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18 décembre 2014

Mumia Abu-Jamal, Condamné au silence

Classé dans : Lectures — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 12 h 00 min

La relecture de ce livre magnifique de Mumia Abu-Jamal, prisonnier politique américain né en 1954 (sous le nom de Wesley Cook) et condamné à a peine capitale depuis trente-deux ans ne m’a pas fait le même effet que la première fois que je l’ai lu, mais tout de même…

Mum

Je me souviens encore combien jeune, j’ai rêvé d’aller m’installer dans ce pays, les USA.

J’en suis revenu.

Tout dans le parcours de ce brave homme, journaliste libre dans sa tête montre à quel point la société américaine baigne encore dans ce racisme qui a permis aux ancêtres des actuels WASP de coloniser ces terres en massacrant d’abord les autochtones (appelés « Amérindiens ») puis d’aller arracher des Noirs en Afrique pour les aider à « développer » ce territoire immense de plus de 9 millions de kilomètres carrés.

Oui, le développement des USA, ce sont les Noirs. Sans nos ancêtres qui y furent amenés de force, ce pays ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Et, hélas ! pour nous, Mumia Abu-Jamal est une des expressions les plus criardes de cette qui nous est vouée et de ce plan d’extermination savamment échafaudé afin que plus un seul Nègre ne respire un milligramme d’air sur cette Terre ;

Pour un premier partage, je vous invite à lire une partie de la préface de ce livre, signé Noëlle Hanrahan**.

 

La cellule de haute sécurité de Mumia est meublée d’un lit constitué par un fin matelas et un sommier en acier, d’une table et d’une chaise d’un métal brillant, d’un lavabo et d’une cuvette de WC intégrés. Cette petite pièce hermétiquement scellée ne serait pas acceptée comme niche par un chien. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans rien entendre d’autre que le bruit de votre propre souffle, sans pratiquement jamais entrevu la lueur du soleil ou de la lune en dix-huit ans, sans avoir le droit d’embrasser ou de toucher votre compagne, votre fille, votre père ou votre ami. Mumia est pensionnaire du couloir de la mort du pénitencier d’Etat de Greene, à Waynesburg, en Pennsylvanie, depuis le 13 janvier 1995. Auparavant, de 1983 à 1995, il était détenu dans le couloir de la mort de la prison d’Etat de Huntingdon. Et pendant six de ces dix-huit années, de 1985 à 1991, il a été privé d’appels téléphoniques, de télévision et de radio pour avoir refusé de se couper les cheveux sur ordre de la direction des établissements pénitentiaires de l’Etat de Pennsylvanie.

Mumia est enterré, enterré vivant, bien que la date de sa mort soit déjà fixée.

Et pourtant la figure de Mumia transcende la prison. Il a la rare capacité de prêter sa voix aux humiliés et aux offensés. Les thèmes évocateurs de ses essais radiophoniques vont bien au-delà des murs de sa prison pour illustrer les points de vue et la valeur humaine intrinsèque de tous ceux qui vivent en dehors de l’univers doré des élites tels que le reflètent les médias.

Je me suis toujours demandé pourquoi les vérités sans fard diffusées par Mumia Abu-Jamal paraissaient tellement subversives. Sans doute parce qu’il ne s’est pas contenté de survivre, mais qu’il a continué à pratiquer son métier de journaliste sans compromis. Les commentaires que Mumia rédige depuis les entrailles, d’une des prisons les plus répressives du pays sont dangereux ; ils menacent le fonctionnement bien huilé de la machine à tuer et de l’esclavage moderne promus par l’Etat.

A partir du moment où sa voix est transportée par les ondes, l’humanité de Mumia ne peut plus être ignorée. Notre conscience collective se met à percevoir l’ampleur de la répression. L’anonymat du prisonnier fait place à la réalité concrète de la prison. La voix de Mumia est de celles qui, à de rares moments de l’histoire, s’élèvent pour témoigner. Les essais de Mumia répondent à l’appel prophétique lancé il y a plus d’un siècle par Frederick Douglass dans son discours :

« Que signifie le 4 juillet pour un esclave américain ? » :

« La sensibilité de la nation doit être piquée au vif, sa conscience doit s’éveiller, il faut heurter ses préjugés, exposer son hypocrisie. Ses crimes contre Dieu et l’homme  doivent être proclamés et dénoncés […]. A l’heure actuelle, il n’est pas une nation sur la Terre qui soit coupables de pratiques plus choquantes et plus sanguinaires que le peuple des Etats-Unis. »

Le son de la voix profonde de Mumia est lui-même porteur d’une clarté sans pareille et son écriture est capable de transmettre la vérité vraie des opprimés en des termes qui trouvent un écho chez les individus de toutes les classes et de toutes les cultures. C’est même cette capacité qui en fait quelqu’un d’unique. C’est ce que Assata Shakur : « La première fois que j’ai entendu un enregistrement de Mumia est aussi la première fois que j’ai entendu un enregistrement de Mumia est aussi la première fois où j’ai vraiment compris pourquoi le gouvernement des Etats-Unis tenait tellement à le mettre à mort… Ce qu’il disait était si clair, si vrai que je me sentais obligée d’abandonner toutes mes occupations du moment et de me concentrer sur son message. »

  

Obambe NGAKOSO, December 2014 ©

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 * : Mumia Abu-Jamal, Condamné au silence, préface de Danielle Mitterrand, La Découverte, 10€

**Journaliste d’investigation et directrice du Prison Radio

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