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10 août 2014

La morgue du CHU de Mfoa: hallucinant!

Classé dans : Société — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 13 h 22 min

L’homme avait quitté la France pour un court séjour à Kama après plusieurs années d’absence. Logé chez son grand-frère, il avait eu le temps de retrouver cette chaleur qui lui manque tant en Occident où il n’a ni frères ni sœurs biologiques. Pas même un des enfants de ses grands-frères et de ses grandes –sœurs ne vit en Occident.

Morgue1

Il fait partie de ces rares Congolais que je connaisse à être aussi isolé en Occident. Mis à part ce que la langue française appelle « cousins », « cousines »*, il n’a personne par ici. C’est vous dire que ce retour était pour lui une vraie cure et je peux vous dire que pour très bien le connaître, il en avait grandement besoin.

Le cauchemar…

Un soir, alors qu’il regardait un match de foot en compagnie de son grand-frère, les filles de ce dernier et leur maman s’étaient mises dans une pièce en train de papoter. Pris de fatigue avant même la fin du match, il s’en alla se coucher, tout à la joie de retrouver sa famille et en plus avec les bons repas que sa belle-sœur a promis encore faire le lendemain. N’est-il pas rentré de l’hinterland ramenant ces bonnes choses que nous adorons tant et qui coûtent de plus en plus en cher à Mfoa ?

Le pauvre !

Il aura du mal à trouver le sommeil car un voisin, pasteur de son état, a trouvé la bonne idée de chasser les démons à l’heure où les autres veulent dormir. Malgré tout, ses yeux vont se fermer mais juste pour deux heures car il sera réveillé par ses nièces venant lui annoncer le décès de leur maman. Comment est-ce possible ? Á peine étaient-ils…

Arrêt cardiaque. C’est ce qui emportera la pauvre mère de famille.

Je vous passe les autres détails que l’on rencontre en pareilles circonstances.

Arrivés à la morgue du CHU de Mfoa, quelle ne sera pas la surprise de notre frère de voire que le cadavre de sa belle-sœur était en train de gésir à même le sol. Bien entendu, elle était en tenue de naissance. Il était là en compagnie de ses nièces et inutile de vous dire qu’il était gêné à plus d’un titre. Interrogeant le personnel de la morgue sur ce que lui trouvait être un spectacle écœurant et indigne, ces derniers lui diront qu’il n’y a plus assez casiers pour y mettre les dépouilles mortelles. Mieux encore, ils lui diront que dans la mesure du possible, ils placent deux cadavres dans le même casier. Le pauvre, il faillit vomir !

Les agents de la morgue se montreront quand même gentils en lui disant que s’il leur donnait quelque chose, ils trouveront un casier pour y mettre sa belle-sœur.

-          Comment ça puisque tous les casiers sont pleins ?

-          C’est simple : on mettra un autre cadavre dehors.

Aussi simple. C’est dit avec le plus grand naturel du monde, comme si je disais Je vais ramasser une pierre.

Quand il me narra à son retour en Europe ses mésaventures, je lui dis que, hélas ! j’étais déjà au courant de ces choses et que cela faisait d’ailleurs quelques années que ces pratiques avaient cours, devant l’indifférence coupable de la hiérarchie et des fameux pouvoirs publics dont les adresses sont inconnues. Une de mes tantes était allée à Kama enterre sa mère et avait vu la même chose quelques années avant que ce pauvre frère ne subisse à son tour ce traumatisme dont il eut du mal à se relever.

En final de compte, la question que je me pose la plupart du temps en pareilles circonstances est de savoir ce que nous respectons encore de nos jours ? Si même les cadavres ne peuvent même plus bénéficier du moindre respect de notre part, vers quelle société veut-on vraiment aller ?

Tous les jours, sur TV Congo, nous apprenons que le gouvernement, que des ONG à la solde du pouvoir etc. organisent des colloques, séminaires, conférences etc. sur ce qu’ils appellent antivaleurs. J’ai envie d’être naïf et de croire en la bonne volonté de ces braves gens qui en pareilles circonstances veulent bien nous donner l’impression qu’ils se soucient du bien-être de la plèbe, eux qui ne connaissent pas les difficultés que nos parents et autres proches endurent au quotidien. Ma naïveté s’arrête brutalement quand je vois que ce sont les mêmes qui, les caméras éteintes et les micros coupées font exactement le contraire de ce qu’ils disent et prônent.

Et s’ils se taisaient un peu et se mettaient résolument au travail ? Qui parmi eux pourrait accepter que la dépouille mortelle de leur enfant, de leur épouse soit traitée de la sorte ? Ces choses, que dis-je, ces horreurs sont connues de tous et de toutes mais, comme tout le temps, tant que ça ne les touche ni de près ni de loin, il ne faut guère compter sur quelque prétendue autorité que ce soit pour prendre les mesures qui s’imposent.

A-t-on oublié ce sinistre mais célèbre personnage de la ville océane qui avait l’habitude de pratiquer de la nécrophagie sur des cadavres féminins ? A-t-il seulement été jugé une seule fois ? Si oui, je n’en ai jamais eu vent. Les noms des responsables ont beau changé, il y a comme une volonté qui se généralise de ne pas faire son travail comme il se doit, mais l’on se résume à des lignes bien précises à ne pas franchir :

-          Plaire à son chef, surtout quand c’est lui qui nous a nommé (e) ;

-          Profiter au maximum de sa position sociale et de tous les avantages qui vont avec : on ne sait jamais ;

-          S’en prendre à ses subalternes (incompétents, voleurs, intègres, etc.) et à la plèbe si et seulement ses propres intérêts sont menacés et/ou ceux de son chef sont menacés.

Et voilà où ça nous mène entre autres : à traiter des cadavres humains comme… Comme quoi déjà ?

Je veux bien que l’on ait parfois envie de désacraliser le sacré pour, dit-on, entrer dans la modernité, mais là, vraiment, je ne comprends pas !

Obambe GAKOSSO, August 2014©

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*: Mots inexistants dans les langues de chez nous.

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