Ce lundi on ne rit pas, on pense à Raphaël Elizé
Nous allons rompre avec notre tradition d’humour des lundis sur ce blog.
Et, une fois n’est pas coutume non plus, je ferai un peu de promo pour une chaîne de TV. En effet, ce lundi soir (23h50 »), la chaîne française France3 diffusera un documentaire intitulé Le métis de la République (réalisation de Philippe Baron).
Ce métis dont il est question est Raphaël Élizé. Cet homme est né le 04 février 1891 au Lamentin en Martinique. Le 08 mai 1902, la montagne Pelée se fâche et se met à cracher sa colère avec des laves qui feront des dégâts tels qu’on en parle encore de nos jours. La ville de Saint-Pierre est détruite. Elle est à l’époque la préfecture de la Martinique : 30.000 personnes succombent aux laves brûlantes. Augustin, père de Raphaël a senti les choses avant la majorité des habitants de cette ville et il l’a éloignée avant que le drame ne se produise.
Augustin est fonctionnaire et se retrouve muté à Paris. Raphaël a alors 11 ans. Au primaire comme au lycée (Buffon, actuel arrondissement 15 de Paris), Raphaël est le seul Noir sur les photos de classe. Inutile de dire combien le petit garçon y subit le racisme. Et comme les Noirs ne sont pas citoyens de la République, mais juste des sujets (la royauté était abolie, non ?), il en vit des affres, le gosse. Pourtant, contre tous ces préjugés et autres stéréotypes, dans la famille Élizé on croit très fort à la « France civilisatrice » et on est très intégrationniste. On croit aux mots inscrits dans la devis de la République, surtout au mot « Égalité ». En 1910, Raphaël décroche son bac, comme 1% de la jeunesse de cette époque. Il fait des études de vétérinaire (Lyon) où il obtiendra son diplôme.
14-18, l’Occident ouvre une nouvelle page sanglante de son histoire et tient à y entraîner le reste de la planète. Malgré les bombes, Raphaël Élizé soigne les chevaux.
Je fais un grand saut pour retrouver notre gaillard dans la Sarthe où il devient maire de la ville de Sablé-sur-Sarthe (élu en 1929, réélu en 1935). « Homme de couleur »… comme on disait à cette époque et comme certains indécrottables disent encore de nos jours. Il est le premier Noir à diriger une ville hexagonale. Son courage et sa témérité le pousseront à braver les nazis. Il fracasse un portrait de Philippe Pétain, maréchal de France en 1939, alors qu’avec son grade de capitaine il est démobilisé. Un Noir maire, c’est déjà beaucoup. Mais en plus, qui ose défier les Aryens… Les nazis mettent la pression sur le préfet qui finit par le limoger et, ironie de l’histoire et bêtise supplémentaire (suprême ?) de ses ennemis, la piscine que lui, Raphaël Élizé avait fait bâtir (la première du Grand Ouest français) est interdite aux Noirs…
La littérature existe sur ce grand homme qui au contraire de son compatriote Aimé Césaire, n’était pas un anticolonialiste.
D’une manière ou d’une autre, peu importe le chemin choisi, nous, enfants de Kama, en payons le prix.
Le prix du sang.
Le prix de la Liberté.
Regardez ce document (que je n’ai pas encore vu moi-même). Je ne sais pas s’il sera fidèle à la vie extraordinaire de cet homme. Mais il est bon que nos enfants aient une autre image de nos devanciers, au-delà de ce que l’école de Jules Ferry et les écoles des sociétés néocoloniales, écoles qui nous ont nous-mêmes formatés dans la haine de nous-mêmes…
Bonne visualisation, bonne semaine.
Obambe GAKOSSO, March 2014©