Congo, mikolo nyonso féti na féti!

Les mariages, chaque semaine il y en a à foison dans les quatre plus grandes villes de la ville droite du Congo, Mfoa, Ndjindji*, Loubomo et Nkayi. C’est une très bonne nouvelle pour l’économie car on y dépense en général sans compter.

Les familles qui marient leurs filles en profitent pour recueillir les rançons qu’ils ont demandées une année auparavant, au moins. Les familles qui marient leurs fils et qui ont de l’argent à gaspiller en profitent pour faire étalage de leur statut social, vu que les 364 autres jours de l’année, les Congolais ne sont pas assez convaincus de leur « richesse », comme on dit si bien en nos contrées.

Cependant, il faut quand même faire attention aux dates quand on organise ses festivités. Enfin, quand je dis « dates », je pense aux dates auxquelles le généreux État congolais organise ses sempiternelles festivités car tout est prétexte à faire la fête avec les dirigeants de ce pays. Ce pouvoir, revenu de manière extrêmement brutal en 1997 après avoir été congédié par les bulletins de vote congolais, ne fait en réalité que répéter ce qu’il nous disait naguère. Le PCT (Parti congolais du travail, créé en 1969) avait lancé un drôle de slogan qui en avait fait sourire plus d’un : Mikolo nyonso féti na féti, hé ! Je conçois que Traduttore, traditore (littéralement, « Traducteur, traître » ou Traduire c’est trahir). Chacun pourra avoir l’interprétation qu’il voudra bien avoir par rapport à cette phrase devenue ridiculement mythique. Pour les méchants comme moi, cela signifie, « Que l’on fasse la fête tous les jours ». Pour les gentils, les chantres et magnanimes envers le PCT, il y a forcément une autre explication. Ou d’autres…

Parmi ces jours bénis adorés par tous les pouvoirs congolais depuis Août 1960, il y a le 15.

Le 15 août de chaque année en effet, les Congolais ont l’illusion de célébrer leur indépendance d’avec la France, puissance coloniale officielle jusqu’au 14 août 1960 à 23 heures 59’. Pourquoi cette date ? Eh ! ben, il faut dire merci à un homme, abbé défroqué, répondant au prénom de Fulbert et au nom Youlou. Il a été prêtre quelques années avant de se faire virer parla curie romaine car il avait un comportement, franchement, pour rester poli, qui tranchait radicalement avec les vœux de pauvreté et de chasteté que font tous ceux qui aspirent à la prêtrise au sein de l’église catholique apostolique et romaine… Cet homme choisira donc la date du 15 août comme date de l’indépendance en rapport avec une dame que, en bon catholique, il vénérait, Marie, appelée aussi la Vierge. Le 15 août est en effet le jour de l’assomption de Marie, dans la croyance catholique. Voilà comment un homme a indirectement imposé sa foi religieuse à tout un peuple dont l’écrasante majorité n’avait pis que pendre de tout cela…

En Afrique dite franco-faune, depuis quelques années, il a été mis en place un système de célébrations tournantes des fêtes nationales. Les provinces qui, aux dires de certains, ont été longtemps délaissées aux profits des capitales politiques et des capitales économiques, voire aux profits aussi des villages des présidents, devenues des villes sous les mandatures de leurs illustres fils.

Pour 2015 donc, les Congolais sont tous invités à aller festoyer à Sibiti, bourgade située à environ 224 Km de Mfoa, chef-lieu du département de la Lékoumou. Or, un de mes proches doit se marier ce samedi 9 août, soit une semaine avant la fatidique date du 15 août et là-bas, des nôtres doivent aller défiler. D’autres de ses invités vont y aller pour toutes les raisons du monde (bizness, y être tout simplement).

Le pauvre, je crains qu’il ne maudisse cette fête nationale, à la longue…

Dans quelques semaines, ce sera je ne sais quelle fête au sein de la famille de je ne sais quel baron du pouvoir et les grandes villes (où se trouve l’essentiel de notre administration) seront vides de monde pour aller festoyer puisque mikolo nyonso féti na féti ! C’est ce qui se passera le 15 août prochain où tous les médecins, tous les Directeurs de cabinet, tous les ministres, tous les directeurs des structures d’État iront montrer leurs bobines à Sibiti. Et, gare à celui qui n’y sera pas : il aura vite fait de perdre son strapontin et de se retrouver à gagner de nouveau 100 à 250.000 francs coloniaux chaque mois pour se nourrir et s’occuper de sa famille…

Bon mariage à lui et très bon défilé tout de même à ceux qui vont aller célébrer l’illusion de l’indépendance…

Obambe GAKOSSO, July 2014©

——————————————————–

* : Corrompues en Brazzaville et Pointe-Noire