Alpha Condé: l’âge n’excuse pas tout
Dans une société où je travaillais naguère, un de mes collègues, Français et même très nationaliste, faisant une sorte de point sur ces chefs d’Etat africains qui, furent formés en France et qui, à ses yeux, étaient de vraies calamités. Il conclura en me disant, Obambe, la France est maudite.
J’avais souri.
Oui, souri car je ne savais pas quoi lui répondre. D’une part, je ne crois pas qu’un pays puisse être maudit et dans le cas d’espèce, qui je suis moi pour oser ajouter ou retrancher quoi que ce soit au sujet d’une malédiction réelle ou supposée de la France ?
J’ai pensé à lui en écrivant cette chronique du mercredi 16 décembre 2014. Je la rédige en fait la veille, la nuit et j’ai mal quelque part.
Où ?
Je ne saurais le dire.
A ma tête ? A mon cœur ?
Je pense notamment à Alpha Condé, sur le papier président de la Guinée. Les lecteurs de cet espace (de l’ancien, pour être précis), doivent se souvenir que j’avais applaudi et même acclamé la victoire de cet homme, lutteur infatigable contre les présidents Ahmed Sékou Touré (1922-1984) et Lansana Conté (1933-2009). Je ne me faisais pas beaucoup d’illusions, mais j’avais quand même un brin d’espoir que cet homme, arrivé au pouvoir à un âge assez avancé (72 ans) allait avoir assez de sagesse pour limiter la casse.
Oui, limiter la casse.
Je ne comptais pas sur lui pour faire des miracles car de toutes les façons, je n’y crois pas.
Tout de même ! Tout de même !
Celles et ceux qui ont connu cet homme du temps de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire de France) avaient de l’admiration pour lui et en parlaient avec les plus grands des éloges. Le juriste qu’il avait fini par devenir faisait toujours leur admiration. Les gens avaient espoir que sous lui, la Guinée et une partie de l’Afrique (why not ?) allaient voir quelque chose. Il militait pour l’unité africaine et en ce temps-là, les étudiants noirs de France y croyaient sans doute en majorité. Des témoins sont encore là pour en parler.
Oh ! qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.
L’an dernier, je me souviens encore de ces quelques heures passées dans une famille guinéenne. Nous regardions la télévision de là-bas et quatre fois d’affilée, des JT en langues locales furent diffusées. Ce qui est une très bonne chose et que cela soit une chose récente ou datant d’un autre régime. Cependant, même pour moi qui ne parle aucune de ces langues (le malinké et le soussou notamment), il était aisé de constater qu’une dame était omniprésente : Mme Condé herself, Djéné Kaba. Elle faisait des dons et il était aisé de voir que les journalistes, les caméramans et tous les hommes politiques devant elle ne cessaient de lui faire la courbette. Le frère guinéen de me dire, Bambi, tu vois, le gars sur qui tu comptais ? Je te disais, moi, que c’est un faux type. En réalité en effet, il n’y a pas vraiment de différences de pratiques entre ce que lui fait et tout ce qu’il critiquait hier chez les autres.
Le pompon pour moi a été sa récente déclaration quand il a dit que c’était une honte pour lui, Africain, pour les Africains, de ne pas être capables d’assurer la défense de leur continent. Reprenons ses mots :
C’est une honte pour nous que, 50 ans après, on soit obligés d’applaudir la France.
Si les mots avaient encore de l’importance, Condé qui a dit là une chose vraie et de bon sens, devrait disparaître car sa pratique du pouvoir le contredit complètement et je ne vois pas en quoi il est pardonnable :
- Qu’a-t-il fait depuis qu’il est là pour que l’Afrique n’ait plus à tendre la main de la sorte ?
- Pourquoi a-t-il fait bloquer au port de Conakry, les armes destinées à l’armée malienne alors que les pauvres soldats maliens, les mains nues, se faisaient égorger au Nord de leur pays par les bandits appelés djihadistes ?
J’ai coutume de dire que de la schizophrénie, on ne guérissait pas. Je n’invente rien, même le médecin le plus médiocre vous le dira. Comment peut-on en même dire que l’on est pour l’indépendance africaine et tout faire pour que le Mali s’agenouille devant la France ? Aux yeux du monde, aux yeux de ces Africains qui sont drogués aux media-mensonges, c’est le Mali qui a été incapable de se défendre seul et qui a eu recours à la France alors que, qui sait, avec ses armes que Condé a fait bloquer au port de Conakry, elle aurait pu mieux se défendre et peut-être même gagner seul sa guerre. Si les soldats tchadiens (certes très aguerris) ont fait parler d’eux positivement dans cette guerre, why not les soldats maliens ?
Des déclarations comme celles de Condé, on s’en passerait volontiers. Quand on est couché et qu’on refuse de se mettre debout, autant se taire et attendre que la nature joue son rôle. Oui, la vieillesse peut vraiment être un naufrage car là, à 76 ans, il ne fait pas honneur à son rang ni à son âge. C’est même pire.
Obambe NGAKOSO, December 2014©