Congo-Mfoa: le Chemin de la politique de la main tendue
Ah ! le Congo…
Quel pays merveilleux !!!
Je ne parle que rarement de notre budget, de notre PIB, de notre PNB etc. Je commencerai donc ce billet, malgré la rage que j’ai en moi, par ces chiffres qui, je l’espère, donneront à réfléchir.
Il y a deux ans, en avril 2012, à l’AN (Assemblée nationale, Congo-Mfoa), les parlementaires adoptaient le budget exercice 2012. Il était chiffré à 3.935 milliards de XAF (5998868828,29€) contre 3.645 milliards annoncés en janvier 2012. La même année, le PIB* était de 13,68 milliards de $ US (6.506,24904 milliards de XAF, pour 1$ = 475,603 XAF). Quant à notre PNB** 2012, il était de 15,2 milliards de $ US. Les gouvernants congolais sont eux-mêmes les mieux placés pour nous dire ce qu’ils ont fait de notre argent.
On prendra tous les chiffres que l’on veut. On pourra nous chanter que les Fonds vautour nous prennent notre argent chaque jour. On pourra même jouer la belle et rassurante musique du service de la dette (qui en effet grève totalement nos budgets, à nous, Pays appauvris et trop endettés, des PATE, comme un fil à la patte).
Il y a quelques années, on nous disait, selon les chiffres, que le Congo, c’était deux-tiers de forêts. Ou trois-cinquièmes. Ce qui est quand même pas mal et offre beaucoup de bois dont on peut se servir. Or, déjà dans les années quatre-vingt, des enfants s’asseyaient à même le sol dans ce pays, au primaire comme au collège. Cela ne choquait ni Denis Sassou Nguesso (alors déjà en place), aucun Premier ministre (même si pas chef du gouvernement), aucun ministre chargé de la formation des enfants.
Aujourd’hui, il y a :
- Un ministre de l’Enseignement supérieur (Georges Moyen) ;
- Un ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Alphabétisation (Hellot Matson Mampouya) ;
- Un ministre de l’Enseignement technique, professionnel, de la formation qualifiante et de l’emploi (Serge Blaise Zoniaba) ;
- Un ministre des Sports et de l’Éducation physique (eh ! oui… ; Léon Alfred Opimbat) ;
- Un ministre de la Jeunesse et de l’Éducation civique (Anatole Collinet Makosso) ;
- Un ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique (Bruno Jean Richard Itoua) ;
- Un ministre de la Santé et de la Population (François Ibovi).
Voilà le tableau de ceux (et pas celles, zéro femme) qui sont chargés de préparer l’avenir de nos enfants en les formant aussi bien physiquement qu’intellectuellement***.
Malgré donc tout notre argent, malgré autant de ministres, nos politiques de santé, d’éducation et de sports, se résument à recevoir des dons de ceux que nous aimons bien appeler naïvement « nos partenaires ». Parfois nous disons même comme des moutons « nos partenaires en développement »…
Sur TV Congo récemment, j’ai vu des sigles qui ne m’ont pas forcément parlé et je les reprends ici : PCR/UE-ON-DMI/Niari.
PCR, je ne sais pas ce que ça veut dire.
DMI non plus.
UE = Union européenne. Ça, je connais un peu.
Niari = département du Congo, situé au Sud, frontalier du Gabon.
Dans ce département donc, la caméra nous a montré l’école primaire d’une localité appelée Mayitoula. On a vu aussi le collège de Vouka.
A Mayitoula donc, l’UE a fait des dons : alléluia ! Vive la politique de la main tendue.
Á Vouka, il y a eu aussi des dons et la parole a été donnée à un jeune enseignant. Un bénévole. Question à un milliard de ndzimbu : comment peut-on encore utiliser des enseignants bénévoles dans un enclos colonial comme le nôtre alors que le déficit en enseignant est si criard ? Le gouvernement ne répondra jamais à cette question comme il n’y a jamais répondu. Cet enseignant nous dira donc qu’il y a six autres enseignants dans ce collège. Question à cent milliards de ndzimbu : comment un collège au Congo peut tourner avec sept enseignants seulement? Au vingt-et-unième siècle… Cela relève de la magie. Et il y a deux fonctionnaires pour cinq bénévoles. Le mot est clair : un bénévole n’est pas payé. Ce jeune enseignant donc nous apprendra que lui et ses collègues et camarades de lutte sont à la charge des parents d’élèves. Question à un milliard de ndzimbu : qu’ont donc fait les Africains pour que ceux qui se disent nos dirigeants puissent les traiter avec autant de mépris ? Ces bénévoles le seront jusques à quand ?
Dans une de ces écoles, on peut voir qu’il n’y a même pas de plafond, juste de la toiture soutenue par de la charpente. Á celles et ceux qui ne sont jamais demeurés une heure dans un tel environnement sous un cagnard, je vous invite à tenter l’expérience au moins une fois. Vous nous en direz des nouvelles !
Á la télé, on voit de drôles d’oiseaux. Il y avait un certain Francy Ibouanga-B (c’est comme ça qu’on a écrit son nom). Il est vice-Président du Conseil département du Niari. En excellent adepte de la Secte de la main tendue (SMT), monsieur a dit du bien de l’UE. Il prendra contact avec FORALAC. Afin que ces derniers les aident pour équiper les écoles en tables-bancs. Pour info, FORALAC est une entreprise d’exploitation de bois et dans ce merveilleux reportage, on a pu voir des billes d bois abandonnées en pleine nature, dit-on par cette entreprise. Naturellement, et le journaliste et cet homme ont conclu que FORALAC pourrait suppléer l’État dans sa mission régalienne en équipant les écoles du coin.
Les Africains ont-ils conscience de l’abîme dans lequel nous sommes enfoncés ?
Notre enseignant bénévole l’a dit : les bureaux ne sont pas équipés, les enfants s’assoient à même le sol. Ça passe à la TV et pas grand-monde n’en est ému, tandis que les quatre-quatre sont toujours achetés avec la même fringale, comme dans une course de bêtise où chacun voudra avoir la plus grosse et la plus belle.
Dernier élément de ce reportage, il y avait le CSI de Ndende. CSI pour Centre de soins intégrés. Là, un Vieux monsieur, habillé comme un ancien combattant est venu remercier l’UE car depuis dix-sept ans, il n’y avait rien dans le coin pour soigner les gens. Dix-sept ans, c’est à peu près la fin de la guerre et le journaliste d’embrayer en expliquant que le département du Niari a tant subi durant la Guerre de 1997. J’aimerais ajouter comme le Pool. Comme Mfoa. Pourtant, est-ce une raison pour laisser les gens à l’abandon autant d’années et attendre que l’UE arrive avec sa légendaire et désintéressée (bien entendu !) générosité, pour venir régler nos problèmes?
Nos dirigeants, ou ceux qui se prétendent tels, ne connaissent vraiment pas la honte. Ce n’est pas possible, tout simplement, de donner la priorité à un mausolée à la gloire d’un colon (dix milliards de francs coloniaux au bas mot) et laisser les populations dépérir ainsi.
Une honte !
Sur la photo, on voit le ministre Mampouya, dans une école, avec les cadeaux offerts par les habitants de la localité: je me demande si ses enfants étudient dans de telles conditions…
Dans ce reportage, il fallait voir comment étaient habillés les gens : un haut tout blanc avec à droite, un drapeau de l’UE et à gauche, un drapeau du Congo. Ils étaient fiers. Ils étaient heureux. J’ai revu des images de l’époque coloniale. La seule différence est la couleur : on est passé du noir et blanc à la couleur. Pour le reste, il y avait monsieur le Tubab, debout, devant micros et caméras en train d’expliquer. Ah ! oui, il y a une autre différence : ce dernier n’avait pas de casque colonial, comme à l’époque…
Obambe GAKOSSO, April 2014©
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* : Produit intérieur brut. Bien qu’il ne représente que de façon très imprécise la réalité, il est souvent utilisé pour calculer la richesse (matérielle, je précise) produite par un pays.
** : Produit national brut. C’est la production annuelle de richesses (matérielles) d’un pays. Il est souvent confondu au PIB. Aussi, certains pays l’ont abandonné.
*** : Le but n’est pas d’en faire des intellectuels, soyons clairs là-dessus.