J’hésite entre un nguriyaka* et un dictaphone. »
Il est choqué et met du temps pour comprendre la drôlerie volontaire de ma part.
Il me propose alors un entretien.
Je dis l’essentiel car je sais qu’il va voir ailleurs si l’herbe est plus verte.
Tombent alors de drôles de questions mais intéressantes :
- On dit que vous êtes une secte…
- Si vous n’êtes pas une secte pourquoi vous ne conviez pas la presse ?
Je lui fais comprendre qu’au Congo, quand j’organise un événement, sauf si j’ai un mécène, je n’aime pas convier ce qu’il appelle « la presse » car elle n’est pas du tout professionnelle, courant sans cesse après l’argent qu’ils recevoir des organisateurs des événements et ce, systématiquement.
Pour son information, pour sa culture, je lui ai raconté comment, quand nous sommes allés à Bangui en décembre 2015, nous avons eu une conférence de presse au domicile de la veuve Goumba, l’après-midi même de notre arrivée avec des journalistes (cinq au total) qui ne nous ont pas demandés un seul sou. Le dernier jour de nos conférences, idem, ces mêmes journalistes sont venus nous interviewer et sans nous demander le moindre fifrelin à la fin.
En avril, nous étions à Conakry (dans un cadre totalement différent de celui de Bangui, avec d’autres personnes) et entre une heure et deux heures du matin, quand nous avons foulé le solde la grande Guinée, celle d’Ahmed Sékou Touré et le pays Mandingue de l’Almamy Samory Touré dit Samory le Malinké. Il y avait des journalistes présents à l’aéroport, exerçant pour la RTG, la télévision et la radio officielles locales. Ils nous ont interviewés, le sujet est passé au JT de 6 heures du matin et nous ne leur avons offert aucun sou. Je dis bien aucun sou.
Durant notre séjour à Conakry, nous n’avons eu de cesse de rencontrer des gens de la presse locale. Sauf si les choses se sont passées dans mon dos, je n’ai pas vu un seul d’entre nous débourser le moindre syli pour qu’ils en mettent dans leurs comptes bancaires ou dans leurs poches. Jamais.
Pourquoi alors, sur les deux rives du Congo, cette pratique s’est quasiment généralisée au point de devenir incontournable ? L’un des résultats est que, lorsqu’on échange avec un journaliste congolais, les politiciens locaux ne sont pas forcément jugés sur leurs compétences réelles ou supposées, mais sur leur facilité à délier les cordons de leurs bourses.
- A kabaka té, yé wana !
- A za maboko makaku, mosusu oyo!
- Yé A za bien, A pésa A rala té**.
Les gens s’étonnent alors qu’à presque tous les niveaux l’intelligence, le bon sens et la dignité humaine aient comme pris la clé des champs, dans ces deux Congo qui décidément sont faits pour être ensemble pour des siècles des siècles.
Ils ont beau être payés par TV Congo, par la radio nationale, par leurs canards, ils ont sans cesse la main tendue, allant même jusqu’à faire payer aux invités leurs présences dans leurs émissions, sur les plateaux ou même en extérieur.
Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça me donne envie de gerber tout simplement. Cela n’honore ni leur profession, ni les deux Congo, ni le peuple noir. Ce peuple que j’adore tant.
Pour finir, je reviens donc à notre oiseau, qui ne doit pas être plus haut que deux graines d’arachide assemblées.
J’ai oublié de dire au début qu’il avait honte de son nom, ayant du mal à le sortir.
Il n’a pas d’adresse mail (c’est bien ça…)
Face à ma réponse argumentée, il me dira, pas du tout gêné, Mais le transport au moins, il faut payer le transport, au moins.
J’insiste : cette société est malade et il faut vraiment la soigner. C’est tout simplement hallucinant. Comment peut-on faire son boulot avec un brin d’honnêteté si on prend l’oseille d’une personne qu’on doit interviewer ou sur qui on doit faire un papier?.
Voilà un homme qui a peut-être mon âge. Qui a peut-être des femmes et des enfants. Sans la moindre gêne, il pratique la mendicité envers une personne qu’il ne connaissait pas quelques minutes avant. Comment peut-on être ainsi ?
Etait-ce ainsi avant, selon la formule consacrée ?
Qui a créé ces horreurs ?
C’est à peine s’il ne cherchera pas à m’arracher ma main, au moment où je m’en allais.
Nous sommes tombés bien bas, vraiment bien bas…
Obambe NGAKOSO, November 2016©
* : Variété de manioc cuit