Ndjindji, ses voies goudronnées, sa crasse…
Quand nous étions enfants, le mot goudron évoquait non pas seulement la matière servant à recouvrir une voie afin d’y faciliter la circulation routière et aussi la marche (pour les piétons) mais aussi et surtout une voie… goudronnée.
Je me souviens aussi, grâce aux Western que nous regardions enfants (je n’en regarde plus depuis des années) et aux BD que nous lisions, évoquant la conquête de l’Ouest des USA par les envahisseurs venus d’Europe, que le goudron était une matière utilisée là-bas pour punir certains hors-la-loi. Attachés, on leur déversait du goudron sur le corps puis on y ajoutait des plumes. Malheur à celui qui soit recommençait ou simplement qui osait demeurer dans la même cité où ils avaient commis et où ils avaient été punis.
En me baladant dans la ville de Ndjindji, ces lectures d’enfance ont envahi le cerveau mien assez endolori par la chaleur et par certains spectacles auxquels j’ai été confronté.
Et si cette tradition barbare était mise au goût du jour chez nous ?
Oui, je sais. Certains qui ont vu que mon blog était muet depuis des mois se sont dit que soit ma langue a été coupée, soit que ma bouche était désormais trop pleine pour parler car comme le dit la sagesse populaire, on ne parle pas la bouche pleine (n’est-ce pas ?)
Pourtant, les pauvres doivent bien comprendre qu’il n’en est rien du tout car dès que la technologie le permet, je tape mes lignes et je dis mon Afrique, je chante mon Afrique et je la pleure. Que cela concerne le petit Congo, la Tanzanie, la RSA, le Sénégal, le Niger, Djibouti, Ayiti, la Jamaïque, la Papouasie Nouvelle-Guinée et j’en passe.
Et ce que j’ai vu au niveau des voies bitumées à Ndjindji, capitale économique du Congo rive droite dépasse l’entendement. Quand on est au centre-ville, dans plus de 75% des cas, les voies sont bitumées et on roule bien. Les piétons n’usent que très peu leurs semelles. Par contre, quitter le centre-ville nous fait voyager d’un pays vers un autre. Je crois en effet vraiment que le centre-ville de cette vielle cité est un monde complètement à part du reste de la ville.
Allez dans le quartier Culotte sans 4*4 et vous verrez comment la vie vous paraîtra cruelle. Allez à Ntsourou sans 4*4 et vous apprécierez la douce cruauté de ces drôles de voies où le sable est roi. Je pourrais citer plein d’autres quartiers que j’ai vus, j’en ferai un roman, à la longue.
L’impression qui se dégage c’est que les services concernés ont dû faire des cloisons dans leurs têtes : il y a les uns et il y a les autres. Habiter le centre-ville relève de l’exploit et de la magie. Qui peut avoir les moyens d’y demeurer (comme locataire ou comme propriétaire) à moins d’être un immigré venu d’Occident et gagnant grassement sa vie. A moins d’être un nouveau riche du Chemin d’avenir.
Là où vit le peuple, les voies goudronnées sont rares, sauf sur les axes principaux.
Là où vit la plèbe, même en dehors de la saison sèche, il y a des eaux stagnantes partout.
Là où vit la majorité de la population africaine, les caniveaux sont pleins d’ordures et ils sont puants.
Je ne sais pas s’il existe des services d’hygiène, de santé et de je ne sais quoi d’autre mais c’est tout de même un drôle de spectacle que de voir une dame en train de griller des côtes de porc et des cuisses de poulet à côté de ce genre de caniveaux. Les morceaux de manioc sont vendus là aussi, dans les mêmes conditions.
Quand il pleut à Ndjindji, dans la majorité des quartiers, c’est un mélange d’enfer et d’enfer. Quand on n’a pas de 4*4, on ne peut simplement circuler. Quand on est piéton, autant rester chez soi.
A ce niveau aussi, les deux plus grandes villes du pays sont logées à la même enseigne.
Il n’y a aucune différence.
Pourtant, je me demande où vont les sous de la fameuse capitale économique… (N’est-ce pas comme cela que cette ville a toujours été appelée depuis le baptême du Diable ?)
En postant ces sujets sur un réseau social (FB en l’occurrence), une sœur, originaire du territoire berlinois du Bénin m’a dit qu’elle avait l’impression que je parlais de Cotonou.
Le Congo ne manque ni d’urbanistes, ni d’architectes, ni de spécialistes et autres experts en hygiène, assainissement, sécurité et de je ne sais quoi d’autre. Comme le reste du continent. Il serait temps (enfin !) d’utiliser toutes ces intelligences pour le bien-être des Africains. Toutes ces saletés, combinées à nos fortes chaleurs, ça attire mouches et pathologies. Toutes ces saletés attirent les moustiques. Or, je me souviens qu’en Asie du Sud-Est, la malaria a quasiment été éradiquée. Or, chez nous, la malaria demeure la première cause de mortalité et les pouvoirs publics ont démissionné depuis des lustres pour combattre la chose.
En étant un poil cynique, on a comme l’impression que ça doit en arranger certains que les Africains crèvent ainsi de toutes ces pathologies.
Obambe NGAKOSO, October 2015©