Billet d’analyse n° 1 du Bureau Politique Provisoire 07 septembre 2014
Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire…Un nouvel arc françafricain sur l’Afrique de l’Ouest ?
L’impérialisme ne dort jamais, et il prépare une année 2014-2015 chaotique pour les fils et les filles d’Afrique. Il est donc plus que jamais urgent de déployer, de manière coordonnée, toutes les énergies du mouvement panafricaniste dirigées dans un seul et même but, qui est la construction d’un État fédéral, seule condition pour la satisfaction des besoins de nos populations sur le continent et dans la diaspora.
Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire aujourd’hui, Mali, Niger, Nigéria demain, quelques indices montrent que l’arc de domination impérialiste cherche à se renouveler en Afrique de l’Ouest.
Le Bénin, prochaine crise régionale ?
Au Bénin, où les élections municipales de 2013 ont été repoussées en arguant notamment le manque de financement, il est de plus en plus question d’organiser des élections générales couplées (présidentielles et législatives) voire triplées (avec les municipales) au printemps 2016. En l’état actuel, la liste électorale est incomplète et plusieurs foyers de population hostiles au président Yayi Boni n’ont pas été recensés. Élu en 2006, réélu en 2011, le président Yayi qui ne peut briguer un troisième mandat envisagerait de modifier la constitution pour un changement de République permettant de repartir à zéro. En réalité, nos régimes françafricains n’ont jamais décollé du niveau zéro. En cas d’échec, Yayi Boni devrait chercher à placer au pouvoir un homme acquis à sa cause, ou choisir une stratégie de chaos qui pourrait voir intervenir des groupes criminels au Bénin, sur le mode de ce qui se passe dans le nord du Nigéria. En tout état de cause, le débat national sera court-circuité par une classe politique uniquement préoccupée par ses privilèges matériels et financiers.
Or, la situation économique ne cesse de se dégrader, en particulier depuis que le Nigéria a levé son embargo sur certains produits qui transitaient par Cotonou, et que la Côte d’Ivoire a relancé son activité portuaire. Il convient d’accélérer le rapprochement de la LP-U avec des organisations et des militants au Bénin pour que les panafricanistes puissent donner de la voix en 2016. Remporter des victoires au niveau municipal, législatif ou présidentiel n’est pas hors de portée à condition de mener un travail sérieux.
Burkina Faso, au tour des « milliers de Sankara » de prendre le pouvoir
Au Burkina Faso, bastion de l’impérialisme françafricain, 2015 est une année charnière en raison du contexte politique. En séance de travail, la Section territoriale et le Bureau France représenté par le frère Kufu ont souligné deux axes : renforcer l’implantation à l’échelle de la ville de Ouagadougou, et implanter le mouvement dans les autres localités du Burkina Faso. Avant son assassinat le 15 octobre 1987, le capitaine Thomas Sankara disait que « si vous tuez un Sanakara, des milliers de Sankara naîtront ». Le Bureau Politique Provisoire (BPP) salue le travail des militants jeunes et dynamiques, héritiers de cet esprit de résistance et de courage, et dont la provenance de différents horizons religieux montre que d’une part, nous ne devons pas écouter les mensonges des médias qui veulent diviser les Africains sur la question religieuse et culturelle, et que d’autre part, la question spirituelle ne peut justifier une division politique dans le projet panafricaniste.
Deux remarques ici. Premièrement, cette volonté de court-circuiter les élections présidentielles, mais de ne pas organiser d’élections municipales ou communales au Bénin comme dans de nombreux pays africains est un indice qui montre que nos adversaires savent très bien qu’une stratégie de prise du pouvoir par la base, en commençant par les villes et les zones rurales, est le meilleur moyen de les déloger et de rendre le pouvoir au peuple. La LP-U fait de cette conquête du pouvoir par la base une de ses stratégies. Deuxièmement, à l’approche des renouvellements « démocratiques » et des appels aux urnes, le premier président africain constitutionnellement empêché de se représenter et qui réalisera la modification de la constitution pour briguer un « troisième mandat » ne fera que donner le signal à tous les autres qui, à Brazzaville ou à Kinshasa, à Cotonou ou à Ouagadougou, trépignent d’impatience de rempiler et de s’empiffrer sur le dos du peuple.
Côte d’Ivoire et modélisation de la solution panafricaine
En Côte d’Ivoire, alors qu’Abidjan redevient progressivement la capitale africaine préférée des multinationales et des ONG impérialistes, la gestion de l’affaire d’Ebola montre une fois de plus que ce pays est stratégique dans la conquête du pouvoir, car il a la capacité de déstabiliser toute l’Afrique de l’Ouest par la simple décision politique d’ouvrir ou de fermer ses frontières, mais également de fermer son port à tout bateau en provenance d’une autre ville africaine. Les conséquences sont notamment des pénuries alimentaires et un renforcement de la xénophobie. Les panafricanistes doivent plus que jamais réfléchir aux processus de gestion des crises sanitaires sans tomber dans une psychose sciemment alimentée par les médias.
Par ailleurs, la situation ivoirienne est plus que jamais critique avec un régime et une opposition qui rivalisent dans l’indignité et l’incapacité à proposer des solutions. Comme indiqué dans un article publié dans Panafrikan (« Gbagbo libre, mais après ? » : http://fr.umoja-org.com/cote-divoire-gbagbo-libre-mais-apres/#more-2891) et validé par le comité éditorial et la ligne politique de la LP-U, le BPP maintient sa position sur le départ des forces militaires étrangères, la sortie du Franc CFA, le retrait de la francophonie sans tomber dans les griffes de l’impérialisme culturel anglo-saxon, et pour une remise en ordre de la question du foncier et du code de la nationalité afin de déminer une bonne fois pour toutes les programmes de « rattrapage ethnique ». La LP-U prépare des solutions sur tous ces problèmes, y compris de manière pratique sur le terrain, grâce à une Section territoriale active et dynamique, engagée dans un projet économique qui montre l’importance de soutenir l’épargne interne pour assurer l’auto-développement et l’autosuffisance.
La LP-U, en Côte d’Ivoire comme au Burkina Faso, doit analyser et comprendre les succès et les erreurs des dirigeants dits souverainistes ou panafricanistes (Thomas Sankara, Laurent Gbagbo) sans tomber dans la nostalgie et l’idolâtrie, et lever le voile sur la fausse réussite des régimes d’Alassane Ouattara et de Blaise Compaoré, lesquels sont au service des intérêts anti-africains. En assumant ouvertement le choix de porter une vision politique à l’échelle continentale et fédérale, en déplorant les éléments de divisionnisme interne ou de confrontation externe stérile et puérile, en dénonçant les débats oiseux qui visent à nous détourner de nos objectifs suprêmes qui sont la construction de l’État fédéral et la restauration de la dignité des fils et des filles d’Afrique, la LP-U demande à tous ses militants de continuer à construire et défendre un projet panafricaniste audacieux pour briser l’arc qui enferme l’Afrique dans l’exploitation et la pauvreté.
Umoja ni Nguvu !
Amzat Boukari-Yabara
Secrétaire au Programme politique et à la Prospective
Septembre 2014