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19 mars 2014

Majhemout Diop, une vie utile

Classé dans : Lectures,Ligue Panafricaine - UMOJA — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 0 h 03 min

Lire ce livre a été un véritable régal. Combien de fois ne reprochons-nous pas à nos leaders politiques de ne pas (assez) témoigner ? Notamment par écrit. C’est donc avec plaisir que j’ai avalé cet ouvrage riche d’enseignements, d’un des dinosaures de la classe politique sénégalaise et sous-régionale.

MD1

Majhemout Diop, né le 30 septembre 1922 dans la ville de St-Louis (alors commune française) a jalonné la vie politique de notre continent plus de cinquante ans durant. Il a eu, jusqu’à sa mort, en janvier 2007, à 84 ans. De la fondation de son parti politique, le PAI (Parti africain de l’indépendance) en 1957 et jusqu’à son dernier souffle, il n’a pas varié d’un iota concernant ses convictions politiques, qu’il n’a cessé de décliner, de clamer dans cet ouvrage de plus de 307 pages, paru en juillet 2007 chez Présence Africaine (19 €), intitulé Mémoires de luttes. Textes pour servir à l’histoire du Parti Africain de l’Indépendance*. Il y rappelle ses engagements socialistes (et non pas communiste, il y tient). Il parle e panégrisme. De Panafricanisme.

Dans sa conception des choses, construire seul le Sénégal n’aurait rimé à rien si ce n’est pas l’Afrique, in fine, qu’il faudra libérer un jour. Ce n’est pas pour rien qu’il cite Kwame Nkrumah.

Ahmed Sekou Touré ? Il en parle un peu, dans un entretien avec un organe de presse en évoquant leurs camarades présents en Guinée qui, après avoir servi dans le jeune État, auront maille à partir avec le régime en place et plieront bagages…

Léopold Sedar Senghor ? Ils n’étaient pas amis et ça on peut aisément le deviner sans lire le livre et même si on n’a jamais entendu parler de M. Diop lui était vraiment. Il a tellement combattu le « poète-président » que ce dernier l’obligera (ainsi que d’autres camarades) à s’exiler. Il fera même de la prison.

Abdou Diouf ? Leurs engagements « socialistes » les rapprocheront et à l’occasion d’une présidentielle, le PAI de M. Diop soutiendra même la candidature de Diouf. Sans exiger le moindre poste politique en retour.

Même si M. Diop sera un jour sénateur, on voit que le long de son parcours, ce pharmacien de formation n’a jamais été un carriériste, à la recherche du moindre poste ou un assoiffé d’argent prêt à manger à n’importe quel râtelier.

En cette période de Salon du livre, voici un ouvrage qui fera du bien à certains cerveaux en mal de vision politique, prêts à se prostituer au premier venu et à jeter dans les orties le peu de conscience politique qu’ils ont (eurent…)

MD

Au sujet du principe de l’intangibilité des frontières africaines, héritées de la Conférence de Berlin :

Parti panafricaniste, le PAI se bat pour des entités toujours plus grandes. Dès sa naissance, en 1957, le PAI s’est ainsi constitué sur une base fédérale dépassant même les grands ensembles d’AOF et d’AEF.

Bien sûr, sur le plan des principes, nous sommes pour la libre disposition des peuples. Mais comme on dit souvent, « le droit au divorce ne signifie pas l’obligation au divorce ».

Si nous sommes prêts à former une entité casamançaise restructurée selon les vœux des populations, nous ne saurions la concevoir en dehors d’un ensemble plus vaste qui n’est à l’heure actuelle que le Sénégal. (…) Depuis lors [1989], nous ne cessons de préconiser la recherche de solutions originales à l’exemple des USA ou de la Suisse.

Tout le monde reprend les thèses que nous défendons depuis 35 ans.

Sur le problème également, nous constatons qu’on est venu à nos propositions. Si on les avait écoutées, on aurait gagné du temps utile.

Conçu au départ comme un parti de type fédéral, le PAI ne peut que se réjouir du rétablissement des relations avec la Mauritanie. Des relations de bon voisinage doivent régir nos États. S’agissant du principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, nous pensons que l’OUA a commis une grave erreur en parlant de ces frontières artificiellement tracées par les colons pour leurs propres intérêts géostratégiques en coupant les peuples et les nations en plusieurs lambeaux. Il y a deux manières de toucher aux frontières.

L’OUA aurait dû parler de l’intangibilité tant qu’il y avait risque de démembrer un territoire. Mais il y a la question du remembrement, de la reconstitution quand il faut recréer les ethnies, les ensembles historiques, les grands ensembles… Ne touchons donc pas aux frontières, s’il y a un risque de minorer un État qui a le mérite d’exister. Mais il faut oser, pour construire, casser pour majorer, casser pour créer de grands ensembles.

Il faut maintenir et renforcer les relations fraternelles entre les peuples d’Afrique, œuvrer dans le sens de la reconstruction de grands ensembles viables, aux plans économique, culturel et politique.

Au sujet de la mort du communisme, suite à la chute du Mur de Berlin :

Le communisme, c’est la phase suprême du socialisme. Selon Marx qui a posé le pilier fondamental de la doctrine qui porte son nom, le reste doit être élaboré par des générations à venir. Nous avons le devoir d’approfondir sa doctrine. Le vieux rêve de l’humanité d’une société de justice, de liberté, d’égalité est toujours valable.

C’est le fondement du socialisme, c’est la lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme. C’est le contraire du dogmatisme même si dans notre évolution, nous avons eu nous-mêmes à être dogmatique et à copier certaines théories, à commettre certaines erreurs. Le communisme n’est pas mort puisqu’il n’a jamais existé nulle part, puisque aucun régime n’avait atteint ce stade, cette phase ultime. C’est le socialisme bureaucratique, qui était au pouvoir en URSS et dans les pays de l’Est en général, qui s’est écroulé, le socialisme lui, n’est pas mort, sinon il n’y aurait plus de partis socialistes actuellement au pouvoir.

Ce qui s’est effondré donc, c’est une déviation du socialisme, il ne faut donc pas tirer de conclusion hâtive. Nous sommes encore à la préhistoire de l’idéologie socialiste. Les régimes qui s’en réclamaient n’ont eu, nulle part, 100 ans d’existence, alors que le capitalisme est vieux de plusieurs siècles.

Quant au socialisme scientifique, il reste à déterminer ce qu’il était des faits. La social-démocratie ou le communisme ? C’est une question qu’on peut poser à l’heure actuelle ?

Enfin, tous ces problèmes n’ont qu’une importance relative à l’heure actuelle.

Le propre de la démarche scientifique, c’est de résoudre les problèmes d’actualité. Maintenant, un militant scientifique ne se pose plus la question de savoir quel est le meilleur système entre le capitalisme et le socialisme…

Nous cherchons à assurer la liberté, la justice et le développement dans nos pays.

La voie est devenue étroite dans cette ère post-gorbatchévienne. Mais il faut avancer sûrement en faisant encore une fois de plus, de la pratique, le critère suprême.

 

Obambe GAKOSSO, March 2014©

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*: Préface d’Abdoulaye Wade, alors président de la République du Sénégal et cousin de l’auteur.

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