Les journaleux françafricains et leurs copains
Ce jeudi matin, le Premier ministre de l’empire français, Manuel Valls, Français d’origine espagnole, fils d’immigrés, immigré lui-même, supporter du club espagnol du FC Barcelona (club de sa ville natale) était l’invité de la radio RMC infos. Cela fait six mois qu’il a été nommé par son président et camarade de parti, François Hollande, le passionné de scooters et de casques, au poste de Premier ministre.
L’occasion était donc belle pour faire un bilan d’étape avec la rédaction de cette radio. Six mois, c’est pas mal. En six mois, on peut faire plein de choses. Bonnes comme mauvaises.
Je n’ai pas suivi cette émission car je n’en voyais pas l’intérêt. Je savais très bien de quoi cet homme allait parler et surtout je savais quelles questions la journaliste Apolline de Malherbe. Ce que j’aime le plus, c’est l’instant d’après, avec ce genre de politiciens (car pour moi cet homme n’est pas un homme politique, pas un homme d’Etat, mais bel et bien un politicien). Et je n’ai pas été déçu.
Un auditeur de cette même radio a appelé pour s’en prendre à la journaliste qui, selon lui, n’a pas posé les bonnes questions. Pour qui paie ses impôts en France, pour qui y vit, ce qui importe ce sont les questions économiques et sociétales. Les questions d’appareil du PS (Parti socialiste), il y a des moments et des endroits pour ça. On n’interroge pas un Premier pour ses six mois de primature, longuement, sur les querelles intestines de son parti. Selon cet auditeur, très remonté, c’est ce qu’a fait cette journaliste et l’invité s’en est donné à cœur joie. Interrogé sur les chiffres du chômage (qui sont publiés chaque mois), Valls a eu l’outrecuidance de dire qu’il ne les avait pas encore. Comment peut-on être aussi malhonnête que cela ? Ces chiffres sont connus dans la journée par le grand public, Monsieur et Madame-Tout-Le-Monde, mais ils arrivent auprès du président de la République, du Premier ministre, du ministre de l’Emploi, bref ! auprès du gouvernement bien avant tout le monde. Au moment de répondre à cette question, Valls les connaissait, ces chiffres. Il savait. Combien de fois n’a-t-on pas entendu la veille de la publication des chiffres, des ministres (de l’Emploi et de l’Economie, très souvent) les commenter.
Le plus triste, le plus malheureux n’est pas tant qu’un Premier ministre mente sans la moindre vergogne, mais que la journaliste ne le relance as là-dessus. Elle passe à autre chose (d’après cet auditeur, j’insiste) comme si on lui avait dit Entrez Madame, prenez place ! La plupart des journalistes français, qui sont les professionnels de l’interrogation de ces hommes et de ces femmes qui ont la charge de gérer la France (ou qui l’ont eue) passent leur temps à servir la soupe. Ce n’est pas pour rien que souvent la presse française est considérée comme un robinet d’eau tiède. Hyper tiède même, si ça pouvait exister. Ils sont gentillets, tout doux et souvent mielleux avec leurs invités (es). C’en est pathétique.
Ces journalistes et leurs invités (es) sont issus des mêmes écoles (ce qui n’est pas un crime en soi). Ils fréquentent les mêmes cercles de réflexion (pourquoi pas ?) Ils dînent, déjeunent et petit-déjeunent régulièrement ensemble (qui paie la note, au fait ?) Un jour, à la fin d’une émission télévisée sur la chaîne de TV France2, la journaliste Arlette Chabot fit la bise à son invité, Jean-François Copé (qui n’était pas encore Monsieur Bygmalion à cette époque) Ignorait-elle que les caméras n’étaient pas encore coupées ou s’en foutait-elle royalement ?
Un journaliste britannique, interrogeant un homme politique britannique entendit son invité ne pas répondre à sa question. C’était en direct à la TV. E journaliste reposa la même question. Même réponse à côté de la plaque de l’invité. La question sera au total posée 17 fois et l’invité fut bien obligé d’y répondre.
17 fois.
Qui en France peut oser ?
Qui en France, parmi les professionnels des interviews des politiques peut avoir le courage de faire simplement son travail ?
Il y a quelques années, sur le plateau de France3, alors que Nicolas Sarkozy n’était pas encore président répondait à des questions posées par des journalistes de cette rédaction. Audrey Pulvar lui dit : Vous n’avez pas répondu à ma question ? Et Sarkozy de dire, Oui, mais c’est ma réponse. Avec de vrais professionnels, on se serait attendu à une insistance soit de Pulvar soit de ses collègues (ou de son collègue, je ne sais plus combien ils étaient, désolé). Mais non. Sarko fit son sarkoshow.
Fermez les bans.
L’essentiel est sauf !
Lors du débat organisé par une chaîne de TV ghanéenne pour la présidentielle de 2008 au Ghana, je me souviens de cet homme qui dirigeait le débat entre les candidats. Il était pugnace et ne laissait rien passer. Ce fut passionnant et j’eus le plaisir de suivre la chose de bout en bout.
Au Congo, sur notre chaîne qui à cette époque était encore la seule, un journaliste se contenta d’un piteux, Vous n’avez pas répondu à ma question mais je vous en pose une autre. On comprend mieux pourquoi certaines de nos élites adorent tant le modèle français…
Waouh !
Obambe NGAKOSO, October 2014©