Importations de riz: bravo au Nigeria et à l’Afrique de l’Est!
Le 18 décembre 2010, la Ligue Panafricaine – UMOJA (LP-UMOJA) était invitée à la médiathèque Croix Rouge de Reims. Pour cette rencontre publique, j’avais la charge d’aborder la question de la souveraineté alimentaire de Kama.
C’est à cette occasion, lors d’un long travail effectué dans des conditions personnelles pas évidentes, que j’ai appris que des céréales comme le blé et le riz, que le continent importe en trop grande quantité chaque année, sont cultivées chez nous depuis des lustres. Et, mieux encore, il y a un énorme potentiel pour en cultiver aujourd’hui, à l’Ouest, à l’Est, au Sud comme au Centre de Kama.
Naturellement, quand on voit la facture céréalière (56,7 millions de tonnes en 2011) africaine en termes d’importations, on est en droit de se poser une question somme toute basique : pourquoi ne cultive-t-on pas plus de blé et de riz ?
J’ai appris cette semaine que la Tanzanie a décidé d’augmenter son TEC (Tarif extérieur commun) relatif au riz, en le fixant à 15%. Il faut dire que le riz importé d’Asie coûte deux fois moins cher que le riz produit en Tanzanie. Cela peut paraître absurde mais voilà bien une situation que vivent nombre de cultivateurs, peu importe la denrée. Quand on a des revenus très faibles, comment pourrait-on s’amuser à consommer local quand on peut acheter, même si c’est de la mauvaise qualité, deux fois moins cher ? C’est humain et il serait vraiment stupide et contreproductif de blâmer le consommateur africain sur ce plan.
La mesure prise par le gouvernement tanzanien en fait n’est pas du tout isolée car c’est la sous-région qui est concernée par la chose. En effet, avant ce passage à 15% en Tanzanie, dans cet espace économico-politique, le TEC sur le riz était de 10% et un texte a été signé pour le faire passer à 35%. L’Ouganda de son côté a refusé cet aspect des choses, portant la barre à 75%.
Le chiffre décidé par l’Ouganda, je ne peux que l’approuver car trop c’est trop. Tous les jours, des paysans africains abandonnent leurs houes et leurs villages pour aller grossir les rangs des villes qui elles-mêmes sont plus qu’engorgées (cas des capitales politiques et des capitales économiques, surtout). C’est intenable. Une Afrique sans paysannerie, c’est la mort du continent.
Le Nigeria, avant même les pays de l’Afrique de l’Est, avait décidé de faire passer cette taxe à 110% : qui dit mieux ?
Bien entendu, ce genre de mesures, protectionnistes et de bon sens, trouve toujours des détracteurs qui présentent systématiquement deux arguments :
- La faible production locale : en effet, dans la plupart des enclos coloniaux africains, la production de riz en particulier et des céréales en général est insuffisante pour nourrir la sous-région, la région et encore moins le continent ;
- Malgré ces mesures (de bon sens, on ne le dira jamais assez), il existe des filières d’importations illégales de céréales.
Dans le deuxième cas de figure, le Nigeria subit de plein fouet en effet l’entrée illégale de riz via deux de ses frontières terrestres : le Bénin à l’Ouest et le Cameroun à l’Est. E me pose une question simple : quand on a des frontières comme dans le cas du Nigeria et que l’on est conscient des risques encourus, malgré la meilleure volonté du monde et de la galaxie que l’on peut avoir, n’est-il pas plus raisonnable de travailler de concert avec ses voisins ? C’est aussi cela le Panafricanisme.
On ne le répètera jamais assez : aucun pays africain, aucun territoire de Kama, aucun enclos colonial, si riche en ressources minières et énergétiques qu’il puisse être, ne peut, ne sait s’en sortir seul. C’est une chimère que de le penser et de vouloir le faire croire au peuple africain. Il y a vingt ans de cela déjà, je me souviens que je lisais des articles sur le trafic de carburants à la frontière entre le Bénin et le géant nigérian. Bien entendu, aujourd’hui encore, la chose continue avec les conséquences que l’on sait :
- Carburants de mauvaise qualité, ce qui entraîne un vrai danger pour les usagers de la route ;
- Pertes sèches pour les producteurs et toute la filière légale de commercialisation de carburants.
Bien entendu, je n’ai pas la naïveté de croire qu’il suffit de travailler ensemble pour que tous ces trafics prennent fin. Mais à coup sûr, la casse en sera limité car honnêtement, quelle peut être l’intérêt aujourd’hui pour les autorités béninoises et camerounaises de traquer les trafiquants de riz et de carburants qui font tant de mal au marché Nigérian ? Pour les bandits de Boko Haram, il a fallu que le Cameroun soit lui-même touché pour que l’armée locale se mette à traquer ces criminel à un rythme tel qu’on a même cru qu’en quelques semaines, ces gens seraient éradiqués tant on nous annonçait des morts tous les jours.
Riz, pétrole etc., nous avons tous les jours que nous offre Dame Nature des raisons qui devraient nous pousser à travailler la main dans la main, dans l’intérêt de nos populations qui elles, en seront les plus grands bénéficiaires. Mais encore faut-il que les locataires de nos palais présidentiels et de nos ministères en prennent conscience un jour. Un seul jour…
Obambe GAKOSSO, July 2014©