Recolonisation volontaire: les ratés de la Conférence nationale souveraine (Congo)
Au moment de la Conférence nationale souveraine (CNS) de 1991, j’étais un peu jeune et très enthousiaste. Trop même, je dirai. Comme la majorité des Congolais, j’en avais marre du monopartisme et de ce que j’appelais à l’époque « la dictature ». Denis Sassou-Nguesso et sa clique devaient dégager. Nous voulions du sang neuf pour amener ce territoire le plus loin possible.
Lors de cette grand-messe que fut la CNS, malgré la présence et le retour de vieux briscards qui avaient déjà servi dans les années soixante et la présence au sein de l’ « opposition » congolaise de gens qui hier encore mangeaient dans la main de Denis Sassou Nguesso, il y avait comme une majorité qui se dégageait pour que Denis Sassou Nguesso débarrasse le plancher.
Lorsque le 10 juin 1991 cette cérémonie se terminait, comme beaucoup, j’étais content et je donnais même un 21/20 à la CNS estimant qu’elle était une réussite. Quelques mois après, avec un peu plus de recul, j’apprenais des choses qui me laissaient sans voix et quand je me posais des questions, on me répondait « Mais cette CNS que tu as tant applaudi qui a amené ceci, qui a ramené cela ! » Parmi les décisions absurdes, stupides mais surtout anachroniques qui y furent prises, il y avait par exemple le fait de rebaptiser l’École des cadets de la Révolution en École militaire préparatoire général Leclerc, du nom d’un haut officier français disparu (Philippe Leclerc de Hautecloque, 1902-1947). Durant la CNS, il avait été démontré comment depuis la nuit des temps, la France se retrouvait peu ou prou dans tous les coups fourrés majeurs qui déstabilisaient régulièrement cet enclos colonial de trois-cents quarante-deux mille kilomètres carrés. Malgré cela, des milliers d’hommes, au nom de deux millions de personnes, décidèrent de faire un énorme bond en arrière en commettant une telle infamie !!! La CNS est finie il y a plus de 23 ans et cette école qui est censée former l’élite de l’armée congolaise (de la sixième à la terminale) est encore souillée par le nom de cet homme dont on se souvient tous du comportement à l’égard des troupes africaines lors de la guerre de 1939-1945. On marche sur la tête !
Dans le cadre des noms de nos villes aussi, il faut dire que nous sommes très forts dans ce pays car non seulement personne n’a eu le courage de reposer la question du nom de la capitale politique, Brazzaville, mais en plus, la troisième ville pays (Loubomo, dans le Niari, au Sud-Ouest) sera appelée de nouveau Dolisie ! Une vraie aberration ! Pourquoi ? Parce que, dit-on, des descendants de ce criminel qu’est Albert Dolisie (1856-1899, il tua des Africaines lors de l’invasion de l’Afrique équatoriale par les troupes françaises) avaient dit que si la ville portait à nouveau le nom de leur ancêtre, ils l’aideraient « à se développer ». Ce n’est pas une blague, je vous assure ! Même si moi-même je ris encore en tapant ces lignes !!!
La ville de Nkayi conserva son nom et ne fut pas de nouveau appelée « Jacob » !* Chapeau bas ! Je regrette juste de ne pas savoir quels arguments furent utilisés pour que cette contrée située à 214 kilomètres de Mfoa, ne soit pas contaminée par la folie qui elle avait vraiment fait des dégâts chez certains de nos dirigeants…
Une autre cité avait échappé à ce délire. C’est la ville d’Owando, qui, à l’époque coloniale s’appelait Fort Rousset. Rousset du nom de cet officier français qui avec ses hommes vint à bout de la résistance des Koyo. Les descendants des vaincus d’hier n’avaient pas oublié et lorsque les zozos du modernisme à tout crin proposèrent de rebaptiser cette ville Fort Rousset, ils s’y opposèrent. Et, même si parmi les habitants d’Owando, des villages environnants et des ressortissants de ce district se trouvant ailleurs, il s’en est trouvé des gens pour être favorables à cette nouvelle aliénation, une majorité se dégagea pour dire non, non et pour finir non ! La recolonisation ne repasserait pas par Owando !
Combien de Congolais savent que du temps de la colonisation officielle, on punissait sévèrement les gens qui persistaient à dire « Owando » au lieu de « Fort Rousset » ?
Notre histoire st d’une richesse incommensurable et nous avons plus qu’autre chose intérêt à l’apprendre et à la transmettre aux plus jeunes d’entre nous. Cela évitera des aberrations comme ces décisions de la CNS d’appeler de nouveau mon lycée, Lycée Chaminade au lieu de Lycée du Drapeau Rouge ; le Lycée Pierre Savorgnan de Brazza au lieu de Lycée de la Libération.
On peut aimer et adorer son maître, mais à ce niveau, cela dépasse le stade de la schizophrénie. Il faudrait que les praticiens nous trouvent un nouveau nom…
Bonne fin de dimanche à vous et n’oubliez pas que chaque jour est une vie !
Obambe GAKOSSO, July 2014©
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* : Du nom d’un ancien colon, bien entendu.