Révolution française, guerre d’indépendance aux USA, où est notre affaire là-dedans?
Je me souviens de ces cours de quatrième, au collège, portant sur l’histoire de la France.
En regardant le programme congolais à ce niveau, si on envoyait les enfants de chez nous, de mon époque en tout cas*, nous aurions pu passer pour de grands et sublimes spécialistes de certaines parties de l’histoire de la France.
Marie-Antoine (1755-1793) et la manière avec laquelle elle avait mis (avec d’autres), la France à sac en se servant allègrement dans les caisses publiques. Elle fut reine de France (1770-11793) et nous avions appris à la détester. Comparativement, nous savions très peu de choses sur l’histoire de notre continent.
Il en est de même de la révolution française. Voilà un sujet qui nous a été enseigné (en même temps que les frasques de Marie-Antoinette). C’était magnifique pour le gamin que j’étais à l’époque, de connaître cela sur le bout des doigts. Le temps est passé et il a fait son œuvre et il faut le remercier pour tous les bienfaits qu’il n’a eu de cesse de nous apporter.
Depuis quelques années, je me pose souvent cette question : qu’avons-nous, nous, Africains, à célébrer la prise de la Bastille ? Pourquoi certains d’entre nous sont heureux de s’approprier le triptyque Liberté, Égalité, Fraternité ? Il y a vraiment de quoi faire une vraie introspection à ce niveau.
Walter Rodney* pose bien la problématique : Il y a toujours eu contradiction entre l’élaboration d’idées démocratiques en Europe et l’élaboration par les Européens de pratiques autoritaires et brutales vis-à-vis de l’Afrique.
Le constat est clair, implacable. Lors de la révolution française, quel était le statut des Noirs au sein de l’empire colonial français ? Esclaves par-ci, colonisés par-là, bref ! ce n’était même pas des Hommes au regard de la pratique et du droit français réunis. Ils n’étaient rien, mais alors là rien du tout. Pourtant, cette révolution, quand on regarde ses motivations (officielles)… N’a-t-elle pas légué à la France la fameuse Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? Que dit cette dernière ? En son article un par exemple, il est clairement écrit : Tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
On peut lire et relire cela dix mille fois, il n’est nullement écrit « Hommes blancs » mais dans la réalité, cette déclaration est une vraie fumisterie. Une escroquerie de plus dans le contexte de l’époque**. C’est encore une de ces farces dans lesquelles nous plongeons mains jointes et pieds joints, même quand la piscine n’a pas un filet d’eau et après nous disons ne pas comprendre pourquoi on se retrouve à boitiller ou à boiter toute sa vie (au mieux) ou pourquoi on est paraplégique (au pire).
En même temps que la France faisait sa révolution, décapitait son roi et sa reine, abolissait certains privilèges, elle maintenait ses Nègres aux Antilles, dans l’Océan indien dans leur statut d’esclaves… Elle luttait contre tous les efforts de ces peuples qui voulaient s’émanciper et, pour bien montrer que ces révolutionnaires n’avaient cure de la négraille, les leaders de ce mouvement diront qu’ils n’avaient pas fait la révolution pour l’humanité noire.
Anasthasie Tudieshe est une journaliste que j’ai eu l’occasion d’écouter dans certains media français. Elle expliquait un jour que l’enseignante de sa jeune sœur, dans une école en France, lui avait fait comprendre qu’il n’y avait eu aucun Noir qui avait participé à la fameuse révolution française. Pourtant, il est de notoriété publique que c’est plutôt le contraire qui est vrai !
Alors, en quoi cette révolution et ses festivités, bon an mal an, devraient nous intéresser vu que dès le départ, les jeux étaient faits ? Doit-on rappeler combien d’années après, les colonies françaises ont pu accéder à la souveraineté internationale ? Je parle bien sûr de ceux du continent africain et de Ayiti. Quant à la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, pour ne citer que ces cas-là, sont encore sous le joug de l’empire colonial français.
Comme le dit Walter Rodney, L’hypocrisie a atteint son plus haut degré aux États-Unis. Le premier martyr de la guerre de libération contre les colons britanniques, au XVIIIe siècle, fut un descendant d’Africains, Crispus Attucks ; et les Africains, esclaves comme hommes libres, jouèrent un rôle capital dans les armées de Washington. Pourtant, la constitution américaine, avec son préambule stipulant que « tous les hommes ont été crées égaux »a approuvé la poursuite de l’asservissement des Africains.
Combien de temps a-t-il fallu pour que les Noirs des USA soient reconnus comme des Hommes et non plus comme des biens immeubles? Sur la cinquantaine d’États que comptent les USA, combien ont mis des décennies, un siècle avant d’abroger les lois raciales qu’elles avaient mises en place depuis la nuit des temps, malgré la guerre d’indépendance remportée face aux Anglais, cousins de certains WASP***?
Combien d’exemples faudrait-il encore aux Nègres pour comprendre que certains événements ne devraient avoir aucune espèce de signification pour eux ? Que leur faut-il encore pour qu’ils se concentrent plutôt sur les combats qui sont les leur (se nourrir, se défendre, se soigner etc., bref ! reconquérir leur liberté) au lieu de gaspiller leurs énergies en admirant des systèmes qui les asservissent complètement ?
Obambe GAKOSSO, June 2014©
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* : How Europe Underdevelopped Africa, traduit en français sous le titre Et l’Europe sous-développa L’Afrique… Analyse historique et politique du sous-développement, Éditions Caribéennes.
** : Comme celui d’aujourd’hui d’ailleurs
***: White Anglo-Saxons Protestants