Françafrique: les maîtres déconnent, les élèves se taisent
L’actualité – très immédiate – de la politique française va donner l’occasion à des Français qui l’ignoraient encore, une des idées forces de la politique américaine. Cette idée est liée à la transparence dont sont obligés de faire montre les Américains prétendant accéder à des fonctions fédérales.
Je ne sais plus combien de fois j’ai eu l’occasion de préconiser ce système pour les pays africains qui ne sont à ce jour pas encore passés par cette case. Cette case, c’est celle qui consiste à passer au crible la vie d’un homme, surtout sur les questions liées à ses compétences, son expérience professionnelle, ses publications (s’il y en a), son patrimoine matérielle comme immatériel.
On ne peut certes arriver à une assurance et à une sûreté équivalentes à 100%, mais le nombre de dérives est à coup sûr limité. Très limité, comparé à ce qui se fait par exemple dans un pays comme la France, éternelle donneuse de leçons à la terre entière en général et à l’Afrique en particulier.
Au sujet de l’Afrique, de la littérature coloniale à ce jour, il ne peut se passer une semaine sans que des cours de savoir-vivre, des cours de sciences politiques, des cours de gestion de ressources humaines, des cours philosophie politique, des cours de bonnes mœurs , des cours de bonne gouvernance (expression qui fait florès depuis quelques années). Tout est bon, pour la presse française et les élites politico-journalistico-universitaires françaises pour jeter tout ce qui vient d’Afrique aux orties et aux oubliettes.
Pourtant, et pourtant… Du côté de l’Hexagone, il ne peut se passer une seule semaine sans qu’un scandale n’éclate concernant un élu de la majorité ou de l’opposition. Même les hommes politiques se contentant d’un mandat local et n’étant connus que dans leurs familles et dans la section locale de leur partie politique.
Cette semaine, c’est un certain Thomas Thévenoud qui est devenu tristement célèbre pour des impôts payés en retard. Le 26 juin 2013 dernier, sur la radio RTL, il disait au sujet de son camarade de parti, Jérôme Cahuzac, ceci : Jérôme Cahuzac? J’ai une question toute simple à lui poser : pourquoi a-t-il menti à la représentation nationale? Pourquoi il s’est menti à lui-même? (…) Cahuzac est un ancien collègue, ça a été un ministre qui avait un savoir-faire, mais il nous a menti et c’est une véritable trahison. » Thomas Thévenoud, alors membre de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Cahuzac. Cahuzac était tout simplement l’homme que Français Hollande, fraîchement élu en mai 2012, avait choisi pour gérer le budget de la France, avec un matraquage fiscal hors du commun, dans le but, disaient ces bonnes gens, de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. Ce chirurgien de formation avait été accusé de détenir des comptes en Suisse. Accusations qui se révéleront exactes et qui lui vaudront de quitter le gouvernement, provoquant un véritable séisme dans le monde politique français.
Il n’y a pas à dire. Les hommes politiques français ont un véritable problème avec l’argent. Soit c’est de l’argent public qu’ils détournent, soit c’est leur propre argent qu’ils gagnent mais qu’ils dissimulent à l’administration fiscale. Dans le premier cas de figure, ce sont les mêmes qui font les lois pour que le moindre trop perçu (même un euro) par la plèbe soit restitué au Trésor public, même s’il faut pour cela utiliser un timbre de 1,1€ sans compter le papier qui va avec, l’enveloppe, l’imprimante utilisée (donc de l’encre) et l’énergie humaine et électrique : Kafka et Ubu roi n’auraient pas fait mieux ! Dans le second cas, ce sont encore les mêmes qui votent les lois afin que le moindre cent gagné soit déclaré afin de « participer à l’effort public », selon la jolie formule consacrée depuis des lustres.
Malgré toutes ces choses, l’on ne verra aucun françafricain s’élever pour donner les coups de marteau nécessaires en pareilles circonstances. Au contraire, au moment de taper ces lignes, de Mfoa à Abidjan en passant par Libreville, Yaoundé et je ne sais quelles autres métropoles CFA, il y a des ministres, des DG, des conseillers et peut-être même au moins un chef d’Etat ou considéré comme tel qui fait ses bagages pour « monter à Paris », recueillir des conseils, parler de « coopération », signer des « accords », demander de « l’aide » et autres âneries du même acabit.
Je reviens encore à cette phrase, à cette question posée par le professeur Mwené Nzalé Obenga, une après-midi de juin 2008 à la salle de l’AGECA, à Paris, métro Charonne : Que faut-il encore faire aux Noirs pour qu’ils réagissent enfin ?
Je veux bien que la lobotomisation ait fonctionné à outrance, mais il devrait quand même arriver un moment où les yeux devraient s’ouvrir et le cerveau –enfin – se remettre à fonctionner, non ?
Obambe GAKOSSO, September 2014