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9 février 2016

Cheikh Anta Diop, la classe politique sénégalaise

Classé dans : Anniversaire — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 0 h 09 min

20 ans environ séparaient Léopold Sedar Senghor (l’aîné) de Cheikh Anta Diop (le cadet). Nés sur le même territoire berlinois, ils auraient pu avoir l’amour de leur terre natale, le Sénégal, comme point de convergence et faire route ensemble. Pourtant, Senghor et Diop appartiendront à des camps idéologiques et politiques opposés.

Boubou

Le premier connait une ascension politique fulgurante quand le second est encore lycéen puis étudiant en France. Senghor sera l’artisan principal qui fera que des années durant, Diop ne pourra faire bénéficier les jeunes Africains, élèves et étudiants de l’Université de Dakar, de ses connaissances en chimie, en physique, en histoire, en égyptologie etc., bref ! dans tous les domaines où, il n’aura de cesse d’exceller. Pour une pauvre histoire de mention… Diop s’était vu refuser la mention « Très honorable » de la part d’un jury qui ne voulait nullement reconnaître les évidences scientifiques qu’il leur avait présentées le long de ses travaux mais surtout le jour de sa soutenance.

Diop avait très tôt conscience qu’il lui fallait investir le champ politique africain pour mettre en pratique tout ce qu’il avait appris, tout ce qu’il professait. C’est ainsi que, étudiant en France, il sera secrétaire général des jeunes du RDA (Rassemblement démocratique africain) à une époque où ce mouvement était encore pour l’indépendance africaine. Rentré au pays, sera chercheur à l’IFAN mais créera aussi un parti politique, le BMS (Bloc des masses sénégalaises). C’est comme si Senghor considérera cela comme un défi à son immense personne, lui, le poète-président (comme certains aiment l’appeler). Senghor n’aura de cesse de mettre les bâtons dans les roues de Diop par des lois aussi diverses que variées afin que celui-ci ne puisse faire de la politique et dire à la majorité des Sénégalais ce que personne ne leur dit jamais, notamment sur l’Unité culturelle africaine et la nécessité de sortir du joug français et européen. Senghor ira même jusqu’à faire de la prison, risquant d’y perdre sa vie car incarcéré dans des conditions inhumaines, avec une chaleur excessive.

Quand Senghor s’en va, installant celui qui fut des années durant son collaborateur le plus immédiat, un jeune qu’il fit monter très rapidement d’un poste de gouverneur (à 25 ans) jusqu’au poste de Premier ministre (à 35 ans), certains croient la voie toute tracée pour que Diop confronte ses idées,  dans des conditions fair play avec les autres leaders sénégalais. L’histoire, on le sait, n’est jamais écrite d’avance, même si on veut bien y croire. Abdou Diouf (c’est lui, le fameux successeur) fera du Senghor sans Senghor, sans la poésie, avec moins de violence que son mentor qui s’est entre temps retiré chez lui, en France. Diouf est donc bien calé tandis que le dernier parti créé par Diop (le RND, Rassemblement national démocratique) a une audience politique inversement proportionnelle à l’aura nationale comme internationale de son leader. Paradoxe…

Diop meurt brutalement le 07 février 1986 et il faut que ce soient des enseignants de l’Université de Dakar qui exigeront au pouvoir en place que cet établissement porte son nom. Ce sera donc sous les socialistes sénégalais, des gens qui auront fait tout subir à Diop que le plus grand hommage lui sera rendu par cet acte plus que symbolique. Pourtant, il faut le dire : c’est contraint et forcé que Diouf l’a fait. Sans cette pression, sans ce mouvement quasi spontané, je doute très fort qu’un président, de Diouf à Macky Sall en passant par Abdoulaye Wade (qui côtoya Diop durant leurs années d’études en France), aurait posé cet acte.

La preuve ? Que font réellement tous les ministres de l’Education, de la Recherche, depuis la démission-surprise de Senghor en décembre 1980, jusqu’à aujourd’hui, pour :

  • que le nom de Diop soit connu par le maximum de Sénégalais, pas seulement en rapport avec l’université portant son nom ?
  • que les travaux (immenses, rappelons-le) de Diop soient enseignés du primaire à l’université (qui porte son nom, paradoxe !!!) ?
  • que le Sénégal s’engage réellement dans l’édification d’un Etat fédéral africain, et non pas comme les gesticulations de Wade durant ses années de présidence (2000-2012) ?
  • que le wolof, langue sur laquelle Diop a fait d’importants travaux, devienne la langue officielle en lieu et place du français, que 70% des Sénégalais ne lit point, ne comprend point et ne parle point non plus ?
  • que le Sénégal se penche un tout petit peu vers la piste énergie marémotrice pour (enfin !) régler les problèmes d’électricité que subissent les Sénégalais depuis des années ?

En cette semaine de trentième anniversaire de la mort de Diop, on peut aisément conclure que cet homme est une vieille relique dont chaque Sénégalais peut tirer fierté, mais la classe politique, à l’exception de son propre parti (le RND), n’en veut pas. Même ceux qui de temps en temps sont pris d’une fièvre Panafricaniste n’ont pis que pendre de lui. Quasiment aucune référence à lui, à ses combats. Ils sont pour la plupart françafricains, même quad les noms de leurs partis évoquent les mots « indépendance », « travail » etc. C’est plus de la poudre aux yeux qu’autre chose. C’est encore une preuve que si le chercheur Diop a conquis les cœurs des jeunes Africains (en tout cas ceux et celles qui le lisent ou entendent parler de lui), sur le plan politique, il demeure encore un grand inconnu quand bien même tout ce qu’il a dit en sciences trouve des applications en politique (qui décide, si ce ne sont les politiques ?)

Les Africains ont été lobotomisés, drogués pour aller chercher sans cesse des solutions politiques à leurs soucis quotidiens hors de chez eux, principalement en France alors que des hommes comme Diop ont posé toutes les bases dont nous avons besoin.

 

Obambe NGAKOSO, February 2016©

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