Congo, fête nationale: on demande les médecins…
Á l’occasion des festivités pour les 54 ans de la fête de la dépendance congolaise, j’ai appris que nombre de médecins de la ville-capitale, Mfoa, se sont téléportés du côté de Sibiti, ville située à l’Ouest de Mfoa, à 224 Km environ.
Il faut dire que c’est une tradition qui est fort récente d’assister à cette opération de magie qui veut que les praticiens, d’un seul coup, disparaissent, au grand dam de leurs habituels patients. C’est ainsi. Ils se retrouvent souvent dans une localité de l’intérieur du pays (selon la formule si joliment consacrée, comme si la capitale politique faisait partie de l’extérieur du pays) pour aller prodiguer des soins à ces populations qui souvent, voient autant de médecins que le crâne d’un chauve voit passer un peigne ou un grattoir.
Les choses se passent par les canaux des associations et autres fondations. Il faut dire que pour 4 millions d’habitants (officiels), le Congo compte tellement de ces structures qu’on a souvent l’impression qu’il y en a une par habitant, voire même deux ! Les patrons de ces machins, ce sont parfois Songolo, Pakala ou encore Kingani, c’est-à-dire, Monsieur et Madame tout le monde, au Congo rive droite. En plus de ces braves gens qui se dévouent pour le bien-être des pauvres et autres miséreux, sans se compter, donnant de leur temps et de leurs corps, nuit et jour, sans distinctions de religions ni de régions, il y a les fils et filles de ; il y a de grosses légumes qui se trouvent aussi être des présidents de fondations, présidentes d’associations. Eux, souvent, ils délèguent car bien entendu, ils ont plein d’autres félins à dresser et à fouetter.
L’origine de ces fonds qui pleuvent comme par magie sur la population, sous forme de fournitures scolaires, de sacs de riz, de cartons de poissons salés etc. ; c’est le Trésor public congolais. D’une manière ou d’une autre, ce sont les finances des Africains qui financent en fait ces dons qui leur sont offerts. Á tous les niveaux où ils sont placés, ces bonnes gens profitent du moindre likuta qui passe sous leurs yeux pour s’en mettre plein les fouilles, d’abord et avant tout. Pour se faire plaisir, ensuite. Pour gâter les leurs (femmes, enfants, etc.) et pour finir, quand ils sont plus que repus, ils se mettent à faire des dons. C’est dans ce cadre que ces braves gens, via leurs associations et autres fondations, ont fait des offres de service qu’il est très difficile de refuser dans le contexte congolais en particulier et dans un contexte de galères en général. En effet, selon des informations que j’ai pu obtenir de la part d’un médecin, il leur a été proposé pour quatorze jours de prestations dans la Lékoumou, de percevoir trois fois leur paie mensuelle.
Qui est fou ?
Je ne me permettrai jamais de dire qu’à leur place j’aurais dit non. Non. Bien au contraire, je suis heureux pour ces femmes et ces hommes qui ont fait de leurs études (7 ans minimum pour être généraliste, 13 ans au total pour certaines spécialités), qui sont payés au lance-pierre, de pouvoir se faire autant de sous en si peu de temps et, dans un contexte plus qu’agréable où aucun parent ne débarque qui pour leur demander un sou, qui pour leur amener des ordonnances à payer. Sauf, bien entendu si on est un médecin originaire de la Lékoumou…
Je suis aussi fort heureux pour ces populations à qui l’on donne non seulement l’opportunité de voir de leurs propres eux– enfin ! – un ophtalmologue, mais en plus de se faire ausculter et de se faire soigner à l’œil. Cela ne dure qu’un temps (quatorze jours dans notre cas) mais ce sont des moments que l’on n’oublie point et dont on parle des décennies durant, si jamais la situation du coin ne changeait pas.
On peut crier, sauter de joie face à genre d’initiatives, mais l’on ne peut s’empêcher de se demander ce que deviennent les malades du CHU de Mfoa, des autres établissements de santé de cette même ville (la plus peuplée de l’enclos colonial) et de Ndjindji, capitale économique où l’on dort dans le pétrole, où l’on boit du pétrole. En temps normal, ces malades ont du mal à se soigner. Alors, imaginons un seul instant comment se sont passés ces quatorze jours pour eux…
Mon billet pourrait ressembler à celui de quelqu’un qui voudrait faire une sorte d’ostracisme des ruraux en faveur des citadins, sur le plan sanitaire. Non, que nenni ! Il est tout simplement fort dommage que l’on soit obligé de se livrer à ce genre de stratagèmes qui, franchement je vous le dis, est tout simplement grotesque et ubuesque quand on regarde les choses au fond et à froid. La santé fait partie des missions régaliennes d’un État, au même titre que la Sécurité intérieure, la Défense du territoire, la Justice et l’Éducation nationale. Voire des privés (enfin ! je suis vraiment gentil de les appeler ainsi…) se substituer à l’État, sur le dos de ce même État pour aller soigner Kingani tandis que dans le même temps, Songolo voit son médecin disparaître pour « un certain temps ».
Ce n’est pas l’argent qui manque au Congo pour payer correctement les praticiens. Ce n’est pas l’argent qui manque pour que le Congo ait au moins trois établissements supérieurs où l’on forme des médecins, afin que nous en ayons un peu plus à travers l’étendue du territoire congolais. Ce qui manque, c’est tout simplement la volonté de la puissance publique de faire les choses bien, afin que la majorité, à défaut de 100%, de la population en profite.
Si vous avez l’habitude de lire ce blog, vous savez très bien ce que je pense à ce niveau : ces gens-là, ils ne veulent manifestement pas du bien-être de la population. Chaque jour qui passe nous en donne la preuve, les preuves, des preuves. Vous me direz, rien de nouveau sous le soleil congolais et je vous dirais, hélas ! hélas ! hélas !
Entre nous, si, en 54 ans de pseudo-indépendance, nous nous battons avec une seule et unique université publique, doit-on vraiment s’étonner ou être surpris de faire un tel constat sur le plan sanitaire ?
Obambe GAKOSSO, August 2014©