Crise Russie Vs USA (Ukraine, UE, etc.): je relis Cheikh Anta Diop
La crise que vit le continent européen, opposant d’une part le géant Russe et d’autre part les USA et ses valets de l’Union européenne (UE)devrait être encore une fois une occasion pour ces Africains qui ne cessent de se poser des questions sur les voies et moyens de se libérer.
Il y a en effet là matière à réflexion, du grain à moudre et de superbes pépites qui nous sont servies au quotidien qui, pour moi, équivalent à ces passes en or que les footballeurs et les footeux aiment bien. Je ne vais pas refaire la chronologie des faits, déclarations et autres décisions dont certaines explosent largement les seuils du ridicule. Pour la petite histoire – très immédiate – le cœur de l’affaire se situe en Ukraine et de la Russie. Au nom de je ne sais* quoi, les USA et leurs valets ont décidé d’y mettre plus que leur grain de sel. Et on a vu le résultat…
L’histoire nous enseigne tous les jours mais combien d’entre nous aiment suivre les leçons de l’histoire ? Dès que les USA et leurs valets interviennent quelque part, la misère, la pauvreté, les guerres et autres conflits remplacent toutes formes de paix préexistantes**. Et on a vu le résultat… On le voit encore…
Au sein de l’Union européenne, il y a des génies, il n’y a pas à dire. Ces gens mériteraient le prix Nobel de la crétinerie, souvent. Ils ont donc décidé de sanctionner la Russie. Grand bien leur fasse ! Faut-il rappeler que la Russie est le plus grand pays au monde (plus de 17 millions de kilomètres carrés) ? Les USA et l’UE font ensemble à peine un peu plus de 14 millions de kilomètres carrés. La Russie c’est un marché de plus de 140 millions d’habitants. Comment peut-on s’amuser à vouloir marginaliser autant de monde sachant qu’une partie de sa propre économie en est tributaire ?
Depuis 2008, une crise d’une violence inouïe secoue l’Occident à telle enseigne que dans un pays comme la France, quand la sacro-sainte croissance atteint – très péniblement – les 1%, on débouche toutes les bouteilles de champagne situées dans les caves ministérielles, présidentielle etc. C’est dire combien l’Occident souffre et devrait faire preuve d’un peu plus d’intelligence avant de se lancer dans des sanctions hasardeuses. Le fait que la grande Allemagne, par le biais d’Angela Merkel, le véritable homme de cette UE se soit montrée réticente à ce sujet n’est pas anodin et devrait pousser à se poser des questions. De bonnes questions. L’Allemagne, du fait de son histoire avec les deux guerres ethniques de 14/18 et de 39/45, et surtout du fait de la dernière, a constitutionnalisé le fait d’interdire à son armée d’exporter. L’Allemagne n’a pas comme la France des colonies qui lui permettent d’avoir un train de vie au-dessus de ses moyens. L’Allemagne est un grand pays exportateur et il a beau être un nain politique hors de l’Europe, économiquement, c’est un pays qui compte.
Et c’est ce que vivent ses agriculteurs qui devrait faire réfléchir. Selon le journal Les échos, la Russie importe 35% de ses besoins alimentaires et elle dépense 12 milliards d’euros/an pour absorber les 10% des exportations agricoles et agroalimentaires de l’UE. La Pologne, anicien vassal de l’URSS qui est passée sous la coupe US depuis la chute du Mur de Berlin, est le plus gros producteur au monde de pommes et elle exporte beaucoup, en temps normal, vers la Russie. Là, elle est mal, mais vraiment très mal car que va-t-elle faire de sa production de cette année qui, dit-on, battra des records ? Les producteurs polonais subissent le même contrecoup que ceux d’Allemagne qui ont commencé à gronder et disent aux responsables de leurs Landers ainsi qu’au gouvernement fédéral que ces sanctions contre la Russie, c’est une belle connerie.
Voilà ce qui arrive quand les élus, ceux et celles qui dirigent des pays sont déconnectés des réalités du terrain. Dans les Parlements de chaque membre de l’UE, combien y a-t-il de paysans ? Combien d’ouvriers sont représentés au sein du Parlement européen, au sein de la Commission européenne ? Je vous laisse chercher et quand vous aurez trouvé, n’hésitez pas à m’appeler, même à trois heures du matin et ce sera avec plaisir que je vous prêterai mon oreille.
La fameuse démocratie que l’on ne cesse de vouloir nous vendre – au prix fort -, que l’on ne cesse de nous imposer – à coups de canons -, je vous le dis, je m’en méfie de plus en plus comme de la peste. Pourtant, je jure par Orishsa, par Shango et par Aset que j’y ai cru et que j’en fus un ardent défenseur, persuadé qu’il n’y avait rien en Afrique qui puisse, sur ce plan, assurer le bien-être du peuple, de notre peuple.
Quand le pouvoir, l’essentiel des pouvoirs est accaparé par des gens qui sont tellement haut placés que leurs chutes provoquent des accidents de coccyx en cascade, voilà où on se retrouve un jour : on prend des décisions qui vont à l’encontre des aspirations de la plèbe. Sur ce plan, les paysans européens et les masses africains sont logés à la même enseigne. Ils sont enfermés dans des cages dont les clés sont gardées par les technocrates, les députés, les commissaires, les conseillers et autres politiciens de très bas étage.
Je vous propose un extrait d’un des textes majeurs de ce que l’Afrique et le monde peuvent offrir de mieux, e beau, de jouissif, au sujet de la représentation d’un pays, d’un État, d’une nation etc. C’est Cheikh Anta Diop qui m’a ramené il y a quelques années vers des fondamentaux (mes fondamentaux !) que j’ignorai totalement, en rapport avec la Constitution mossé***
Chaque profession a ses mandataires au sein du gouvernement ; ils sont chargés de présenter, le cas échéant, ses doléances. Tel est l’esprit de cette constitution ; pour en saisir l’originalité il faudrait supposer, au plein Moyen Âge occidental (1352-1353, date du voyage d’Ibn Batouta au Soudan, guerre de cent Ans) non pas un seigneur provincial quelconque, mais le roi de France ou d’Angleterre, associant au pouvoir, avec voix délibérative, les serfs de la campagne, attachés à la glèbe, les paysans libres, les artisans des villes groupés en corporations, les commerçants.
Ce texte, on peut le lire dans L’unité culturelle de l’Afrique Noire, Présence Africaine, avec une réédition en 2000, au prix de 12€.
Qu’ajouter de plus ?
On ne se rend pas assez compte de ce que Kama, par son histoire, par ses grands hommes, est capable de nous apprendre sur la gestion de la cité. Étudier le droit moderne, c’est bien. Faire des études de sciences politiques, ma foi, pourquoi pas ? Moi-même si j’avais du temps, je pense que je m’inscrirais quelque part et je serai en train d’étudier et d’amasser moult connaissances et autres savoirs. Mais il n’est pas interdit aux Africains d’étudier leurs propres humanités, de revenir vers eux-mêmes. Ils y trouveraient des éléments, de la matière qui, j’en suis persuadé, les aideraient à mieux vivre. Surtout dans le monde actuel.
Obambe GAKOSSO, August 2014©
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*: En fait, je sais un peu, mais bon, on ne s’étale pas à ce sujet. Aujourd’hui.
** : Oui, je sais qu’on me dira qu’en 1979 lorsque l’URSS envahit l’Afghanistan, ce n’était pas mieux. Cependant, mon propos ne vise pas à me situer du côté des Soviets ou de leurs successeurs (les Russes). Non, un impérialiste est un impérialiste. Point.
*** : Mossi est un terme impropre pour désigner ce peuple que l’on retrouve dans l’actuelle Burkina-Faso. On dit un Muaga, des Mossé et la langue parlée est le mooré.