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21 août 2016

L’Afrique et certains de ses enfants

Classé dans : Politique,Société — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 12 h 18 min

J’ai pensé à un Ayitien, que je n’ai jamais vu, pour rédiger ce texte dominical.

J’ai pensé à Fulbert Youlou aussi.

J’ai pensé à Guy Menga.

J’ai pensé à Jacques Rabemananjara.

Pourquoi eux ?

Exil

J’ai suivi un reportage sur Radio colonies. C’était le journal d’Ayiti et des Amériques. Le reportage concernait des Ayitiens qui, après la fin de leurs études de médecine à Cuba ne font pas le choix, qui parait si naturel, de rentrer chez eux pour aller soigner les leurs, essayer de rendre à l’île ce qu’elle leur a offert depuis leur enfance. Il est payé 40 ou 60 dollars US/mois alors qu’en rentrant en Ayiti, il percevrait 2.000 dollars US/mois. Pourquoi ce choix ? Il le dit lui-même. Quand on fait la comparaison entre Cuba et Ayiti, pour un médecin, il ne faut pas se contenter de comparer les revenus mais tenir compte du fait qu’à Cuba, les soins sont gratuits, pour tout le monde. Que l’éducation est gratuite, pour tout le monde. En mettant ça en balance, son cœur n’a pas flanché du tout. Il a tranché dans le vif et a choisi de rester à Cuba, même si les poches n’y sont pas pleines. Il sait qu’avec ses 2.000 $ US/mois, en Ayiti, tout va rapidement, chaque mois fondre comme neige au soleil et qu’il suffira que son enfant tombe gravement malade pour qu’il ne sache même plus où il habite.

Hier soir, par le biais de la troupe du Théâtre national du Congo, au Palais des Congrès de Mfoa, j’ai assisté à la représentation de la pièce de théâtre « La marmite de Koka-Mbala ». L’auteur a pour nom de plume Guy Menga (Gaston Guy Bikoutamenga au civil), un personnage majeur de la littérature congolaise. Ses textes sont toujours d’actualité. D’où encore une fois, l’utilité de certains auteurs. Certains, je dis bien. Il a été journaliste dans les années 70 au Congo puis il avait quitté son territoire natal pour l’Occident. A l’occasion de la Conférence nationale souveraine de 1991 (du 25 février au 10 juin), il fut un des participants. Il participera au gouvernement de transition en tant que ministre de la Communication. Depuis des années, il vit en France. Il a 81 ans.

Pour le numéro du 15 septembre 2016 de notre magazine Panafrikan, j’ai proposé un texte dans les pages culture en rapport à l’homme politique, poète et dramaturge malgache Jacques Rabemananjara (1913-2005). Cet homme est un des membres fondateurs du MDRN (Mouvement démocratique de la rénovation malgache) dont il est élu député en 1946. En 1947, les Malgaches se soulèvent contre les envahisseurs venus de France qui occupent leur terre depuis plus de 50 ans. Les autorités françaises, hostiles à l’émancipation des peuples et à leur droit à disposer d’eux-mêmes font parler la soldatesque : 80.000 hommes, femmes et enfants tombent. Rabemananjara et d’autres militants du MDRN sont mis aux arrêts. Un soir, il apprend qu’il sera exécuté le lendemain. Il compose un de ses plus beaux textes, Antsa. C’est seulement en 1960 qu’il a le droit de rentrer chez lui où il servira douze années durant, gardant en lui toutes les tortures. 1972, c’est l’année au cours de laquelle il s’exile en France où il vivra jusqu’à sa mort en 2005.

 

Pourquoi Ayiti qui a une histoire si prestigieuse, qui a des cadres compétents dans tous les domaines,  ne peut offrir des conditions décentes comme Cuba pour inciter ses enfants (surtout les médecins, les ingénieurs, les professeurs) à rentrer servir et participer ainsi à sortir cette belle terre des entrailles où elle se trouve depuis des décennies ?

Pourquoi le Congo et Madagascar n’ont pas trouvé les moyens, ou ne se sont pas donné les moyens pour retenir des cracks de la plume comme le regretté Rabemananjara et Menga afin que les enfants du continent bénéficient mieux de leur immense talent ?

Qu’un homme comme l’abbé défroqué Fulbert Youlou, serviteur plus que zélé de la France et de l’Occident décède à Madrid (1972), sur un banc public, à l’âge de 55 ans, franchement, peu me chaud car il est mort chez lui, là-bas, chez ses maîtres qu’il a tant vénérés.

Pourtant, les Français, par le biais de leurs soldats ont torturé dans sa chair et dans ses chairs le regretté Rabemananjara. Cet homme n’était pas né de la dernière pluie pour ne pas savoir combien la France a pesé et pèse encore pour que Madagascar demeure enfoncé jusqu’au cou, dans la fange.

Pourquoi ?

Pourquoi ?

Pourquoi ?

 

Les Africains devraient réfléchir à plus de deux fois au pourquoi nombre de ses cadres ne rentrent pas pour servir notre alma mater. Ils devraient réfléchir à plus de deux fois pour savoir pourquoi certains après leurs études (plus ou moins brillantes en Occident) rentrent puis s’exilent à nouveau pour mourir sous des hivers rugueux, dans des jardins publics en plein automne.

Ce n’est pas normal.

Il y a quelque chose que nous avons collectivement raté et c’est collectivement qu’il faudra réparer cette mécanique avant que l’irréversible ne se produise.

Bon dimanche à vous !

Obambe NGAKOSO, August 2016

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