Bangui, décembre 2016: il y a loin de la coupe aux lèvres
Bangui…
Comme j’aime et même adore échanger avec mes frères qui sont là où les choses se passent car les media… N’oublions pas qu’à la base, ils sont devenus pour la plupart des commerçants. Dans un pays comme la France où certains se battent pour la préservation du Service public, il se trouve des gens pour faire une sorte de course à l’échalote appelée course à l’audimat, avec les télévisions-poubelles que sont les chaînes phares du privé.
Combien de fois nous faisons-nous manipuler par les media, au quotidien ?
Je fais l’effort de me désintoxiquer dans la mesure du possible, mais ce n’est pas évident quand on a eu de cesse d’y baigner. Néanmoins, quand je suis les infos, j’essaie de prendre du recul.
Malgré tout, il y a des trucs…
Je disais depuis un an et même plus à qui discutait avec moi de la prochaine présidentielle centrafricaine que la finale opposerait Martin Ziguélé, ex-Premier ministre (de 2001 à 2003) né le 12 février 1957 et Anicet-Georges Dologuélé, ex-Premier ministre aussi (de 1999 à 2001) né le 17 avril 1957.
Pourquoi ? On sait que dans son pré-carré la France n’aime rien tant que de choisir ses hommes dans les palais présidentiels et, pour ceux qui nous sortiront l’antienne selon laquelle, Ce sont des réalités d’un autre temps ! , je les renverrai à leurs chères études en se référant simplement à ce qui s’est passé hier à peine quand la RCA a dû se choisir un leader pour la transition. Le match, au lieu qu’il se joue à Bangui, ou à Ndjamena, ou à Mfoa, s’est en réalité joué à Paris entre la Quai d’Orsay et l’hôtel de Brienne. On sait qui a raflé la mise…
En arrivant à Bangui en décembre dernier, pour des conférences dans le cadre de la Ligue Panafricaine – UMOJA (LP-UMOJA) et la FAG (Fondation Abel Goumba), j’avais encore cette certitude. Je reconnais cependant que sur le terrain banguissois, je n’avais aucun contact pour me donner la bonne température des événements.
Nous avons eu très peu de temps pour nous balader et ce fut extrêmement speed : du 26 en fin de matinée au 29 dans l’après-midi.
Néanmoins, j’ai pris le temps d’ouvrir mes yeux, de regarder avec attention les affiches etc. et la conclusion était implacable : dans Bangui, je ne voyais quasiment pas Ziguélé, alias la Panthère de Paoua (un surnom qu’il porte depuis des années). J’ai fini par demander et on m’a dit : Il ne gagnera jamais et il ne sera pas en finale. Diantre ! mais pourquoi donc ? Parce que c’est lui qui a amené les Sélékas à Bangui ! On ne pourra jamais lui pardonner ça !
Je ne vous cache pas que suivant très peu le Net où la presse africaine, quand elle est dynamique, donne de très précieuses informations que l’on peut aisément faire vérifier par les militants qui sont sur le terrain.
Logé dans le quartier de Lakouanga, j’achetais mes crédits de communication juste à l’angle où nous virions pour aller effectuer nos activités. Le jeune frère qui vendait ses crédits, on n’avait pas besoin de lui demander pour qui il allait voter : Désiré Nzanga Bilal Kolingba, né le 19 août 1956, ancien ministre, portrait craché de son père de président qui dirigea la RCA dans les années 80. C’était insolite et je ne vous cache pas que jamais je n’aurais pensé voir un truc pareil. Quand on vend du crédit, on veut gagner des sous et donc on n’a pas intérêt à se fâcher avec qui que ce soit. Alors là…
Le plus drôle ça a été ce jour où, mon vendeur de crédits avait pris son mégaphone et battait campagne – en sango s’il vous plaît! – alors que, en face de lui, en même temps, un partisan d’un autre candidat battait aussi campagne en sango aussi et avec son mégaphone aussi: on entendait tous les deux mais personne ne les comprenait… Que ce fut bon!
Le jour de notre départ, je fis au revoir de la main à notre vendeur de crédits et chauffeur de rues, qui m’avait encore dit le même jour que Kolingba serait en finale face à Dologuélé. J’en parle dans le taxi qui nous conduit à l’aéroport et le chauffeur se braque: Son analyse est fausse! Elle est faussée! Kolingba ne sera jamais en finale! Ah! bon?… La finale, ce sera Touadera face à Dologuélé. Et Touadera va gagner. Il sera président.
J‘ai failli lui demander d’où il sortait et j’ai rigolé moi-même en me disant que je jouais au spécialiste venu de Paris et qui sait tout, qui connait tout… Quelques instants après, moi qui étais assis devant, je me rendis compte qu’il avait une photo de Faustin Archange Touadera, à côté de son volant. Avec Diogène Senny, Alain-Pascal Goumba et un autre frère qui nous accompagnait, nous nous sommes mis à rigoler. Diogène de lui dire: « Tu n’es pas objectif, en fait! » Nouveaux rires. Il nous expliquera d’abord pourquoi il votera pour Touadera et ensuite pourquoi ce dernier va gagner.
Au moment de taper ces lignes, vous savez ce qui est arrivé au fils Kolingba: il a terminé troisième avec 13% des voix tandis que Dologuélé est arrivé en tête avec 23% des voix. Et, c’est Touadera, né le 21 avril 1957, ex-Premier ministre (de 2008 à 2013) a terminé deuxième avec un peu plus de 19% des voix.
Notre chauffeur de taxi-militant avait donc bien raison et moi, j’ai pris une vraie claque.
Quand je suis le décompte des voix, j’ai l’impression qu’il aura encore raison car apparemment, le technologue et matheux Touadera risque de faire mordre la poussière au financier Dologuélé, malgré que ce dernier ait reçu le soutien de Kolingba.
On apprend tous les jours et, croyez-moi, j’ai reçu une vraie leçon d’humilité.
Merci Bangui!
Merci pour ce séjour!
Merci au frère qui m’a vendu des crédits trois jours durant!
Merci à ce chauffeur de taxi!
Merci à tous les autres qui se reconnaîtront, particulièrement à Alain-Pascal, à sa maman, à ses deux soeurs et à Diogène.
Obambe NGAKOSO, February 2016©