Il y a 17 ans, le 5 juin: et depuis?

Le 5 juin 1997, on crut que tous les habitants du Congo allaient devenir fou. 

Ce jour-là en effet, démarrait la plus effroyable guerre que cet enclos colonial de deux millions et demi d’habitants répartis sur 342.000 kilomètres carrés. L’on nous dira après octobre 1997 qu’il y a eu au total 15.000 morts.

Bien entendu, il faut considérer ce chiffre comme une estimation basse car j’ai vraiment du mal à croire que dans cette ville de Mfoa, avec son million d’habitants d’alors, avec tous ces obus qui ont été tirés, avec toutes ces Kalachnikov, ces BM21, ces balles de 12.7 et j’en passe, il n’y ait eu « que », 15.000 morts.

Les Congolais depuis des lustres ne font guère confiance en leurs autorités quand ces derniers prétendent donner des chiffres et, ce n’est pas après une telle boucherie, dont les responsables principaux étaient au pouvoir et le sont encore aujourd’hui, que cette confiance pourra se créer.

Ce territoire qui, dans les années 60 était à l’avant-garde pour les luttes de libération du continent, s’est vautré complètement avec des guerres civiles dans les années 90 dont le point culminant a incontestablement été cette guerre qui a duré de juin à octobre 1997. Nous avons pleuré nos morts et nous les pleurons encore. On ne saurait dénombrer les éclopés à vie. Les biens meubles détruits? L’écrasante majorité des habitants de cette ville n’ont jamais obtenu réparation alors que des caciques du pouvoir ont bénéficié de la part du Trésor public de centaines de millions pour « réparer » leurs maisons.

Encore une fois, la plèbe s’est fait avoir.

Il m’arrive de croiser en Occident des gens qui se faisaient ou qui se font encore appeler « guerriers » car pour une raison ou pour une autre, ils avaient pris les armes en juin 1997 pour défendre un camp ou l’autre. Peu importe la raison. Ils sont là, pauvres hères, ne sachant plus vraiment quoi faire de leurs existences. Certains sont de vrais experts du levage de coudes. Dans la boisson en permanence, ils croient trouver un peu de répit, les éloignant des fantômes qu’ils ont cru abandonner au Congo-Rive droite, alors que ces derniers semblent les suivre partout où ils vont.

Certains disent qu’ils ont été floués par ceux-là mêmes qui leur avaient distribué les armes de guerre afin qu’ils tuent leurs amis d’enfance, leurs voisins, leurs camarades de jeux.

Le Congo avait atteint un niveau…

Pourquoi y a-t-il eu une telle folie? Pourquoi en arriver à un tel carnage?

Je me souviens encore du président Pascal Lissouba disant sur une chaîne de télévision française, après qu’il ait été chassé du pouvoir qu’en son temps, l’État ne disposait d’aucun moyen pour savoir quelles quantités de pétrole brut quittaient les eaux congolaises pour aller vers le lointain.

Questions à 1.000.000.000 de francs coloniaux: de quand date l’exploitation pétrolière au Congo? sachant qu’à ce jour, nous ne disposons toujours pas de ces moyens pouvant permettre à notre administration de savoir combien de combien de barils nous sommes floués, quand est-ce que nous aurons un gouvernement qui prendra cette question à bras-le-corps?

Il faut dire les choses comme elles sont: si l’on nous a souvent dit que la Guerre du 5 juin était la Guerre du pétrole*, les Congolais, à commencer par leurs dirigeants, ne pigent que dalle (pour parler trivialement) sur l’exploration et l’exploitation pétrolière. Des majors arrivent, signent des contrats, nous laissent des miettes et nous sommes contents. Pardon, nos dirigeants sont contents.

Comment au vingt-et-unième siècle, un pays doté d’autant de cadres peut encore se laisser berner et flouer de la sorte? Ce qui était valable dans les années soixante, soixante-dix, quatre-vingt etc. ne l’est encore aujourd’hui parce qu’en réalité, notre indépendance dont nous gargarisons systématiquement chaque 15 août n’est qu’illusoire. C’est une vraie fiction et nous en sommes les 4 millions de spectateurs médusés.

Souveraineté… Si le Congo était vraiment un État souverain, la Guerre du 5 juin 1997 n’aurait pas, n’aurait jamais eu lieu. C’est valable pour le Congo d’en face qui depuis 1998 est soumis à une guerre terrible dont ne semble pas se soucier les autorités locales. Depuis 1993, la RCA bat les records mondiaux de rébellion. Le Nigeria nous montre qu’il vraiment un colosse aux pieds d’argile, avec des fous barbus qui les poussent à faire appel aux USA et à la France, des pays qui eux-mêmes n’ont rien à nous envier en matière de violence et d’insécurité.

Oui, nous souffrons collectivement d’un manque de souveraineté et le résultat est là: n’importe qui, le premier fou venu peut débarquer dans un village et prendre la tête d’une rébellion, faire violer des femmes et des filles, massacrer des enfants et des vieillards. La Côte d’Ivoire n’a pas fini de panser ses plaies allant de septembre 2002 à ce jour. Le bilan a-t-il jamais été fait là-bas? 

Ce tableau, aussi sombre soit-il ne doit pas nous abattre car encore une fois, nos ennemis auront gagné. Nous avons toutes les raisons du monde d’être optimistes.  ..

Celles et ceux qui dirigent cette Afrique ou plutôt qui prétendent la diriger aujourd’hui, ne font que passer. Hier, quand les USA devaient se former, la question de l’Union avait fait rage et ils avaient dû faire une guerre dont on parle encore de nos jours. Combien de films n’ont pas été réalisés sur cette fameuse Guerre de Sécession ? Combien de feuilletons ? Combien de romans, nouvelles et pièces de théâtres n’ont pas été écrits et joués à ce propos ? Pourtant, les USA sont une réalité qui s’est imposée non seulement aux WASP qui en furent réfractaires, mais aussi au reste du monde. Les USA aujourd’hui, quand ils parlent, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, les eux Irlande et l’Italie réunies (267,92 millions d’habitants ) ne pèsent que très peu en face. Pourtant, ne sont-ce pas, entre autres, les ancêtres de ces actuels européens qui massacrèrent les Amérindiens, soumirent une partie de nos ancêtres à l’esclavage avant de les déporter là-bas, firent la guerre face à la Couronne britannique et se tuèrent pour réaliser cette Union ?

L’Afrique peut s’en sortir et, Unis, nous éviterons des moments sordides comme ce 5 juin 1997 car le premier général, commandant, lieutenant qui se lèvera pour faire un coup d’État aura le choix entre une cour martiale et un asile. A-t-on déjà entendu parler d’un putsch aux USA ?

Kwame Nkrumah est certes mort, mais son rêve, nous pouvons, nous devons le faire vivre afin qu’il soit une réalité. Ce ne sont pas les Boko Haram et les autres Africains ou considérés comme tels qui proposent de nouveaux émiettements des États berlinois qui freineront notre élan.

Non !

Non !

Et pour la troisième fois, non !

Oui, il faudra un jour passer par la case justice et réparation pour toutes les victimes de la Guerre du 5 juin 1997. Il faudra que cela soit de même pour tous les autres conflits que Kama connaît et a connus. Là, les âmes de ces pauvres frères et sœurs pourront – enfin ! – reposer en paix;

C‘est aussi pour cela que j’ai choisi la voie et la voix du Panafricanisme car je suis persuadé que seule l’Union et l’Unité peuvent nous aider à avoir la paix. Hors de ce sentier, nous serons perdus et dans 100 ans ce sera encore des États en mal de liquidités qui viendront chez nous susciter des rébellions et des guerres et feront ensuite semblant de nous aider. Et ils trouveront toujours des supplétifs – le fameux troisième homme – pour les aider à faire le sale boulot. 

Obambe GAKOSSO, June 2014©

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*: Bien entendu, cela est par trop réducteur. C’est bien plus profond que ça.