Maya Angelou s’en est allée!
Du haut de son mètre quatre-vingt-trois, elle ne pouvait passer inaperçue. « Elle », c’était Maya Angelou, Marguerite Annie Johnson, née le 04 avril 1928 à Saint-Louis (Missouri, Middle-West des USA). Nous avons appris sa disparition ce mercredi 28 mai 2014 (à Winston-Salem, North-Carolina, Est des USA).
Voila une vie qui n’aura pas été inutile car il faut le dire, il y a y en a qui ne servent à rien, mais strictement à rien. Angelou a consacré sa vie au service des autres, sans chercher à savoir ce que cela pouvait lui rapporter pécuniairement ou encore sur le plan de l’image.
Maya Angelou fait partie de ces Africains-Américains qui avaient compris que leur libération, leur liberté ne pouvait se limiter aux textes officiels qui avaient aboli le Yovodah. Loin de là! Maya Angelou et les autres avaient compris, sans attendre qu’autrui vienne le leur dire, que s’ils ne se levaient pas, leurs oppresseurs continueraient à profiter d’eux au maximum, en les dominant de manière totalement écrasante et en en tirant les plus grands bénéfices qui soient.
La biographie de cette grande dame est en cinq volumes avec deux traductions en français, que j’ai eues le plaisir de lire en leur temps. Je risque de manquer de superlatifs pour qualifier ces deux textes.
Magnifiques !
Sublimes !
Un régal de lecture !
C’est le cœur, l’âme et l’esprit de l’auteur qui se sont retrouvés dans ses textes.
On voit la différence avec les faux livres écrits par certains et signés par d’autres, hommes et femmes plus ou moins célèbres qui n’ont pas l’honnêteté de reconnaître que si les idées (ou une partie) viennent d’eux, la plume est à autrui.
On y apprend des choses passionnantes sur sa vie (de son enfance à l’âge adulte). C’est dit tantôt avec le cœur d’enfant qu’elle fut (qu’elle a gardé ?) L’arrivée en Californie avec son grand-frère et ses parents. De la pauvreté. Du départ dans la foulée pour l’Arkansas chez la grand-mère car financièrement, les parents n’y arrivent point. Du viol (un certain Freeman…) qu’elle subit à 7 ans de la part du compagnon de sa maman. Du procès qui ne se déroule pas très bien et de son enfermement sur elle-même. Encore une fois, il faut retourner à Stamps (Arkansas, Sud des USA). Là-bas, une dame (Bertha Flowers) lui permet de parler de nouveau, grâce à la littérature.
Il faut dire que ce Freeman, bien que reconnu coupable de ce viol ne fera en tout et pour tout qu’une seule journée de prison… ! La nature ayant souvent horreur du vide, et sachant réparer certaines injustices des humains, il sera battu à mort, probablement par des oncles de Maya Angelou, en guise de vengeance.
Ensuite, de nouveau le chemin de la Californie où, grâce à sa mère, elle est la première enfant noire à fréquenter l’école privée où elle sera inscrite. Il faut tout de même gagner sa vie et, très jeune, elle a déjà exercé comme chanteuse, danseuse et cuisinière, d’autant qu’il lui fallait élever son fils (Clyde), un enfant qu’elle aura à l’âge de 17 ans.
Á 20 ans, elle part vivre à Harlem. C’est un autre univers où elle aura l’immense bonheur de rencontrer, de côtoyer et de fréquenter plusieurs auteurs africains-américains : John Henrik Clark (1915-1998, militant Panafricaniste et célèbre historien) ; Rosa Cuthbert Guy (1922-2012, écrivain) ; Julian Hudson Mayfield (1928-1984, acteur, écrivain, etc. et militant pour les droits civiques) ; Paule Marshall (1929-, auteure). Avec ce qu’elle aura appris auprès de Mme Flowers et auprès de ces fins lettrés, elle se lance elle aussi dans l’écriture et est publiée dans la foulée.
En 1960, elle fait partie de la foule qui écoute le révérend Martin Luther King Jr. A l’occasion d’un meeting pour les droits civiques. L’Amérique bouillonne, surtout du côté des Afrodescendants qui chaque jour font comprendre aux descendants d’Irlandais, d’Anglais, d’Allemands etc., bref ! à ceux et celles qu’on appelle WASP (White Anglo-Saxons Protestant), que les choses doivent changer. Qu’eux aussi sont des humains au même titre que les autres et que, par conséquent, ils doivent avoir les mêmes droits et non plus se contenter des mêmes devoirs. Même s’il y avait ça et là, quelques têtes qui émergeaient, dans l’ensemble, la situation des Afrodescendants était plus que catastrophique.
La grande Maya Angelou se lance à son tour et devient une des militantes les plus actives pour cette cause.
Je marque une pause à ce niveau en me disant qu’elle avait vraiment du cran, cette maman car elle aurait pou se contenter, vu son statut social, de bouffer ses dollars dans son coin, continuer à fréquenter cette crème et élever son fils tranquillement. Mais elle avait compris que la condition sociale des siens était une affaire de tous et de toutes et que chacun devait mettre la main à la pâte car comme on dit si bien en lingala, mosapi moko E sokolaka elongi te*
Cette dame qui a plusieurs casquettes fait aussi du théâtre et, en 1961, elle fait la connaissance de l’avocat et militant sud-africain Vusumzi Make (1931-2006). La ville du Caire sera témoin de leur histoire d’amour qui connaîtra un point final en 1962. Maya Angelou, accompagnée de son fils, ne quitte pas Kama pour autant et va à Accra, qui est alors une sorte de passage obligé des activistes africains-américains, vu les positions Panafricanistes de l’Osagyefo Kwame Nkrumah, lui-même ancien étudiant aux USA. Dans ce magnifique pays qu’est le Ghana, Maya Angelou ne se contente pas de se tourner les pouces. Elle s’investit à fond au sein de la communauté africaine-américaine, travaille aussi à l’Université d’Accra dont elle devient administratrice, est pigiste pour le Ghanaian Times, travaille pour Radio Ghana, pour le théâtre national du Ghana etc.
Quelle énergie !
Quelle volonté !
Il faut dire que si elle a réussi à faire tout cela, c’est d’abord et avant tout parce qu’elle avait une passion vive et un amour immodéré pour ce continent, d’où partirent ses ancêtres dans les cales des bateaux occidentaux. Ce continent qui était, qui est et qui demeurera sans doute le sien.
Il y a tant et tant à dire sur la vie extraordinaire de cette femme. Femme aux multiples dimensions. Cette écorchée vive.
Pour lui rendre hommage, j’ai voulu mettre l’accent sur le Ghana et ce qu’elle y a fait. Ils sont encore trop nombreux à croire, à penser, à être persuadés que l’Océan Atlantique séparant physiquement Kama du continent américain est un gouffre qui sépare par la même occasion les natifs de Kama et les Afrodescendants.
Erreur !
Faute grave même, je dirais !
Maya Angelou, sa vie durant, avait compris que la liberté pour les Noirs d’Amérique était consubstantielle de celle de ceux du continent. C’est ce qu’elle n’a eu de cesse de prêcher partout où elle est passée, chaque fois qu’elle en avait l’occasion. Par le chant. Par le théâtre. Par ses textes. Quand elle haranguait les foules.
En essayant de terminer ces lignes, je me dis, quel dommage de ne pas avoir croisé sa route, autrement que par le Net et par ses livres !
RIP Dear mother, longa nkolo tè !
Obambe GAKOSSO, May 2014 ©
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* : Un seul doigt ne peut laver un visage.
Une grande militante à la vie très riche. Elle est digne de nos hommages.