Bon voyage au pays des Ancêtres, tonton Gandou (Alexandre)
La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était en septembre 2012, dans mon quartier, à Nkombo, sur la RN2.
J’avais remarqué qu’il avait un peu maigri, mais on avait plutôt paré d’autre chose.
Depuis qu’il était alors le président de la COSUMAF, à Libreville, jamais nous n’avions eu l’occasion d’en parler. Je profitai donc de cette occasion pour le bombarder de questions à ce sujet et le militant que j’étais devenu depuis quelques années ne pouvait le laisser repartir ainsi sans lui poser des questions sur les pannes et autres dysfonctionnements de la zone CEMAC, l’organisation sous-régionale la plus inefficace du continent.
Même quand j’ai ma petite idée sur le sujet, j’aime demander.
Pour lui, il ne fallait pas chercher bien loin les causes de toute cette inertie : « Egoïsme ! »
C’est le mot qu’il lâchera lors de cet échange que je n’oublierai jamais de ma vie. Jamais.
Constat implacable.
Comme me l’a rappelé une sœur la semaine passée, « Partons de nos sentiments pour comprendre et expliquer les choses ! »
Mardi soir donc, c’est ma mère qui m’appelle pour vérifier cette info : « Il serait dans le coma ! » J’étais déjà mal physiquement moi-même et cette nouvelle en a rajouté une couche. Les coups de fil s’ensuivent et le lendemain matin, c’est mon petit-frère qui me le dit : « Il est mort ! »
Oui, tonton Gandou Alexandre (c’est ainsi que j’aimais bien l’appeler) nous a quittés ce 13 mai. Le crabe a encore frappé, malgré les avancées de la technologie et des sciences que l’Homme ne cesse de mettre à son service.
Depuis 2012, je ne l’avais eu qu’au téléphone et je savais que son état de santé n’était pas des plus reluisants. Je fus très heureux de savoir qu’il avait crée son cabinet de consulting : un vieux rêve ! En septembre 2012 déjà, il m’avait annoncé qu’il était hors de question pour lui de faire un troisième mandat à la tête de la COSUMAF. Deux suffisaient largement et il souhaitait se mettre à son compte. C’est ainsi qu’il se mettra à son compte.
J’ai rarement vu homme aussi érudit faire preuve de simplicité dans le microcosme financier congolais. Dans un enclos où le moindre diplômé (surtout venu d’Europe. Ce docteur en économie de Dauphine ne faisait jamais étalage de son savoir. En tout cas pas à ma connaissance. Je l’ai vu plus d’une fois à l’UCB (Union congolaise des banques) avec ses amis et collaborateurs. Il bossait, traitait ses dossiers et menait ses équipes.
Quand, aux lendemains de la Guerre de 1997, il fut nommé Directeur du marketing de cette banque, il adressera un courrier à sa hiérarchie pour savoir en quoi devait consister son poste. Malgré des revenus très intéressants, il voulait de la clarté. Ce qui est somme toute normal mais paraît extraordinaire sous nos cieux.
Il était pour moi un modèle aussi en ce sens qu’on pouvait aisément gagner sa vie sans être obligé de faire des courbettes pour devenir un ministrion et ensuite taper comme un sourd dans les caisses de l’Etat.
C’était un bon vivant.
Un très bon même.
Partager un repas avec lui était fort agréable : bière, vins, poissons, pondu, etc. on en dégustait avec plaisir. Ah ! oui, il y avait un point de discorde entre lui et moi. Le manioc…
Oui, l’homme n’en mangeait pas mais contrairement à certains qui se réfugient dans le pain à base de blé, il adorait les ignames, les bananes cuites.
Le cœur sur la main ? C’était lui incarné.
Je n’étais pas au Congo lorsque les fous ont décidé de mettre cet enclos colonial à feu et à sang, mais je sais par le menu ce que lui, sa femme, s es enfants et le s miens ont vécu, subi, de Moukondo (où il a une maison) à Nkombo puis au village. C’est aussi comme cela qu’on devient une famille, une vraie, au-delà même des liens de sang.
Né dans la décade précédant les fameuses indépendances, ayant étudié à la Grande école de Poto-Poto, il était un vrai enfant des arrondissements 3 (Poto-Poto) et 4 (Moungali), parlant un bon lingala. D’ailleurs, je me souviens de ce jour de novembre 1999 quand, dans son logement de fonction, au centre-ville, à un jet de pierre du Mess des officiers, il reçut une équipe de TV Congo. Service lingala et il s’exprima avec aisance dans cette langue pour parler de la finance, de l’économie.
Ce sont ces petites choses que je garde de toi, cher tonton, toi que toute ta famille appelait affectueusement « Doc ».
Jeudi et vendredi derniers, à la veillée à Epinay/Seine, ça m’a fait bizarre de revoir tantine, les enfants, tes petits-enfants. Le temps passe, charriant avec lui ce qu’il veut, comme il veut et où il veut.
Samedi dernier, dans la grande salle de la veillée, j’ai vu ta photo. Un choc. Un choc terrible !
Je pense encore à ce jour où, après mon retour du Maroc, maman te voyant entrer dans le salon où j’étais déjà assis t’a dit, « Regarde ton neveu : il est devenu gros comme toi ! » et moi de rétorquer, « Ah ! non, niveau ventre, il me bat à plate couture ! »
On avait tous ri et toi, avec ta timidité naturelle tu n’en avais pas fait plus.
Ah ! comme tu vas nous manquer.
Je pense à toi, je pense à tantine Mamou, c’est dur après 40 ans d’amour, c’est si rare de nos jours. Je pense à tes enfants et à tes petits-enfants.
Bon voyage au pays des Ancêtres où tu vas retrouver ta famille, issue des deux côtés du fleuve Congo. Oui, nombreux ne savent pas que tu étais à cheval : les Gandou sur la rive droite et les Mapela sur la rive gauche.
J’écoute en ce moment des chansons que tu aimais tant.
On ne t’oubliera jamais.
Obambe NGAKOSO, May 2015