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30 avril 2014

Centrafrique: Le programme économique d’Abel Goumba, en 1957

Classé dans : Lectures — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 1 h 08 min

Il est intéressant d’observer la plupart des Hommes politique et autres politiciens des temps modernes, quand ils sont interrogés sur l’économie, sachant que soit ils n’ont pas de formation en ce domaine, ou qu’ils n’ont jamais dirigé une administration relevant d’une régie financière.

La plupart du temps, ça bégaie sérieusement. Les gens cherchent leurs mots. Ils ne savent pas quoi dire en réalité. Ils sortent souvent, pour s’en sortir, des généralités : « Notre économie va mal ! » ; « Le PIB est mauvais ! » ; « Notre production industrielle est inexistante ! » etc.

Goumba livre1

Cependant, quand il leur est demandé quelle est leur vision économique des choses, les choses se compliquent vraiment. Et c’est fort dommage car nous sommes tous et toutes des acteurs économiques. Que l’on soit consommateur quotidien du pain, que l’on soit vendeuse des beignets au coin de la rue Mabirou à Ouenze, que l’on soit importateur de moteurs électriques sur l’avenue de la Paix, à Moungali, on se doit tous de parler de la chose économique et d’avoir des vues à ce sujet. Et c’est encore pire

Abel Nguéndé Goumba fait partie de ces hommes politiques qui ont réussi à démystifier les questions économiques en les prenant à bras-le-corps et en y travaillant avec le sens des responsabilités qui le caractérisait, ainsi que l’amour de son continent et de son peuple. Il étudie la médecine à l’école William Ponty de Dakar, établissement crée par les colons, réservé aux indigènes. Il faut rappeler que les enfants des colons n’y étudiaient point. Durant ses années d’études à Dalkar, lui et Barthélémy Boganda, le grand leader Panafricaniste de l’Oubangui-Chari s’écrivent régulièrement.

En effet, Goumba fut parmi les élèves du grand homme et une sorte d’amitié était née à cette époque, malgré les seize années les séparant (Boganda est né en 1910 et Goumba en 1926) et malgré aussi les deux positions, celle d’enseignant d’un côté et celle d’élève de l’autre. Goumba n’aura pas le temps de beaucoup exercer la médecine que Boganda le rappellera à Bangui pour travailler à ses côtés au sein du gouvernement d’avant nos indépendances formelles. Boganda avait de grands desseins pour l’Afrique en général et pour l’Afrique centrale en particulier. C’est ainsi que, se concentrant plus sur la conquête de la présidence du Grand Conseil de l’AEF (Afrique équatoriale française) à Mfoa, son siège, il laissera donc la responsabilité de la gestion de l’Oubangui-Chari au jeune médecin.

Ce dernier, conscient que la France et les Français sont partout dans les rouages de ce pays, mettra en place un programme économique audacieux afin de faire décoller ce territoire plus grand que la France, doté de richesses naturelles fabuleuses, et d’une terre très fertile, sans compter des eaux en quantité…

Ce programme est appelé CODRO (Commissariat de Développement Rural de l’Oubangui Chari). Ce serait un euphémisme que de dire que le CODRO sera sévèrement combattu par la France par le biais notamment d’un certain Roger Guérillot, véritable âme damnée qui a vraiment réussi, des années durant, à saper toutes les bonnes initiatives de Goumba visant le bien-être des populations oubanguiennes et centrafricaines.

Dans le tome 1 de ses mémoires*, Goumba fait état du CODRO et des obstacles rencontrées. Cela vaut le détour. Aux naïfs qui croient encore que tous nos malheurs seraient soit dus à une supposée malédiction biblique, ou encore à une imaginaire incapacité congénitale de notre part.

Extraits :

 

L’Oubangui Chari a énormément souffert et continue de souffrir des vicissitudes des différentes conceptions économiques auxquelles ce pauvre pays a été soumis depuis l’époque lointaine des sociétés concessionnaires jusqu’à l’économie de traite de la période de colonisation. L’apparition du terme « colonial » et de ses dérivés à chacune des époques de son évolution, montre que le développement de ce pays a été profondément marqué par le sceau indélébile de la conception coloniale sur laquelle repose l’économie oubanguienne et centrafricaine. La seule fausse note dans le mouvement de ce processus est la tentative que j’ai faite d’essayer de modifier les structures à l’occasion de la loi-cadre. Mais, j’ai été compris trop tard par le Président Boganda qui, il faut l’avouer s’est laissé berner dans ce domaine encore une fois, par le trop entreprenant Guérillot.

LE PROGRAMME CODRO

Convaincu qu’on ne peut rien faire d’efficace et de durable dans un pays, sans le consentement et sans l’adhésion volontaire et enthousiaste des populations auxquelles on s’adresse, j’avais posé comme principe que l’éducation préalable et la sensibilisation concomitante du peuple sont déterminantes. Bien que la voie soit un peu plus longue, la méthode est payante à long terme, car on construit sur du solide et non sur du sable mouvant. C’est le principe du CODRO (Commissariat de Développement Rural de l’Oubangui Chari) à l’opposé d’un autre principe, qui consiste à produire pour produire, à produire coûte que coûte, quel que soit l’état de santé des producteurs – si ce n’est souvent au détriment de cette santé – quelle que soit la disposition d’esprit des producteurs – même s’ils ne comprennent absolument rien à ce qu’on leur demande de faire, et ce, même avec des moyens primitifs ou des méthodes archaïques.

Est-il besoin de rappeler l’influence et l’impact souvent décisifs des conceptions idéologiques sur le devenir d’un pays, grâce à l’affirmation et à l’application des mesures politiques qui en découlent ?

Dès le 05 septembre 1957, je montrais à l’Assemblée Nationale, la voie à suivre en ces termes :

« Les travaux du Conseil de Gouvernement, après qu’aient été fixées nos attributions respectives, ont été rapidement marquées par notre volonté d’imprimer à l’administration du territoire, une impulsion nouvelle, conforme à nos idéaux politiques ».

Annonçant le programme  CODRO, je poursuivais :

         « Il s’agit d’une véritable révolution dans le monde rural. Il importe donc, dans le cadre d’un programme général et unique, et pour que notre action acquiert tout son sens et mette en jeu toutes les forces vives du pays, de créer au préalable, un choc psychologique, un enthousiasme collectif profond et durable et, parallèlement, d’apporter aux efforts personnels, toute l’aide pratique possible par l’intermédiaire d’animateurs ruraux que nous devons former.

Nous devons mettre en œuvre toutes les ressources de la technique et de la propagande modernes pour que chaque oubanguien s’associe activement à la construction de son pays. Autrement dit, il s’agit de mettre sur pied, un ensemble de procédés et de méthodes devant être utilisés par les collectivités oubanguiennes elles-mêmes avec l’assistance technique du Gouvernement afin de stimuler l’initiative, le sens des responsabilités des populations rurales, facteurs essentiels de leur développement. Cela consiste à mettre sur pied des procédés adaptés par lesquels les oubanguiens uniront leurs efforts personnels à ceux des pouvoirs publics en vue d’améliorer leur situation économique, sociale et culturelle de toutes les collectivités qui vivent sur le territoire, afin de leur permettre de contribuer réellement à l’évolution du pays. Il nous faut changer progressivement les habitudes et les attitudes qui font obstacles au progrès économiques et socio culturels en formant des agents d’exécution qui agiront sur place au milieu des habitants dont ils animeront les activités, aideront la population à prendre conscience de sa dignité et de ses responsabilités, en apprenant au peuple à mieux se servir des moyens dont il dispose et en l’aidant à améliorer l’administration. Elle devra requérir toutes les bonnes volontés que nous nous proposons de réunir sous la bannière d’un organisme spécial, le « CODRO » dont je n’ai pas besoin de vous préciser le sens (Commissariat du Développement Rural de l’Oubangui Chari comme on le sait).

Le CODRO s’assigne trois objectifs :

Le 1er objectif est l’amélioration du milieu rural :

  • Amélioration des installations rudimentaires existantes indispensables et des conditions générales de logement par la collectivité elle-même, avec ses propres moyens, complétés par une aide extérieure : étude générale de tous les éléments d’une maison; formation de techniciens locaux tels que : briquetiers, charpentiers, maçons, etc. …
  • Constructions d’écoles, de dispensaires, de salles de discussion, de marchés publics pour un ensemble de villages;
  • Aménagements des points d’eau par les artisans ruraux dûment initiés ;
  • Reboisements – conservation du sol – approvisionnement en eau potable…

Le 2ème objectif est la création et la multiplication des centres pilotes : à l’échelon des chefs lieux des collectivités rurales ou des districts, servant de lieux de stage de formation pratique et théorique, pour les cadres villageois. Ces centres pilotes ne seront pas une création artificielle, mais seront installés dans un village, afin de préserver toutes les conditions de l’environnement villageois. Ce sont des centres d’expérimentations, d’essais fonctionnels de toutes les activités artisanales, commerciales, semi industrielles, techniques, etc.… cités au premier objectif.

Le 3ème objectif est la formation d’agents auxiliaires :  pour l’aménagement de ces collectivités villageoises : ces derniers, choisis par les villageois eux-mêmes, en raison de leurs aptitudes particulières et en fonction de critères simples (âge, sexe, motivation, …) seront formés dans les différents domaines sus cités : santé publique, agriculture, élevage, enseignement, gestion financière et administrative, etc. …

A leur retour dans leurs villages, après 3 mois environ de formation en langue du pays ou en français selon les cas, ils feront bénéficier leurs cohabitants à mieux résoudre les problèmes du milieu où ils vivent, à connaître leurs droits et leurs devoirs de citoyen et d’hommes libres, afin de pouvoir jouer un rôle plus actif dans le développement économique, social et culturel de leurs collectivités et partant, de la nation.

Ces objectifs ne pourront être atteints que par la coordination et la supervision régulières par des services techniques compétents correspondants appelés à fournir les éléments nécessaires au travail de formation et d’organisation que le CODRO représentera auprès des animateurs ruraux.

C’est pourquoi le CODRO comprendra au moins six sections :

  1. 1.  la section agricole : qui aura pour tâche de susciter le développement des cultures vivrières et industrielles, préalablement inventoriées et cultivées en fonction des besoins nationaux et des zones climatiques. Elle apprendra à la population à tirer le meilleur profit de leurs ressources en l’initiant aux techniques et aux pratiques les plus rationnelles concernant toutes les phases de la production agricole et de l’élevage.

Elle facilitera l’équipement rural par le développement du crédit agricole contrôlé, la création des fermes pilotes annexés ou non aux centres pilotés, la fabrication et la vulgarisation des engrais en partant des déchets et des éléments de fermentation locaux, la diffusion du petit équipement agricole. A un autre niveau, elle préparera les paysans à assurer la gestion de leur exploitation et les aidera à commercialiser leurs récoltes de la façon la plus avantageuse. Toujours en coordination avec les autres sections, elle généralisera dans la mesure du possible la distribution de semences sélectionnées, les travaux d’irrigation et de drainage. Enfin, elle donnera un nouveau développement à l’artisanat et aux petites industries locales, orpaillage par exemple, afin de ne pas dissocier trop prématurément les activités agricoles et minières dont on connaît les effets négatifs sur l’agriculture.

Elle assurera la réorganisation de la liquidation des Sociétés Africaines de Prévoyance (SAP) ou ex SIP Sociétés Indigènes de Prévoyance, la création et le développement des mutualités, puis des coopératives de production (cultures maraîchères familiales, secteur mécanisé, entrepôts avec système adapté de conservation des produits petites usines de transformation des produits (féculerie, huilerie, torréfaction du café, etc.…) et de consommation.

Le principe général est de construire sur nos traditionnels sentiments de solidarité, une nouvelle solidarité adaptée aux nécessités du vingtième siècle qui, sans rien sacrifier du passé, saura l’intégrer au présent.

  1. 2.  la section enseignement et recherche : Elle mettra sur pied le programme d’alphabétisation et d’éducation populaire sur tout le territoire, par les moyens possibles : films éducatifs – radio écoles mobiles ou sous les arbres des places publiques locales, etc. … en même temps qu’elle organisera la formation professionnelle rurale (agriculture, menuiserie, briqueterie, forge – hauts fourneaux – maçonnerie, etc.…)

Elle devra assurer la formation rapide des agents d’encadrement ruraux qui répercuteront dans chacune des localités les plus petites du territoire, l’enthousiasme collectif dynamique et créateur qui fera rattraper à l’Oubangui Chari son retard en maints domaines.

Il ne s’agira en aucun cas de créer un nouveau corps de fonctionnaires, mais les techniques aidant, avec l’appui du parti et les organismes d’action sociale, d’insuffler un esprit nouveau à l’encadrement agricole, scolaire, médical de base, culturel et de la rendre à même d’être un facteur de transformation du monde rural, alors qu’aujourd’hui, il se contente, de là où il existe, de faire son strict devoir professionnel. Il s’agira surtout de dresser une jeunesse qui, sortie de l’école primaire, n’a plus de débouchés et de la remettre à la disposition des sociétés paysannes. Pour que cette entreprise ne soit pas une charge nouvelle, pour le budget, les taxes de district contribueront à financer l’opération qui pourra bénéficier également des subventions du FIDES (Fonds d’Investissements pour le Développement Economique et Social) au titre des aménagements ruraux. Les sociétés de prévoyance nouvelle formule, devront aussi y être associées. Toutes les formules : écoles de secrétariat, de comptables, de fils de chef, d’animateurs sociaux, etc.… devront être envisagées et étudiées sur place, avec la participation des fonctionnaires les plus compétents, les plus expérimentés et les plus motivés pour cette entreprise qui consiste à transformer le climat dans lequel se débat à l’heure actuelle le paysan oubanguien.

(…)

         La Recherche sera surtout opérationnelle et sera menée en coordination avec toutes les autres sections : recherches sur les techniques modernes adoptées par d’autres pays en voie de développement pour transformer les sociétés rurales et leur adaptation à l’Oubangui Chari, après une prospection aussi complète que possible de tous les problèmes du monde rural : éducation de base, lutte contre l’analphabétisme, vulgarisation des méthodes et techniques agricoles, artisanat, etc. …

         Le centre de Recherche sera installé dans un quartier de Bangui, comprenant au minimum un chef de centre, une section agriculture élevage, une section enseignement, une section sociale. Cette dernière section dont l’importance est capitale, aura plusieurs sous sections dont les tâches seront de :

a)             déterminer les éléments de structure valables dans les pays (: structures claniques par exemple, organisation sociale et familiale), les éléments qui font obstacles à l’évolution du pays et à sa modernisation (certains aspects du système dotal par exemple, emploi des pratiques de magie – sorcellerie, excision, etc. ) les éléments de la vie traditionnelle qui sont en voie de désagrégation au contact de la civilisation occidentale et dont la restauration pourrait épauler le mouvement et la voie du monde rural : fêtes traditionnelles, système de propriété foncière, langage tambouriné, etc…

b)             se documenter sur la réalisation d’objectifs simples tels que : fumure domestique, petit élevage, traction animale et portage, habitat rural… la réalisation de ces objectifs simples permettra d’élaborer des plans d’actions adaptés à chaque secteur géographique et humain du territoire : zones du fleuve, zone de la grande forêt (Berberati), zone de la savane boisée (Bambari, pays banda), zone de savane claire (Est du pays)

c)              de réunir une documentation sur les techniques d’éducation de base et de lutte contre l’analphabétisme en usage dans d’autres pays en voie de développement et mettre au point le programme d’alphabétisation et de diffusion à l’aide d’un français simplifié de base ou d’un Sango codifié et amélioré pour les adultes, âgés de 18 à 45 ans et plus, selon les motivations.

d)             rassembler toutes les informations relatives à l’utilisation de l’eau pour les usages divers : boissons, salubrité de l’environnement, drainage et irrigation, etc.….

  • La voirie du village : drainage des flaques d’eau, assainissement, notamment lutte contre les moustiques et insectes nuisibles
  • La puériculture : protection de l’enfant, hygiène alimentaire et corporelle, vaccination, pesées, etc. …, l’utilisation de la pharmacopée traditionnelle…

e)             étudier, concurremment aux enquêtes sur les structures sociales, le système administratif actuel et fournir les éléments d’une réforme du système administratif mis en place par la colonisation, afin de faire de l’administration, non un système lourd, complexe, inefficace, véritable corps étranger parasite, mais un ensemble de services simples, caractérisés par leur accessibilité géographique et leur disponibilité permanente qui en feront « la chose » du peuple.

En considération de son importance, la section Recherche établira des liaisons constantes avec les différents ministères techniques et les services, avec les entreprises privées, avec les chefs de districts qui doivent avoir une optique « globale sur tous les cas concrets en raison de leur qualité de chevilles ouvrières du pays et se présenter comme des animateurs à l’échelon plus élevé que celui du village.

  1. 3.  la section santé aura plus spécialement pour tâches
  • l’éducation sanitaire de la population sur les problèmes qui intéressent l’hygiène corporelle et collective, individuelle et familiale
  • l’assainissement du milieu : hygiène de l’eau par la fabrication des filtres à sable/charbon par exemple; la construction de latrines et l’utilisation éventuelle des déchets humains comme engrais pour la fertilisation des jardins; l’évacuation hygiénique des ordures ménagères, solides et liquides et fabrication des composantes.
  • La récolte des plantes médicinales utilisées dans les villages pour le traitement des affections courantes, en vue de leur étude, de leur fabrication en série sous forme et conditionnement simples (potions, sirops, infusions, pâtes, pommades, lotions, etc. …) en vue de leur utilisation sur place
  • Le traitement avec des produits et des moyens simples, des petites affections dans un but préventif (blessures, afin d’éviter la transformation en ulcère, par exemple, ou l’infection tétanique)
  • Le dépistage et l’évacuation, en temps opportun des maladies susceptibles de complications secondaires graves (hernie par exemple)
  • La surveillance des grossesses et l’évacuation de celles présentant des signes d’alarme et de gravité pendant l’accouchement (œdèmes, hémorragies utérines par exemple)
  • La surveillance de l’hygiène des denrées alimentaires consommées par la population et le dépistage des carences nutritionnelles (rachitisme par exemple)

(…)

  • La surveillance de l’enfant depuis la naissance jusqu’à l’âge scolaire 

Le principe d’action sanitaire dans le domaine rural repose plus sur la prévention que sur les soins curatifs : il faut rendre l’environnement sain, afin de permettre à chacun et à tous de recourir le moins possible aux médicaments dont la production et la commercialisation dans nos pays par les firmes étrangères reviennent excessivement chères et donnent souvent lieu à des ventes illicites et dangereuses sur les marchés africains.

4. la section sociale, coordonnera les aspects sociaux de toutes les activités entreprises par la collectivité : protection de l’enfance, amélioration des conditions de vie des adolescents et des jeunes, renforcement des liens familiaux, lutte contre la délinquance et l’oisiveté, etc.

Les facteurs psychologiques étant prépondérants comme toujours en Afrique, de l’accueil des populations dépendra le succès ou l’échec de l’opération engagée. C’est montrer l’importance de la création d’un climat social fait de chaleur et de simplicité par ceux là même qui seront appelés à œuvrer ensemble avec les paysans. Rien ne doit être négligé pour rassurer et sécuriser les populations.

  • Appui sans réserve des autorités politiques et des élus de tous bords par leurs propos encourageants et entraînants;
  • Africanisation autant que possible des cadres appelés à côtoyer les populations;
  • Contrôle discret des chefs et autres cadres d’animation qui doivent bannir de leur esprit toute vanité et tout mépris des ruraux, agir avec tact pour éviter les frictions avec les chefs traditionnels, effacer le souvenir pénible de l’atmosphère « force » d’antan et y substituer de temps en temps des cérémonies publiques et solennelles pour les remises de récompenses aux plus méritants : insignes, manuels, diplômes, etc.… afin de maintenir l’émulation et l’intérêt… Pour cela, il faut s’entourer de gens enthousiastes et « qui croient » et non d’indécis dépourvus de toute confiance en soi et de toute assurance. 

5 . La section administrative et des coutumes

Le cadre de l’Etat – Nation hérité des partages coloniaux est tout à fait inadapté aux réalités africaines en général et oubanguienne en particulier, en ce sens qu’il ne recouvre aucun ensemble homogène et cohérent ethnique, religieux ou géographique. Les diverses communautés politiques, économiques, socio – culturelles, etc. … créées dans les ex colonies françaises ne doivent leur cohérence qu’à l’action coercitive et contraignante de la puissance colonisatrice, toujours prompte à mater toute velléité de luttes intestines et à des actes de rébellion. Les structures administratives et parfois coutumières conçues pour répondre aux objectifs de la colonisation et qui en constituaient le support doivent être modifiées pour répondre cette fois ci à la situation nouvelle découlant de notre semi – autonomie.

Compte tenu de ces considérations, la section administrative et des coutumes assurera un rapport avec la section recherche, l’adaptation de l’actuelle administration aux conditions existants par :

  • La codification, après étude sérieuse, du droit civil coutumier qui sera souple, pratique mais complet et cohérent dans l’ensemble pour trouver des applications adaptées à toutes les ethnies du territoire.
  • L’élaboration d’une procédure des juridictions coutumières
  • La réforme des chefferies de village et de l’administration elle-même
  • La mise en place des collectivités rurales dans les cantons
  • La réforme de l’état civil, caractérisée surtout par la simplification, afin de la mettre à la portée immédiate des villageois, ainsi que sa généralisation sur tout le territoire
  • La constitution d’archives provenant de toutes les provinces et leur exploitation à des fins administratives, historiques, sociologiques, universitaires, etc. …
  • La réforme judiciaire

6 . la section coopérative : elle représente la pièce maîtresse du CODRO, l’une des sections les plus essentielles, car elle constitue le rouage qui permettra à la société villageoise de bâtir son propre avenir. Le centre d’activités et de décisions de ces coopératives ne sera pas le sommet, avec des directeurs parachutés des chefs lieux, mais le village lui-même. Aucune décision de quelque importance que ce soit, surtout financière ne sera prise au sommet et imposée aux coopératives villageoises : toute décision émanera au contraire, des coopératives elles-mêmes conformément au principe suivant qui doivent guider leurs activités : « les produits cultivés ou fabriqués doivent être considérés comme la propriété exclusive de leurs auteurs depuis le stade de la production ou de la fabrication jusqu’à la commercialisation ou à la consommation. Seule, la mise en pratique d’une telle doctrine, conduira à la suppression des intermédiaires parasites, au profit des travailleurs eux-mêmes et à la disparition de l’économie de traite : c’est tout un programme et tout un combat pour le bonheur et la survie des populations paysannes. On comprendra aisément l’importance décisive d’une bonne organisation et surtout d’une gestion saine.

Le principe de cette organisation repose sur le fait que la collectivité rurale donne, en gestion, pour le bien-être de toute cette collectivité, une partie de revenu de chaque planteur, de chaque producteur, de chaque artisan et de tous les planteurs, de tous les producteurs, et de tous les artisans. C’est une formule étendue de ce que les oubanguiens appellent « makelemba ».

(…)

         Malheureusement, ce programme était – il à peine présenté en Conseil que Guérillot, sortit un contre programme, élaboré par le secteur privé qu’il a malhonnêtement fait adopter par l’Assemblée Territoriale, après avoir réussi à placer très adroitement B. Boganda à la présidence de son organisme intitulé « Comité de Salut Economique ». Comme s’il engageait une véritable course contre la montre, Guérillot mis « le paquet » pour « embobiner » tout le monde : réunion sur réunion, promesses fabuleuses avec un « bagout » auquel sont habituellement sensibles les ignorants, les naïfs, les rêveurs et les gens misérables qui, obnubilés par des paroles et des propos mielleux mais trompeurs, oublient tout simplement de réfléchir. Guérillot a réussi tout simplement à torpiller le programme CODRO par son projet de « Comité de Salut Economique », car il sait que c’est la voie de la véritable indépendance, de la non – dépendance, de l’évolution et du développement bâtis sur du solide, sur des piliers traditionnels et des fondements inébranlables rendant impossibles toute exploitation et domination étrangère.

 

Obambe GAKOSSO, April 2014©

_______________________________________________

* : Mémoires et Réflexions politiques du Résistant anticolonial, démocrate et militant panafricaniste, préface du Pr. Théophile Obenga, postface de Henda Diogène Senny, janvier 2007, 374 pages, Ccinia Communication, Collection Sambela

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