Le Nigeria et ses fous des dieux: à quoi jouent les présidents?
Avec des pays comme le Nigeria, on a l’impression d’avoir des dirigeants fédéraux qui ont un discours à une et mille géométries, que l’on a du mal à suivre. Les années ont beau passé, on va dire sur les deux dernières décennies, ce sentiment que j’ai va grandissant.
On se souvient tous et toutes de cet homme, Sani Abacha (1943-1998), arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État en 1993, lorsque les officiers supérieurs du Nigeria décidèrent de voler la victoire du milliardaire et homme d’affaires Moshood Abiola (1937-1998). Quand, dans les années 90, la Sierra Leone et le Liberia vont se retrouver sous les tirs nourris de rébellions, de guerres et autres putschs, le Nigeria n’hésitera pas à donner de la troupe pour aller y remettre de l’ordre. Le président Ibrahima Babangida (1941-), celui qui avait mis fin au processus électoral en 1993 sera le premier à envoyer des soldats et Abacha suivra la même logique, montrant une vraie fermeté et une réelle solidarité avec le peuple de Sierra Leone, jusqu’au retour au pouvoir (10 mars 1998)au pouvoir du président élu (en 1996) Ahmad Tejan Kabbah (1932-) qui avait été contraint à l’exil le 25 mai 1997. Ce même Abacha pourtant fera preuve d’une férocité terrible envers l’opposition nigeriane et des activistes. Nous avons tous en mémoire comment le brillant auteur Ken Saro Wiwa sera pendu le 10 novembre 1995, à presque 54 ans, pour avoir défendu les droits du peuple Ogoni (le sien) notamment en matière d’environnement avec les dégâts causés par l’exploitation pétrolière.
Le président Olusegun Obasandjo (1937-) est élu président du Nigeria en 1999 après la triste parenthèse de ses frères d’armes généraux (qui d’ailleurs l’avaient mis en prison en 1995) durant son mandat, il sera loué et applaudi à travers le continent. Pourquoi ? Parce qu’on l’a trouvé rigoureux ; parce qu’aux termes de ses deux mandats successifs, en 2003, il s’en est allé sans demander son reste. Ce même homme, en 1970, en tant qu’officier et responsable de la troisième division des Commandos de Marine, il prend la reddition des Biafrais qui avaient embrasé le pays, encouragé par la France, la Côte d’Ivoire et le Gabon, afin que le Nigeria soit charcuté. Malgré tous ces brillants états de service, cet homme se montrera d’une faiblesse incroyable quand dans le Nord de son pays, douze États mettront en place la sharia comme source du droit (1999). Et, que je me souvienne, jusqu’à la fin de son deuxième mandat, il ne fera rien pour protéger les populations du Nord contre cette loi stupide et criminelle.
Le président Umaru Yar’Adua (1951-2010), le successeur d’Obasandjo à la tête de la fédération du Nigeria sera réputé aussi très intègre et très probe. A sa mort (encore président), il sera loué et célébré par tous et par toutes aussi bien au Nigeria que dans le reste de l’Afrique. Lui non plus, hélas ! ne fera rien pour freiner les fous d’Allah qui coupent des mains dans le Nord du Nigeria, qui massacrent allègrement les populations qui ne sont point de leur obédience religieuse.
A la mort du précédent, c’est Goodluck Jonathan, en temps que vice-Président qui aura la charge de conduire les destinées de ce géant aux pieds d’argile. Lui non plus ne semble pas prendre conscience de la menace qui pèse dans le Nord de son pays. En le lisant, en l’entendant, on a l’impression même qu’il ne s’y passe rien du tout. L’armée fédérale nigeriane est pourtant là et bien là, mais on a l’impression qu’elle a du mal à mettre fin aux horreurs commises par Boko Haram, ce mouvement se réclamant du coran et qui fait tant de mal aux Africains au Nigeria et au Cameroun. Selon le site afrik.com, le personnel de santé dans le Nord du Nigeria a pris la poudre d’escampette. Musa Babakura, un chirurgien du Centre hospitalier universitaire de Maiduguri , la capitale de l’État, et fief des islamistes dit que dans l’État de Borno, plus aucun soin n’est délivré. Pour lui, c’est une crise sanitaire en expansion.
Comment peut-on laisser ainsi les choses se dérouler ? Quand est-ce que les autorités fédérales prendront la mesure de la chose ? Il est plus qu’évident que demain, quand Boko Haram aura anéanti et le Nigeria et le Cameroun, ses deux terres de prédilection, ce mouvement ira bien plus loin que ça et s’attaquera, en toute logique, à d’autres enclos coloniaux de notre continent.
Au prix de combien de morts ?
Au prix de combien d’éclopés ?
Quel intérêt peut avoir Jonathan à laisser perdurer de telles horreurs ? Et Yar’Adua ? Et Obasandjo ? Je ne sais pas trop, j’ai du mal à comprendre. Á les comprendre. Il y a des moments où pour acheter la paix sociale, certains leaders politiques et responsables administratifs laissent une sorte de désordre s’installer. Ok ! Mais quand autant de personnes sont massacrées, mutilées et qu’on les laisse faire, qu’en dire ?
Il y en qui pensent souvent que la religion du président peut être un élément déterminant dans le comportement de ce dernier vis-à-vis des fous de leurs dieux. Ok ! Je veux bien, mais admettons que ce soit plausible pour Yar’Adua, que dire alors de Jonathan qui est baptiste ? Et d’Obsandjo qui est anabaptiste ?
J’ai tendance à penser que c’est plus la lâcheté qu’autre chose. Mais même là, je trouve ça un peu court…
Qui saura, pourra, voudra bien leur dire qu’il est question de notre vie, de notre survie, à nous tous et toutes, Africains ?
Obambe GAKOSSO, March 2014©