Le 6 mars, on devait planter des arbres…
Dans les années quatre-vingt, quand Denis Sassou Nguesso (DSN) présidait aux destinées de la République populaire du Congo (RPC), il avait instauré une journée nationale de l’arbre. C’était le six mars de chaque année.
Dans les années quatre-vingt-dix, on était passé du 6 mars au 6 novembre de chaque année. Entre temps, la RPC est morte, le « P » de Populaire a sauté et disparu. Le Congo est devenu République du Congo avant, en 1997, d’accoler sans la moindre vergogne le nom du colon français d’origine italienne, prétendument fondateur de notre ville-capitale.
J’ai eu une pensée pour ces journées où l’on voyait à la TV congolaise DSN entouré de ses amis et autres collaborateurs, en train de planter un arbre. Je ne sais pas ce que sont devenus tous ces arbres plantés par DSN, mais là aussi j’ai tendance à penser que nous sommes souvent très doués pour tout ce qui est cosmétique. Dès qu’il est question de façades, nous sommes des surdoués et faisons très fort.
Les images sont là, filmées par des caméras aux ordres qui nous montrent nos chefs, dans des instants en même temps solennels et ludiques en même temps. Quand on se promène dans nos deux plus grandes villes, on a envie de se poser cette question : est-on vraiment en Afrique ? Est-on vraiment sur ce continent à la végétation luxuriante ? Sillonne-t-on vraiment un territoire où il pleut neuf mois sur douze et où on n’a pas toujours besoin d’arroser le sol pour que les graines semées ou tombées par accident nous donnent les légumes attendus ou les fruits espérés ?
En 1991, au sortir de la Conférence nationale souveraine (CNS), un certain Gabriel Obongui, 62 ans, fut nommé administrateur-maire de la capitale politique, Mfoa. Parmi les premières décisions prises – si ce n’est la première – il avait été question d’abattre beaucoup d’arbres que l’on trouvait le long de certaines avenues. Surtout le long de l’avenue des Trois Martyrs et du boulevard des Armées*.
J’ai encore en mémoire ces frères et ces sœurs qui, étudiant au Lycée technique du premier mai et qui n’avaient pas de quoi se payer le bus et qui habitaient soit Moungali, Ouenze et Talangaï (arrondissements 4, 5 et 6) et qui marchaient là, pour aller suivre leurs cours de l’après-midi ou qui après avoir suivi leurs cours de la matinée, rentraient chez eux. Ils se croisaient là, sur cette longue voie et, sous le cagnard que nous connaissons très bien, certains faisaient une pause à l’ombre d’un arbre.
Nos beaux arbres qui seront abattus en 1991.
Au collège déjà les profs nous alertaient sur les conséquences des déforestations et des arrachages sauvages des arbres avec deux conséquences essentielles : l’érosion et le désert. On nous passait même des chansons à la TV qui disaient « Attention, le désert avance ! » Ce désert est déjà au Nord de l’Afrique centrale. Mais au Gabon, dans les deux Congo (pour ne citer que ces trois enclos coloniaux), on ne semble pas en prendre la mesure. Quant à l’érosion, c’est devenu plus que monnaie courante avec des pans entiers de nos quartiers qui se retrouvent concernés par ce phénomène géologique. Des maisons tombent comme des châteaux de cartes. Comme si elles n’avaient jamais existé ! Point !
Tout ça pourquoi ? Parce que nous faisons semblant d’organiser des « journées de l’arbre » qui en réalité sont encore de belles occasions de montrer les chefs à la TV et de gaspiller l’argent du contribuable. Comment peut-on expliquer que dans nos deux plus grandes villes, il n’y ait même pas un parc public, un jardin public alors que nous avons pour cela ?
Est-ce l’espace qui manque ? Non !
Est-ce l’expertise en la matière qui manque ? Non !
Aussi curieux que cela puise paraître, quand on pénètre dans les antres de nombre de nos grosses légumes, on y voit des fleurs à foison, des arbustes très beaux parfois. Encore une preuve que ces gens savent très bien ce qu’ils font et ils ne pourront plus plaider le kozanga koyeba (l’ignorance), à ce stade !
Le fameux réchauffement climatique dont nous nous plaignons, nous avons intérêt à nous battre pour le limiter, à défaut d’en inverser la tendance. Le phénomène est mondial et nous savons tous et toutes à quel point les pays industrialisés ont une énorme part de responsabilité là-dessus. Moins nous aurons d’arbre et moins nous pourrons avoir de l’air frais, de l’air de qualité, en nos contrées.
Je ne vais pas faire un court de botanique ici, avec tous les avantages d’avoir de la verdure en bonne quantité et de qualité, on les connait bien et même très bien. Tiens ! en parlant de qualité, je me souviens encore de cette campagne concernant la mise en terre des eucalyptus. En ce temps-là, je n’y connaissais rien (et d’ailleurs, j’en apprends encore tous les jours en plantes). Quelle ne fut pas ma surprise, un jour, d’apprendre que ces arbres étaient nocifs pour l’écosystème. La littérature abonde en ce sens et je ne peux qu’inviter tout le monde soit à s’y pencher ou à se rapprocher de ceux et celles qui connaissent pour s’en assurer.
Qui, en ce temps-là, avait cette idée stupide de nous en planter ?
Comme nous aimons à recommencer les mêmes âneries, le 21 février 2014 dernier, il a été planté 14 280 eucalyptus ont été sur un terrain de 10 hectares, à Bambou Mingali (45 Km de Mfoa). Et ils ont osé appelé ça, « Campagne de plantation des institutions ».
Prière de ne pas rire…
Obambe GAKOSSO, March 2014©
___________________________________________
* : Il s’appelle désormais boulevard Alfred Raoul