Afrique/Occident: un point pour Alpha Condé. Mais c’est très faible
Au mois de février 2014 dernier, une délégation européenne, composée de Mme Maggie de Block, a effectué une visite en Guinée. Maggie de Block est la secrétaire d’État belge à l’asile et à l’immigration.
Elle était accompagnée par M. Freddy Roosemont, Directeur de l’Office belge des étrangers.
Au menu, la question des immigrés guinéens au Royaume de Belgique. Selon la Belgique, il y aurait 10.000 Guinéens en Belgique, dont la moitié serait en situation irrégulière*. Ce que les autorités belges ont appelé « mission de travail » en fait a consisté à demander aux autorités de Conakry de les aider à rapatrier ces illégaux. Cela s’est passé lors d’une audience accordée par le président guinéen, M. Alpha Condé, en présence de son Premier ministre M. Mohamed Saïd Fofana.
En apprenant cette nouvelle, je m’étais posé une question liminaire que le bon sens devrait nous pousser à nous poser sans cesse : combien de nos ministres et autres membres de gouvernements, lors de leurs séjours en Europe, sont reçus en « séance de travail » par les présidents européens et autres chefs des Exécutifs ? Nos présidents quant à eux, trouvent toujours du temps pour recevoir n’importe qui, pour évoquer n’importe quoi.
Passons.
Par contre, Alpha Condé a marqué un grand point en amenant l’échange sur un terrain essentiel.
Question du numéro un Guinéen : Mon ambassadeur** auprès de l’Union européenne, des pays du BENELUX et des ACP, à Bruxelles a mis combien de temps pour vous faire vos visas ? Réponse de Maggie de Block : Je crois que, entre le dépôt des passeports et le retrait des dossiers, il faut compter un quart d’heure.
Alpha Condé reprend : Alors, vous voyez qu’à ce niveau, la réciprocité n’est pas respectée. Ici, un Guinéen, fut-il opérateur économique, qui compte se rendre en Belgique doit se déplacer sur Dakar, se loger dans un hôtel, s’il n’y a pas un parent. Et l’examen de la demande de visas dure de trois à quatre mois et débouche quelques fois sur un rejet pur et simple.
J’ai ressenti comme une sorte de fierté en lisant ces phrases et ces mots et je pense que pour cela, le président guinéen mérite une mention très bien. Nous ne sommes pas toujours au fait des échanges verbaux entre nos dirigeants et ceux de l’Occident, lors de ces audiences d’où pas grand-chose ne filtre sérieusement, sauf quand un témoin oculaire veut bien nous en livrer la teneur. Cependant, je doute tout de même que les dirigeants européens aient l’habitude d’entendre ce genre de propos de la part des nôtres, dans la plupart des cas. Nous avons – trop souvent – l’habitude d’hommes qui se couchent face à des gens qu’ils croient supérieurs à eux et à nous tous et toutes, même réunis.
Il eût été intéressant qu’Alpha Condé continuât sur cette lancée, en retrouvant la fougue et la sagacité qui furent les siennes durant toutes ses années de militantisme au sein de la FEANF***. Et aussi durant ce temps où, opposant à deux de ses prédécesseurs, les présidents Ahmed Sekou Toure et Lansana Conté, il fut sans concessions.
Force, encore une fois (une fois de trop !) que les nôtres ont un véritable problème quand il faut traiter un dossier impliquant soit nos propres compatriotes, soit les Occidentaux. L’Africain en général est vraiment dur, sans pitié envers son frère, quoique ce dernier ait fait qu’il ait en face de lui un voleur à l’étalage ou un opposant politique, quand il ne le sent pas, il lui fait vivre la pire des misères. Mais dès qu’en face, il y a un Occidental, même après avoir montré les crocs et les griffes, on se rebiffe, la plupart du temps et quand on a une parcelle de pouvoir, comme s’il y avait une sorte d’épée de Damoclès nous empêchant d’aller plus loin. D’aller là où il faut. D’arriver vers la destination du respect.
On ne peut demander à tout le monde de nous aimer et il serait vraiment stupide de croire que le monde fonctionne ainsi en vivant comme un mendiant d’amour. Par contre le respect, oui, il faut l’exiger et si on ne l’a pas, on doit se donner les moyens de l’obtenir, de l’arracher, quitte à faire usage de la force. C’est à ce prix et seulement à ce prix que les Africains cesseront d’être un peuple de paillassons sur lesquels tout le monde vient essuyer ses panards, même après les avoir laissé dans les excréments les plus nauséeux.
Alpha Condé donc, à mon humble avis, a raté sa sortie lors de cette audience qui aurait pu prendre un caractère historique en disant, Si cette situation demeure, je vais demander à mon ambassadeur d’appliquer la réciprocité.
A-t-on vraiment d’en arriver à dire des choses pareilles ? Pourquoi ne pas avoir appliqué cette réciprocité dès le moment où le déséquilibre est constaté ?
Voilà bien un des plus grands drames de ce peuple et de ce continent. Nous signons tout et n’importe quoi comme accords que nous appelons pompeusement « accords de coopération » alors qu’en réalité, ce sont des textes de soumissions qui par certains aspects sont même pires que ce qui existait sous la colonisation officielle.
Quand on demande aux Africains de jouer collectif, ils tournent le dos et préfèrent la jouer en solo et chacun croit défendre ses intérêts alors que, bien au contraire, nous nous aliénons bien plus encore avec ces humiliations continuelles.
Est-il normal que les nôtres fassent des queues interminables devant les consulats européens pour des obtentions de visa tandis que nos représentations diplomatiques sont, la plupart du temps, en Occident, de véritables marchés où toute la terre est la bienvenue, que ce soit pour obtenir un visa ou pour venir rigoler quelques minutes avec un ami.
Au lieu de faire bêtement la course au « développement », concept creux auquel ses concepteurs eux-mêmes n’y comprennent plus grand-chose, nous ferions mieux de travailler à corriger ces anomalies et ces anachronismes dont nous sommes devenus plus que coutumiers.
Obambe GAKOSSO, April 2014©
____________________________________________
* : Je me demande toujours comment on fait pour comptabiliser les illégaux…
** : M Ousmane Sylla
*** : Fédération des étudiants d’Afrique noire en France
Je crois que,il n’y a pas que les officiels africains qui doivent de contribuer à changer les choses,tout le monde doit participer,les partis politiques,les sociétés civiles,les médias,les ong africaines,etc doivent avoir pour objectif,la dénonciation de nos rapports avec les l’occident,d’expliquer aux africains,surtout à la jeune génération d’adopter une autre perception de rapport qu’on doit avoir avec ces pays qui nous ont colonisé et qui veulent toujours maintenir les rapports de domination sur les africains,peut-etre que les nouvelles génération d’africains voudront bien changer les choses
UN PANAFRICANISTE A PARIS