Démocratie, démocratie, démocratie… Creusons!
En 1990, le président de la République populaire du Congo (RPC), contraint par des forces internes, fut obligé de courber l’échine et d’accepter le principe du multipartisme. Le Congo populaire n’était pas seul, à cette époque, à vivre pareille aventure. Tous les autres territoires appartenant au pré carré français, à l’exception du Sénégal, passèrent par cette case.
Nous ne parlons pas notre langue et ce n’est pas de le dire. Cette langue, le français, que nous utilisons du soir au matin, pour tout et pour rien, moi le premier, nous joue des tours dont n’avons pas toujours conscience. Au Congo populaire, à cette époque, comme dans les autres enclos coloniaux, l’on se mit alors à parler de démocratie, avec des expressions comme « avènement de la démocratie » ou encore « retour de la démocratie ». Si on en arrive à confondre multipartisme et démocratie, c’est bien la preuve que l’écrasante majorité de nos élites politiques d’alors, du pouvoir comme de l’opposition soit n’avaient pas compris grand-chose, soit continuaient à jouer aux manipulateurs des opinions, en leur faisant croire tout et n’importe quoi.
En réalité, en 1990, le Congo renouait simplement avec le multipartisme, tel que nous l’avions connu, avant que l’abbé défroqué, du temps où il était président de la République du Congo, avait décidé de supprimer le multipartisme pour obliger tout le monde à être fondu dans le même moule, celui du monopartisme, comme ce fut la mode, comme par enchantement, peu après 1960.
En 1992, les Congolais pour se choisir un président de la République « librement », se virent proposer un panel de candidats. Le jeune que je fus à l’époque, très enthousiaste à l’idée de voir les choses changer, avait opté pour le candidat Pascal Lissouba (Premier ministre dans les années 60) et c’est ce dernier qui gagnera. Je croyais que nous étions en démocratie.
Erreur !
Erreur !
Erreur !
Je fus berné.
Comme les centaines de milliers d’électeurs qui avaient fait le même choix que moi ou qui au premier comme au second tour de la présidentielle, choisirent un autre candidat. Le Congo n’était alors pas un État démocratique. Pas plus, ni moins qu’il ne l’est aujourd’hui en 2014.
Certes, à partir de 1991, on put constater qu’il y avait plus de liberté que l’année d’avant mais cela ne suffit pas à conférer un caractère démocratique à notre État. Et, là aussi, trois fois hélas ! le constat est le même dan nombre d’enclos coloniaux sous la coupe de la France.
On pourrait lister les conditions requises pour qu’un État soit considéré comme démocratique, mais je ne me lancerai pas là aujourd’hui. Cette petite réflexion sur la démocratie, je me le fais souvent et c’est toujours un plaisir pour moi de la partager autour de moi. Plus le temps et plus j’ai la certitude que si la démocratie, au sens où l’Occident l’entend, était vraiment une bonne chose, je ne crois pas que l’on chercherait absolument à l’imposer à notre peuple, à notre continent. Je n’y crois pas ou plutôt, pour être vraiment précis, je n’y crois plus du tout. Mais vraiment plus du tout. J’attends patiemment que l’on me démontre le contraire.
Quand on écoute et que l’on lit la classe politique congolaise, la référence suprême pour elle, c’est la France. La France par-ci, la France par-là. Ceux qui sont au pouvoir prennent tous les jours l’avion pour monter à Paris pour tout et pour rien. Sans la France, ils ne sont rien. Ceux qui disent qu’ils sont opposants à ce régime, s’agenouillent tous les jours devant les autorités politiques françaises, afin que ces dernières les aident d’une part à chasser le régime de Mfoa pour les mettre eux, à la place. Pourquoi ? Parce que pour eux, la France est le top du top en matière démocratique et qu’ils ne sont rien sans la France. Il suffit d’entendre leurs discours : ils en appellent publiquement à François Hollande afin qu’ils changent les choses au 242**.
De part et d’autre, c’est de la peine que je ressens pour ces gens-là. En quoi la France est-elle ce modèle de démocratie qui les fait tant rêver ? Si la classe politique française, elle-même était persuadée que la démocratie était une bonne chose pour elle, elle ne se livrerait pas à toutes les magouilles possibles auxquelles celles et ceux qui habitent la France sont témoins au quotidien. Pendant longtemps, j’ai été estomaqué de voir à quel point, tous bords politiques confondus, certains trichaient aux élections, tapaient dans les caisses publiques etc. Il y en a qui échappent encore à la justice, d’autres qui paient pour les autres etc.
Je repose la question : si vraiment ces gens étaient persuadés des bienfondés de ladite démocratie, pourquoi se livrent-ils à toutes es turpides ? Pourquoi n’appliquent-ils pas simplement les lois de la République ?
En 2008, lors des élections municipales, des bulletins de vote furent retrouvés dans les chaussettes de gens qui avaient la charge de comptabiliser ces bulletins.
Jean Tiberi fut celui qui remplaça Jacques Chirac à la mairie de Paris. Lui, l’élu du cinquième arrondissement de Paris, a été accusé d’avoir fait voter des morts. Il faut le faire, non ?
En 2008 encore, les socialistes se déchirèrent entre deux candidates, Martine Aubry, ancienne ministre et Ségolène Royal, ancienne ministre aussi. La première l’emportera, mais tout le monde sait que dans son camp, on a bourré les urnes. Comme dans le camp d’en face, d’ailleurs. Le vainqueur en fait est celle qui a su le mieux, allez, on va dire, « manœuvrer ». J’ai suivi à cette époque plus d’une émission de radio et de télévision où l’on vit des hommes que l’on pourrait croire sérieux et posés, dire que ces pratiques sont aussi vielles que le baptême du diable et qu’à droite (UMP, Union pour un mouvement populaire), on ferait mieux de se taire car là-bas aussi, on était extrêmement doué pour ce genre de sports.
Comme pour donner raison à ces gens, en 2012, la droite française s’est plongée dans un ridicule qui les poursuit encore aujourd’hui, avec un Jean-François Copé qui fui fut élu président de l’UMP dans des conditions plus calamiteuses***. Sans la moindre gêne, cet homme, aux dents tellement longues qu’on devrait en retrouver les traces jusque dans le centre de la terre, a revendiqué une victoire alors que tous les jours, des éléments de fraude étaient présentés à la télévision. Ais il faut croire que ce n’est pas bien grave pour les leaders de cette formation politique.
Si c’est cela la démocratie, moi, je rigole.
Je pourrais encore multiplier les exemples et la France, référence suprême des françafricains africains, est sans doute en Europe, un des meilleurs à ce niveau. Tricher, mentir, voler, berner etc. si la démocratie était une bonne chose, ils ne chercheraient pas à nous l’imposer. Ils n’y croient pas eux-mêmes. S’ils y croyaient, ils ne tricheraient pas de la sorte, ils ne mentiraient pas ainsi. Ah ! mais ça, je l’ai déjà dit, non ?
Allez, on y croit… ?
Obambe GAKOSSO, June 2014©
——————————————————–
* : Le Sénégal vivait déjà l’expérience du multipartisme depuis des décennies.
** : Indique téléphonique du Congo-Mfoa.
*** : Je fais l’effort d’être poli.