« Pourquoi l’Ethiopie? Parce que c’est là que tout a commencé, grand-frère! »
Grand-frère, je voudrais aller en Ethiopie. J’ai besoin de tes conseils…
J’avais été surpris par cette demande car l’Ethiopie, pour moi, à part 666 mille voyages dans ma tête, sans quitter mon lit, ma chaise ou mon fauteuil, se résume à des escales à l’aéroport d’Addis Ebeba.
Sur le site du ministère français des Affaires étrangères, ils déconseillent la région d’Aksoum pour des raisons de sécurité.
Je lui promets alors de me renseigner auprès d’une connaisseuse.
Le message est envoyé et très rapidement, j’ai l’info recherchée par la jeune sœur : Noko, E za lokuta. Loba na yé A kendé na yé*.
Je lui ai transmis l’info et elle était folle de joie. Folle de joie. Pourquoi l’Ethiopie ? Parce que c’est là que tout a commencé, me dira-t-elle. Je fais ma quête identitaire.
Á son retour, elle m’a fait ce magnifique mail et je lui ai demandé l’autorisation d’en faire un billet. Elle m’a donné son accord à trois conditions, dont celle que son nom n’apparaisse pas.
Les conditions ayant été respectées, je vous partage ce récit touchant, d’une jeune Africaine qui a passé plus de la moitié de sa vie en Occident, où elle est arrivée adolescente.
Bon voyage à vous, en sa compagnie !
Obambe NGAKOSO, January 2015, ©
Atakilti, 18 mois, nu, et pourtant chaussé de ses bottes de 7 lieues couleur de sang, défie la mécanique : Il traverse en courant la route nationale très fréquentée qui a récemment été construite au pied de sa maison. Sa mère, meurtrie de peur, le rattrape in extrémis. Atakilti se demande pourquoi sa belle escapade s’interrompt déjà. Son courage n’a pas de limite.
Beti, 6 ans, du haut de sa balançoire confectionnée d’une corde nouée à une branche d’arbre, rêve qu’elle vole. Son bonheur n’a pas d’égal.
Seifa, 5 ans, bat le teff afin d’en retirer le grain. Il le bat avec ardeur et voit les branches s’envoler, encouragées par le souffle du vent : Seifa imagine qu’il prendra vie. Son imagination n’a pas de frontières.
Tachara, 4 ans, vêtu de son habit de lumière, jaune soleil, court rejoindre son père parti avec son troupeau de chèvres à l’aube. Il est seul, au milieu de la nature. Quelle aventure ! Sa joie est explosive !
La petite Alem, 6 mois, dort paisiblement au-dessus du bétail abrité au rez-de-chaussée du toukoul familial. Sa mère veille sur elle. Elle prépare le déjeuner, ici, au-dessous du grenier dans lequel Alem dort en sécurité. Alem jouit d’une confiance aveugle !
Yuke, Kolobe et Mahrt retournent à la maison depuis le puits. Chacune porte un bidon d’eau de son poids destiné à abreuver la famille les prochains jours. Les 3 sœurs marchent en chantant en cœur; pivotant de gauche à droite, Elles dansent. Yuke, Kolobe et Mhrt chantent la Vie !
Asafa, 7 ans, un cahier à la main, rit de plaisir lorsqu’il m’aperçoit lever la main pour le saluer en retour. Il danse, pour moi, pour nous, sa danse traditionnelle Tigré. Pourtant il ne lui reste pas moins de 13km à parcourir pour rejoindre les bancs de l’école.
Haïlé vient d’avoir 5 ans. Il court derrière un cercle fait de fils de fer qu’il fait rouler du bout d’une branche ramassée dans la nature. Haïlé s’émeut de sa belle invention !
Weldasamat a à peine 4 ans et demi. Il est berger : 3 chèvres sous son contrôle averti. Fier, il est le maître du monde !
Kasaï se sent briller sous les feux des projecteurs : Il a fabriqué un ballon à l’aide de tissus ramassés çà et là. Ses 3 amis Demesu, Abiot et Dane ne parviennent pas à emporter la partie. La gloire de Kasaï l’emporte sur leur nombre.
Yeru s’amuse de l’écoulement de l’eau de la rivière. Elle éclabousse sa cousine Yodit qui rit à son tour. Elles sont venues toutes les deux du village pour laver le linge de la famille.
Gabrasgy porte son frère sur son dos. Sa mère confie à cet enfant de 6ans une immense responsabilité. Gabrasgy se sent être le digne représentant de son père.
Siyunu, 10ans, est assis sur une glissière de sécurité. Dos à la route, il observe avec calme une caravane de chameaux traverser l’horizon avec grâce. Siyunu contemple la nature : Il médite !
Yrga, Sntayo et Mogs font la course. Le premier arrivé n’aura…Rien…Et alors ?
J’ai vu des enfants d’Ethiopie Joyeux de vivre, fiers de se qu’ils sont et ce qu’ils ont. J’ai vu les adultes devenus agriculteurs sur leur terre d’enfance, entrepreneurs pour le développement de leur pays, Historiens fiers de leur Histoire.
Un voyage qui donne à réfléchir sur soi-même.
Chaque jour fut chargé d’émotion, de spiritualité, d’authenticité, de partage. Chaque jour, j’ai reconnu la beauté de la nature, de la terre, de l’Homme.
Je reviens…Différente.
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*: C’est un mensonge. Elle n’a qu’à faire son voyage.