Suspension de journaux en Côte d’Ivoire: la honte, ils ne connaissent vraiment pas…

Avec le régime au pouvoir à Abidjan, dans près de 99,99% des cas, on n’est surpris par rien, en matières de décisions qui sont prises. Mais j’avoue quand même  qu’il m’arrive d’être impressionné par le culot dont il fait montre à ‘endroit de celles et ceux qui ne pensent pas comme lui.

 

Il y a comme une sorte de terreur qui s’est instaurée d’abord dans le Nord, une partie du Centre et dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, quand les bandits que nous connaissons très bien ont décidé d’envahir ce territoire le 19/09/2002.

On se souvient des pauvres populations civiles tuées, mutilées à vie etc. qui ont eu un avant-goût du traitement qui devait plus tard être administré à une partie des habitants du Sud de la Côte d’Ivoire.

Depuis 2001, donc trois ans, ces gens qui ont codirigé la Côte d’Ivoire avec le président Koudou Gbagbo et le FPI (Front populaire ivoirien) de 2003 à 2010, ont pourtant, paraît-il, tous les pouvoirs entre leurs mains. Ils n’ont aucun contre-pouvoir local qui puisse les gêner dans l’accomplissement de leurs « projets » (je mets le mot entre guillemets, à dessein). Cependant, comme le chien ne change jamais sa façon de s’asseoir, il leur faut sans cesse se comporter comme si leur coup d’État n’avait pas réussi. Comme s’ils étaient encore une rébellion.

Le passage du treillis au costume civil, apparemment, ne leur sied point… Ils doivent se sentir terriblement engoncés, là-dedans… Y aurait-il un tailleur pour ajuster tout cela ?

Récemment,  le mardi 15 avril 2014, cinq journaux (quatre de l’opposition) ivoiriens ont été suspendus par le CNP, le Conseil national de la presse, l’organe de régulation des media écrits ivoiriens.  Ce ont :

-                    Le Temps ;

-                    Aujourd’hui ;

-                    Le Quotidien d’Abidjan ;

-                    Soir Info (indépendant) ;

-                    Bol’kôch, hebdomadaire satirique du FPI.

Les raisons de ces suspensions ?

Accrochez-vous  bien car il y a vraiment de quoi rire. Ricaner. Rigoler. Moi-même, je n’en reviens toujours pas.

Le Temps, Aujourd’hui et Le Quotidien d’Abidjan ont été suspendus car il y a été dit qu’Alassane Dramane Ouattara était dictateur. Rien que ça ! Qu’est-ce que cela aurait été s’il avait été injurié et insulté ? La peine est de deux semaines ! Quant à Bol’kôch, il faut croire que son humour fait vraiment peur au pouvoir car il a pris un mois pour avoir, selon le CNP, « avoir présenté le président Ouattara avec « des traits de visages exagérément déformés » ».

Question à un centime de franc CFA : ces gens sont-ils vraiment sérieux en écrivant des sottises pareilles ?

Soir info (indépendant) est sanctionné pour avoir pris le contre-pied d’un communiqué gouvernemental, suite à l’épidémie ebola qui sévit en Guinée, territoire qui a une frontière terrestre avec la Côte d’Ivoire.

 

Je vous promets que quand je vois en plein vingt-et-unième siècle des choses pareilles, je suis animé par deux grands sentiments : la colère et la honte.

La colère car ces gens qui prennent ces décisions iniques oublient ou ignorent que des journaux, ce sont d’abord et avant tout des entreprises avec des pères et des mères de famille qui ont attendent chaque semaine ou au bout de trente/trente-et-un jours, leur paie pour vivre, tout simplement. Quand leur outil de travail est bloqué (la suspension), ils deviennent des mendiants ? Des bandits ? Des gens qui sont arrivés au pouvoir avec la violence que l’on sait, veulent-ils transformer de fait leurs compatriotes qui ne pensent pas comme eux en brigands ?

La honte car chaque fois qu’une décision de ce type est prise à Kama, je me dis que décidément, les Africains doivent s e battre plus encore pour reconquérir cette Liberté dont on tient absolument à nous priver. Vraiment.

De 2000 à 2002 qu’il a dirigé ce pays et de 2003 à 2001, année de sa déportation, le président Koudou Gbagbo n’a jamais suspendu un seul journal. Il n’a jamais mis un seul journaliste aux arrêts. Pourtant, je me souviens encore des titres de la presse d’opposition en son temps : il prenait des avoinées, des injures, des insultes à chaque parution. Pourtant, ces gens vivaient paisiblement et ne faisaient l’objet d’aucune intimidation de la part du pouvoir en place.

Le plus drôle, le plus cocasse est que même quand le pouvoir était partagé entre le président Koudou Gbagbo et les dozos, ces journaux continuaient à dire qu’il était dictateur…

Le lundi 12 septembre 2012, déjà, ce même CNP suspendait tous  les journaux (six au total) considérés comme pro-Gbagbo (selon le jargon local). La cause de cette suspension ? Là aussi, on est partis pour une bonne poilade à faire pâlir d’envie les comiques troupiers les plus doués de ce monde. Même les Zoumana et autre Gohou Michel ne peuvent rivaliser avec le burlesque et le ridicule du CNP. En effet, ces six journaux avaient publié en dernière page des photographies d’anciens ministres du président Koudou Gbagbo avec des légendes mentionnant leurs postes.

Ces gens connaissent-ils vraiment la honte ?

Comment peut-on confier la direction d’un organe comme le CNP à un homme, Raphaël Lakpé, qui par le passé a œuvré au sein d’un organe de presse (Le Patriote) notoirement connu pour ses accointances avec Alassane Dramane Ouattara. De qui se moque-t-on ? Comment un homme comme lui pourrait se montrer impartial dans les traitements des dossiers ?

J’ai déjà écrit ici que je n’attendais rien du régime d’Abidjan. La manière avec laquelle il est arrivé au pouvoir en dit long sur la nature des Hommes qui l’animent. Le zèle qu’il a mis des années durant pour détruire la Côte d’Ivoire est un autre signe pour comprendre que pas grand-chose d’intéressant ne peut en émerger en matière de Liberté. Les Africains ont vraiment à cœur de se battre tous les jours afin d’avoir une information libre qui ne soit soumise à aucune pesanteur que ce soit qui irait jusqu’à imposer la manière de parler, d’écrire et de penser. Ce qu’Abidjan ne cesse de faire subir tous les jours !

 

Obambe GAKOSSO, April 2014©