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10 février 2016

Comment et pourquoi Diop et Obenga ont contribué à l’ouverture de mes yeux

Classé dans : Anniversaire — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 22 h 05 min

Sans le professeur Théophile Mwéné Nzalé Obenga, j’aurais peut-être croisé malgré tout (via des livres et autres vidéos) le chemin de l’Wsir Cheikh Anta Diop, mais sans doute bien tard. Déjà que j’estime avoir « connu » Diop alors que j’avais accompli un bout de chemin de ma très modeste existence…

Obenga

Obenga a été il y a longtemps Secrétaire académique au rectorat de l’Université Marien Ngouabi du temps où le professeur Lévy Makani en était le recteur. Ma mère fit alors partie des secrétaires de cette structure et elle eut le plaisir de travailler sous les ordres de celui qui deviendra le Congolais le plus connu de par le monde, Obenga. Elle ira exercer ailleurs et Obenga continuera de son côté ses travaux universitaires, sa carrière politique et le reste.

Jusqu’à ce que je quitte le Congo pour aller chauffer les chaises de mon école d’ingénieur au Maroc, je n’avais pas lu un seul ouvrage d’Obenga (le disciple) ni de Diop (le maître).

De retour en France, j’aurais pu parler des heures durant de ces deux hommes si l’occasion m’en avait été donnée, mais pourtant, ç’aurait été sans les avoir lus une seule fois. Pourtant, je savais qui ils étaient. Ou, pour être précis, je croyais savoir qui ils étaient. Il m’a d’abord fallu lire Obenga pour avoir l’envie, la soif inextinguible, le désir de lire Diop.

Volney

Et, en lisant ces deux sommités du savoir, je n’ai pas, je n’ai jamais été déçu. C’est un nouvel univers qui s’ouvrait à moi. Moi qui pendant longtemps ait cru dans le fait que les Noirs étaient des êtres maudits, d’un seul coup, je me rendais compte qu’il n’en était rien du tout et que, de toutes les façons, l’essentiel de ce que j’avais appris à l’école, c’étaient des fables, des mythes, des histoires à raconter même pas à des enfants mais surtout à des benêts. Je le dis surtout en matières, d’histoire et d’économie.

Words !

Words !

Words !

Il y avait bien sûr des choses que je voyais à la télévision, que j’observais dans la rue mais, au Congo, il me manquait une chose essentielle, la confrontation d’avec des non-Africains. Cela débutera au Maroc où je me rendis compte que mes collègues n’avaient rien d’extraordinaire par rapport à moi, par rapport à mes frères venus du Sud du Sahara (Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali, Zaïre, Angola, Cameroun, etc.) Bien au contraire, j’étais sans cesse impressionné par le nombre de tricheurs lors des contrôles et examens en électronique, électronique de puissance, algorithmique, automatique etc. Une autre question alors me viendra à l’esprit : Comment avec autant de tricheurs, ils pouvaient avoir bâti un pays dont on ne trouvait aucun équivalent dans nos territoires d’origine ? Je comprendrai plus tard que ce pays, comme l’Algérie, comme la Tunisie avaient eu des visionnaires à leurs têtes mais que surtout, ils avaient combattu les armes à la main pour se libérer du joug colonial français.

En France, je serais confronté et aux Blancs et aux Arabes et là aussi, le constat sera le même : Rien d’extraordinaire… Des visionnaires, ils en eurent mais surtout, mais surtout, il y a une donnée essentielle que je négligeais part trop. C’étaient tous les avantages tirés du trafic négrier, de l’esclavage, de la colonisation officielle et de la colonisation non-officielle. Ça, il m’a fallu lire un peu partout mais surtout les natifs de Ceytou –Diop) et de Terre Mbaya (Obenga). Ils m’ont appris tellement de choses, tellement de choses que chaque fois que je lis des gens cracher sur eux, chaque fois que j’entends des gens les insulter et les injurier, je me contente de sourire car je sais que dans 99,99% des cas, ils n’ont pas lu un traître livre (je dis bien livre) de ces deux hommes. Je ferme mes yeux et je pense à cet excellent ouvrage du regretté Jean-François Revel (un des meilleurs essayistes français qu’il m’ait été donné de lire), La connaissance inutile*.

Oui, la connaissance peut être inutile et pas besoin de faire une exégèse là-dessus.

À la différence de tous ceux qui sont persuadés de connaître et de savoir tout sur tout, ces deux hommes ont véritablement mis leurs cerveaux au service de l’Afrique. Diop est rentré faire de la recherche chez lui puis a enseigné. Il a donné des conférences à travers le monde avec comme buts ultimes l’éveil de la conscience noire ; la Renaissance africaine ; la restauration de la conscience noire. Obenga a fait de même, avec un détour par les USA où il enseigna également.

Depuis le 02 février 2016 dernier, il a 80 ans mais continue à parler de son maître avec le plus grand respect qui soit. Je ne me souviens pas l’avoir écorné, écorché, une seule fois. La théorie selon laquelle il faut tuer le père (Sigmund Freud et son Œdipe), apparemment, ne sied point au « fils » Obenga.

Quand les deux ont uni leurs forces en octobre 1974 au Caire, sous l’égide de l’UNESCO, ce fut pour le continent africain.

Ce fut pour les Africains.

Point du tout pour leur gloriole personnelle.

Et c’est aussi cela qui me plait, qui me fascine mais surtout qui me rassure chez ces deux hommes.

Des films hollywoodiens m’ont fait croire que les pharaons étaient Blancs et que d’ailleurs les pyramides sont le résultat de l’imagination de leurs architectes à eux et non pas des nôtres : Diop a rétabli la vérité !

La bible m’a fait croire que ce sont des esclaves hébreux qui ont bâti les pyramides : Diop et son disciple m’ont appris que non seulement cela était complètement faux, mais qu’en plus, les Hébreux n’ont jamais été les esclaves des Egyptiens anciens.

Les escrocs intellectuels venus d’Europe m’ont fait croire qu’en Egypte antique, on parlait une langue appartenant à un groupe appelé chamito-sémitique : Obenga m’a dit les yeux dans les yeux que ce groupe n’existait pas, qu’aucun linguiste sérieux ne pouvait avancer pareilles énormités, que tout cela n’était que billevesées.

Les mêmes escrocs ont réussi à me faire croire que la philosophie était née en Grèce et que les Grecs avaient ensuite diffusé la chose à travers le monde entier, aux peuples barbares : Obenga m’a expliqué que rien de tout cela ne pouvait tenir debout car lesdits philosophes sont les élèves des Egyptiens anciens et qu’ils doivent tout, mais vraiment tout, y compris les fameux théorèmes de Thalès et de Pythagore à mes ancêtres qui seront rangés dans la lie de l’humanité par la littérature ethno-coloniale et par Emmanuel Kant par exemple.

Merci pour tout cela !

 

Des passionnés de politique (au Sénégal surtout) reprochent à Diop de ne pas avoir été un animal politique à la hauteur de leurs attentes. Je réponds simplement que ce dernier a fait sa part, qu’il nous a donnés le maximum d’outils nécessaires à la lutte pour la libération de notre continent et de notre peuple. Charge à nous de nous en montrer dignes et de faire autant sinon mieux que lui. C’est ce qu’il attend de nous.

Au Congo, il y en a qui dépensent encre, salive etc. pour dénoncer le fait qu’Obenga ait rang de ministre aux côtés de Denis Sassou Nguesso. Les mêmes se turent hier quand il fut ministre des Affaires étrangères sous Marien Ngouabi. Ils furent aux abonnés absents quand il fut ministre de l’Information de Pascal Lissouba. Ou bien, l’ignorent-ils ? J’en doute très fort… Les mêmes n’ont jamais été aussi virulents quand d’autres professeurs, par exemple de sa génération (cas du regretté Côme Mankassa, même âge que lui) ou de son aîné Lévy Makani (de plus de 4 ans son aîné) ont été ministres de la République.

 

Par leurs écrits, par leurs vidéos, par mes rencontres personnelles avec Obenga, ces deux hommes ont joué un rôle qu’ils ne peuvent même pas imaginer dans mon édification. Certains parlent de naître de nouveau quand ils disent avoir rencontré Jésus Christ, fils de Joseph et marie. Moi, je suis tenté d’en dire autant depuis que je les lis et les relis. Que n’ont-ils point dit dont je me sers au quotidien professionnellement, politiquement, familialement et amicalement ?

Diop a rejoint les Ancêtres mais ce qu’il a semé continue de germer. Il a semé chez Obenga, Obenga a fait autant et rien que pour ça, je leur dis

Asante sana !

Botondi mingi !

Singila mingi !

Matondo mingi !

 

Obambe NGAKOSO, February 2016©

* : La connaissance inutile, de Jean-François Revel, Grasset, octobre 1988

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