Gestion du sida: encore une grosse farce. Une farce tragique!
Le sida n’est pas vraiment un sujet des plus poilants. Quand on voit les ravages que cette pathologie cause à travers le monde, il n’y a vraiment pas de quoi en ricaner ni même en sourire.
Des années durant, l’on* nous a dit que le paludisme était la première cause de mortalité au Congo. Le sida avait beau faire des ravages, le paludisme avait toujours la pôle position devant le sida.
Les Congolais l’appellent « nyama »**, « les 4 lettres ». On dit de celui qui en a été infecté que « A niati mine » ou bien « A diati mine »***. Y a-t-il une seule famille au Congo qui n’ait pas perdu un membre des suites de cette maladie. Etant donné que l’on peut avoir ce merveilleux diplôme qu’est le sida par voie sexuelle, du coup, au même titre que la blennorragie ou autre maladie vénérienne, le sida est considéré comme une maladie honteuse. Et pour bien l’illustrer, je ne me souviens pas avoir entendu un seul patient me dire qu’il en souffrait. Je ne me souviens pas avoir entendu une seule fois quelqu’un dire que sa fille ou son père est mort du sida. Il y a quelques années d’ailleurs, quand le journaliste Francis Kpatindé (alors à Jeune Afrique) avait écrit que l’homme de droit originaire du Mali, Demba Diallo, était décédé du sida, il avait écrit par la suite que certains lui en avaient voulu d’avoir évoqué sa maladie. C’est vous dire à quel point à Kama nous avons du mal à en parler.
Au CHU (Centre hospitalier universitaire) de Mfoa, capitale politique du Congo, tout le monde connaît l’étage où se trouvent les sidéens, comme on appelle les malades du sida. De grosses légumes de ce pays, je m’en souviens très bien, avaient tellement honte qu’elles s’arrangeaient pour se faire livrer les médicaments directement à domicile. Ce jeudi 10 juillet 2014, en échangeant avec un proche venu du pays, à ce sujet, j’ai ri à m’en éclater la panse.
Ce pays est merveilleux et il le prouve chaque jour.
Vraiment !
Ce proche m’a dit qu’un jour, à la télévision congolaise, il fut très surpris de voir le ministre de la Santé**** se plaindre du fait qu’il manquait des ARV (Antirétroviraux) dans le pays avec les conséquences que l’on peut très bien imaginer. Comment un pays peut vivre sans ce genre de produits sachant très bien les ravages que cause cette pathologie au quotidien ? Ce n’est pas la première fois que je commette un billet sur le système sanitaire au Congo, et j’ai chaque jour envie de dire « ça commence à bien faire ! » On peut prendre le peuple pour une bande de demeurés, mais il y a quand même des limites.
Je n’ai pas entendu les propos tenus par ledit ministre de la Santé, aussi, il me sera impossible de les commenter. Mais, tout de même… Il y a cet article qui en dit long et montre encore une fois – en-a-t-on vraiment encore besoin ? – combien le bien-être de la populace est à des années-lumière d’être une préoccupation pour nos gouvernants.
Au regard de ce court texte, vous devez sans doute vous demander ce qui a bien pu provoquer mon hilarité. Et je vous dirai que vous avez raison !
Ce proche qui m’a brossé le tableau du VIH/Congo m’a dit que la traversée Mfoa-Kinshasa avait connu une frénésie spectaculaire en quelques temps car faute d’ARV sur la rive droite, les gens allaient se fournir en ARV sur la rive gauche.
Vous souriez ? Vous pleurez ? Vous riez ? Moi, je ris ! Oui, je ris car avoir la mémoire courte est un danger permanent qui peut nous conduire dans les profondeurs les plus abyssales qui soient. Ce sont ces mêmes RDCiens qui ont été traités plus bas que terre récemment chez qui on va se fournir en soins, sinon, le bulletin de décès est déjà prêt, ne manquant que la date avec un bon cachet dessus.
Qui a dit, qui peut sérieusement penser qu’un seul enclos colonial de Kama peut s’en sortir seul face aux défis que nous avons et face à ceux qui se préparent, tapis déjà dans l’ombre ? Je le dis et je ne le répèterai jamais assez : personne ! Ni Nigeria, ni Afrique du Sud, aussi géants qu’ils puissent être. Nos enclos ont intérêt à collaborer, surtout sur les questions de santé car, encore une fois il faut le dire (le crâne du Nègre est plus têtu que la roche la plus dure).
Question : comment fait Kinshasa, qui est beaucoup plus peuplé pour avoir des stocks d’ARV ? Si c’est de la magie, alors, moi aussi j’aimerais devenir magicien et j’aimerais vraiment que 10% des Congolais de la rive droite intègrent cette école de magie.
Les dirigeants congolais (rive droite) auront beau faire la gueule, la gestion de la question sida montre vraiment qu’ils ont du chemin à faire. Un peu de modestie ne leur ferait pas de mal et à nous non plus d’ailleurs. Laisser les gens crever ainsi est criminel car je ne pense pas que là non plus 10% de la population ait de quoi s’offrir une traversée pour Kin et de quoi s’acheter des produits pharmaceutiques. Il est des moments où un peu de jugeote ne fait pas de mal et n’est pas forcément mortel. Réfléchir un peu, de temps en temps, ne les empêchera pourtant pas de s’offrir les vies de pacha comme ils adorent. Avoir un peu plus de bulbe ne les empêchera pas d’aller passer leurs week-ends dorés à Loubomo, sur la route du Nord ou dans je ne sais quel coin du Congo.
Le bon sens, le bon sens, le bon sens. On réclame juste ça et non pas le Pérou.
C’est trop demander ?
Obambe GAKOSSO, July 2014©
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* : Les autorités sanitaires africaines
** : Nyama = la viande. Ou encore = un animal. C’est aussi une insulte. Je ne sais par contre de quand date cette appellation par rapport au VIH ni dans quelles circonstances c’est né.
*** : Littéralement et traduction libre : il a piétiné la mine. Pourquoi mine ? Allez-y savoir…
**** : Il ne m’a pas dit son nom. Je ne sais pas si c’est l’actuel ou son prédécesseur.