10 juin, il y a 24 ans…
Le 10 juin 1991 était le dernier jour de la Conférence nationale souveraine (CNS) qui avait débuté la même année le 25 février. Un évêque, ayant le titre de « monseigneur », Ernest Nkombo, avait dirigé cet événement de portée historique.
Ce fut en effet la plus grand-messe que le Congo avait connue. Il y eut certes, en 1972, une autre Conférence nationale, mais la portée et la durée n’avait rien à voir avec celle de 1991. En 1972, le PCT (Parti congolais du travail, parti unique) était à la manœuvre alors qu’en 1991, le vent du multipartisme soufflait à nouveau sur le 242 et c’étaient des centaines de partis politiques, d’associations de la société civile qui donneront du fil à retordre au pouvoir et, allant même plus loin, des plaies non cicatrisées depuis 1959 – jusqu’en 1990 – seront rouvertes avec une violence verbale inouïe. Le PCT comprend alors que la conservation du pouvoir devient alors une équation d’un degré inconnu à plus d’une équation. Malgré la présence de quelques partis et associations acquis à sa cause, le PCT est malmené et le Premier ministre issu de ce conclave n’est pas de son camp et n’en a jamais été membre. C’est un cadre de banque venu d’une IFI, tout droit des USA : André Ntsatouabantou Milongo, ancien Trésorier payeur général (1964-1969).
Les insultes, injures passées, plus quelques idées neuves, le 10 juin est la date de clôture choisie pour se dire au revoir et tourner une nouvelle page dans la vie politique, sociale et économique du Congo.
Croit-on, en tout cas.
Une cérémonie de lavement de mains est organisée, en public, devant le Palais des congrès (rebaptisée Palais du Parlement), construit sous l’ère PCT. Les cameras de TV Congo sont là, ainsi que leurs micros. Les micros de la radio sont là aussi. Certains Congolais sont surpris et étonnés de voir un Denis Sassou Nguesso, l’homme le plus malmené par la majorité des conférenciers, sourire mais surtout inviter son frère d’armes, son ancien camarade de parti, son aîné, Jacques Joachim Yhombi-Opango, ex-chef de l’Etat, son prédécesseur qu’il déposa un certain 5 février 1979. Les deux hommes, en public, sous les yeux de tous et de toutes (et aussi du prélat, Ernest Nkombo) se lavent les mains.
Ce jour-là, j’étais au Camp du 15 août 1963, un camp dans lequel j’avais passé mon enfance mais que j’avais quitté avec mes parents et mes frères depuis des années. J’étais chez un de mes papas et je riais face à ce que j’estimais être une vaste fumisterie. Cependant, à ma grande surprise, une de mes mamans, me demanda d’aller chercher un seau et d’y mettre de l’eau. Elle nous invita à faire comme à la TV, en nous demandant d’être sincères dans cet acte symbolique certes mais lourd d’importance et de conséquences. Je plongeais alors à mon tour mes mains dans ce seau et tous et toutes, nous nous dîmes qu’il fallait écrire une nouvelle page de nos vies, de nos histoires.
J’y ai cru à ce moment-là, car maman nous avait dit que c’était possible et elle, elle avait de la bouteille.
En 1993, le Congo était en guerre. Pour être précis, des parties de ma ville natale, Mfoa, passaient des journées entières sous les coups de feu et de canons. Chose nouvelle, les mots « pillage », « sinistrés » entrèrent dans notre vocabulaire. Des gens qui avaient grandi ensemble, comme drogués par nos piètres politiciens (opposition) et nos non-moins piètres gouvernants se mirent à utiliser tout ce qu’ils avaient sous la main pour estourbir les voisins sous prétexte qu’ils ne seraient pas de la même « tribu » (sic !) ; d’autres se mirent à violer les sœurs, épouses, filles et mères des voisins !
En 1994, on remit ça, avec moins d’ampleur, il faut dire mais, entre temps, ces mêmes gens qui adorent nous gouverner avaient dit « Plus jamais ça ! »
Je me souviens même des paroles de Milongo : « Comment avons-nous fait pour en arriver à ? » Dommage qu’il nous ait quittés en 2007 sans nous apporter un brin de réponse lui qui finira par créer un parti politique (l’UDR-Mwinda) afin de conquérir la présidence de la République, en 1992.
En 1997, ce fut la plus grande boucherie d’après les indépendances factuelles du continent. On parle alors de 15.000 morts, soit 5 fois plus que ceux de 1993.
Encore des femmes et et des filles violées.
Encore des gens mutilés à vie.
Encore des maisons détruites.
Je ne parle pas du reste.
Les Congolais sont cocus et ils paient la chambre qui plus est car l’argent achetant ces armes est leur argent. Les enfants qui pillent sont leurs enfants qu’ils ont nourris et chéris des décennies durant.
Le Congolais développe alors certaines expertises : il pille les bâtiments publics ; il crée des marchés, en pleine guerre, où sont vendus les produits du pillage. Faut-il continuer ? Non, je n’en jette plus, c’est bon.
De 1998 à 2000, la paix est factice, plus qu’apparente car les armes circulent encore et on se souviendra très bien de ce fameux dix-huit décembre 1998.
On n’a rien compris ou bien on refuse de comprendre : le résulta lui, est le même en tout cas…
Aujourd’hui, dix juin 2015, c’est férié puisque c’est la journée de la Réconciliation nationale.
Questions :
- Qui s’est réconcilié avec qui ?
- Fera-t-on un jour le bilan de toutes ces guerres ?
- Indemnisera-t-on un jour les Africains ayant été victimes de cette violence pas si aveugle que ça ?
Nous savons que l’Afrique du Sud est un chaudron géant à ciel ouvert car il n’y a jamais eu réparations depuis la fin de l’apartheid. On voit chaque année ce qui se passe dans ce pays. Les Congolais sont avertis. Enfin, je l’espère…
Obambe NGAKOSO, June 2015©