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9 février 2016

Cheikh Anta Diop et ses livres

Classé dans : Anniversaire — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 22 h 14 min

Se faire éditer n’est pas chose aisée. Depuis que je m’intéresse aux livres, je rencontre tout le temps des gens qui écrivent sur tout ce qui leur passe par la tête mais l’écrasante majorité n’arrive pas à se faire publier.
COB

Pour les ignorantes et les ignorants de la chose, il faut savoir qu’une maison d’édition est faite à la base pour gagner de l’argent et est loin d’être une organisation caritative, à moins qu’elle n’appartienne à un mécène qui a des sous à dépenser et une cause à défendre. Ce n’est donc pas surprenant que la plupart des éditeurs refusent l’écrasante majorité des manuscrits et autres tapuscrits qui leur sont soumis. N’ayant, a priori aucune garantie de gagner des sous avec tout ce qui leur est soumis, ils font souvent un tri qui obéit à des critères qui leur sont propres. Le tamis est appliqué chaque fois que des textes arrivent.
Diop de son côté a publié l’essentiel de son œuvre chez Présence Africaine où ses livres sont encore vendues et même très bien vendues, vu le semblant de réveil que l’on observe au sein d’une partie de la jeunesse africaine en France*. Pendant longtemps, j’ai cru que CA Diop devait une fière chandelle à Alioune Diop (1910-1980) et à la maison d’éditions créée par ce dernier, Présence Africaine, pour avoir permis que ses œuvres soient éditées et publiées. Le 31 décembre 2013, nous étions dans le studio de la chaîne de télévision 3A TéléSud en compagnie de Shms-Whr Seck (membre de la Ligue Panafricaine – UMOJA) et Dialo Diop**, secrétaire général du RND (Rassemblement national démocratique, le dernier parti créé par CA Diop) et, en attendant le début de l’émission consacrée à CA Diop, nous discutions à bâtons rompus en refaisant le monde. Quelle n’a pas été ma stupéfaction d’entendre Dialo Diop me répondre ceci : « Bien au contraire, c’est Alioune Diop et Présence Africaine qui doivent remercier Cheikh Anta car c’est lui qui les a fait connaître. Ce d’autant plus qu’il n’a jamais touché un seul centime de ses droits d’auteur sur tous ses ouvrages ! »
Un monde s’effondrait pour et autour de moi. Une sorte de mythe était écornée car pour moi, pour ceux de ma génération, pendant longtemps, la maison Présence Africaine ensuite mais d’abord la revue du même nom, ainsi que le nom de leur fondateur, ont été des mythes.
Comment et pourquoi CA Diop n’a jamais rien perçu ? Mystère. Je n’en sais fichtre rien, sincèrement et seule Présence Africaine, par la voix de ses actuels gérants peut répondre à cette question.
Je suis sûr qu’avec le talent qui lui était reconnu dès ses débuts et son immense érudition, CA Diop aurait pu très bien se faire publier par des maisons d’éditions qui non seulement ont pignon sur rue mais qui de plus auraient pu lui proposer des ponts d’or (au mieux) voir simplement lui payer des droits d’auteur basiques (au pire). Rien qu’avec ses droits d’auteur, il aurait pu améliorer son quotidien, du temps où il était chercheur à l’IFAN***. Pourtant, sauf erreur ou omission de ma part, il ne l’a pas fait. Il est demeuré fidèle et à son aîné Alioune Diop et à Présence Africaine. Jusqu’à sa mort.
Quand on parle des convictions de CA Diop, il y a aussi celle-là qu’il faut souligner. Une certaine fidélité a caractérisé l’homme le long de son parcours. Fidèle à ses disciples, fidèle à ses amis, fidèle à ses convictions mais surtout fidèle à son continent.
Chaque fois que j’achète un livre de Diop, je ne cesse de penser à cela. Le très grand CA Diop a vécu humblement alors que ses ouvrages ne cessent de nous enrichir.
Ses ouvrages :

Nations nègres et culture : de l’Antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui, 1954
L’unité culturelle de l’Afrique noire, 1959
L’Antiquité africaine par l’image
L’Afrique noire précoloniale. Étude comparée des systèmes politiques et sociaux de l’Europe et de l’Afrique noire de l’Antiquité à la formation des États modernes
Les fondements culturels, techniques et industriels d’un futur État fédéral d’Afrique noire, 1960. Réédition chez Présence africaine : « Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique Noire », 2000
Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique ? 1967
Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines, 1977.
Civilisation ou barbarie, 1981
Nouvelles recherches sur l’égyptien ancien et les langues africaines modernes, Présence africaine, Paris, 1988. Posthume.

 

Obambe NGAKOSO, February 2016©

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* : Je cite ce cas car je le connais très bien. Je ne cesse d’y travailler.
** : Sans aucun lien de parenté avec CA Diop qui fut néanmoins son maître.
*** : Institut français d’Afrique noire puis Institut fondamental d’Afrique noire

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