Frantz Fanon et Lauryn Hill: les grands textes sont éternels
Frantz Fanon et Lauryn Hill…
Qui l’eût cru ? Pas moi en tout cas…
Le 06 décembre 1961 à Bethesda (Maryland, Nord-Est des USA), Frantz Fanon, psychiatre et essayiste martiniquais décédait des suites d’une leucémie. Une des plus grandes voix antillaises, qui avait pris fait et cause pour ce que l’Occident appelait alors le tiers-monde était en effet un remarquable écrivain, qui nous a laissé des textes qui bientôt 55 ans après sa mort, font toujours débat.
L’on ne cesse de parler de ses ouvrages (peu en quantité, mais d’une qualité remarquable) aux Antilles, en Afrique et en Occident, parmi les Africains qui ne cessent d’être touchés par les textes et réflexions de ce brillant penseur. Parmi ses livres, il y a Les Damnés de la terre. Assimilation culturelle des colonisés (surtout de ceux que l’on appelait à l’époque « intellectuels »), violence du colonialisme, guerres de libération, les post-colonies etc., telles sont les thématiques abordées dans ce remarquable ouvrage qui ne prend pas une seule ride. Ce livre fut écrit peu après le putsch des généraux français le 21 avril 1961 (appelé aussi Putsch d’Alger) ainsi que la répression sanglante du 17 octobre de la même année à Paris (30 à 57 morts selon les estimations), des centaines de blessés et de nombreux disparus.
J’ai appris dans l’actualité que la chanteuse (rap, R&B, reggae & soul) jamaïcaine Lauryn Hill (39 ans depuis le 25 mai dernier), ancienne membre du groupe Fugees était une lectrice de Fanon. Et que, depuis sa prison (condamnation pour évasion fiscale), elle le lisait. C’est ainsi que Göran Hugo Olsson, réalisateur suédois a contacté cette dernière afin qu’elle prête sa voix (off) et compose la musique pour son dernier film, Concerning Violence, Nine Scenes From the Anti Imperialistic Self Defense. C’est un documentaire, selon Libération, qui évoque les effets dévastateurs du colonialisme. Le réalisateur dit Je savais, par des amis communs, que Lauryn Hill était une grande lectrice de Fanon, explique-t-il. Je lui ai envoyé une lettre accompagnée d’images alors qu’elle était en prison pour des problèmes fiscaux. Elle m’a répondu immédiatement ! On croirait une histoire sortie d’un roman…
Et pourtant…
On ne se rend pas assez compte de l’impact de certains écrits sur nos contemporains. Les gens ont aussi peine à croire que des artistes, des saltimbanques puissent s’intéresser à des textes puissants, des textes qualifiés souvent d’« intellectuels », peu, très peu accessibles à la plèbe.
Même si le film n’est pas basé sur le destin extraordinaire de Fanon, même si le film Cette actu me tient d’autant plus à cœur que les films qui traitent des héros noirs, des grands hommes africains et afrodescendants qui ont donné leurs vies pour leur peuple, pour leurs terres, ont la plus grande peine à trouver des financements. Depuis combien de temps le pauvre Dany Glover se bat-il pour faire un film sur le tombeur du Français Napoléon Bonaparte, le général Toussaint Louverture ? Et, j’en suis sûr, avec la participation de Lauryn Hill, les textes de Fanon seront encore plus connus, à commencer dans le milieu des fans de l’artiste.
Ce film, je ne l’ai pas vu, mais le projet en lui-même m’intéresse et j’espère qu’il aura du coffre. L’article de Libération en dit plus long encore sur les intentions du réalisateur. Rien que cette phrase de fin en dit long sur la réalité de ce monde de voleurs, d’escrocs et de bandits que l’on nous impose depuis des siècles : Si nous sommes dans le libre marché, on doit pouvoir implanter des mines au Congo et les Congolais doivent pouvoir, eux aussi, se rendre à Stockholm et y ouvrir une épicerie.
Le lien vers l’article : http://next.liberation.fr/musique/2014/08/04/lauryn-hill-voix-de-frantz-fanon-pour-denoncer-les-ravages-du-colonialisme_1075323
Obambe GAKOSSO, August 2014©