Limogeage du Gouverneur de la Central Bank of Nigeria: mauvais signe de la part de Goodluck Jonathan?
En mars 2013 dernier, j’avais commis un billet au sujet d’une sortie monumentale et très salutaire du gouverneur de la Central Bank of Nigeria, Lamido Sanusi. Je reviens souvent dans cet espace sur les questions monétaires au sujet de notre continent. Pour être précis, au sujet de LA question monétaire.
Battre monnaie fait partie des attributs de la souveraineté d’un pays, d’un État, d’une nation. Les anciennes colonies anglaises, du continent (dont le Nigeria), ont leurs propres banques centrales et elles décident de leur politique monétaire sans en référer à London, Dublin, Cardiff, Edimbourg ou Washington. Dans les anciennes colonies françaises du continent, on a délibérément refusé le progrès se prosternent chaque jour vers Paris, font des génuflexions pour parler de leur monnaie. C’est ce fameux franc CFA, franc des Colonies françaises d’Afrique, que nous utilisons depuis 70 ans.
Au Nigeria, on ne connaît pas ça. On ne sait plus ce que c’est, ce genre d’attitudes d’arrière-garde. Dans le cadre de la structure supranational sur notre continent, que les Panafricanistes appellent de leurs vœux, dont nous rêvons tous les jours, aura un jour une Banque centrale et que nous battrons soit notre monnaie unique, soit notre monnaie commune.
Nos économistes, et nous n’en manquons pas, travaillent sur la question et ils continueront à le faire, afin que le nazisme monétaire cesse.
Cependant, il sied de rappeler sans cesse qu’il ne suffit pas d’atteindre un objectif pour que croire que tout est gagné et que tout est acquis de façon définitive. L’actualité très récente nous le prouve, en provenance du Nigeria avec le limogeage Lamido Sanusi, trois mois avant la fin de son mandat, quand bien même ce dernier n’en sollicitait pas un nouveau.
Il faut vraiment qu’il se passe quelque chose de pas très net derrière ce limogeage car selon Nasir El-Rufai (ancien ministre, membre de l’opposition), à son retour du Niger, Lamido Sanusi a vu son passeport confisqué par des agents des services de renseignements, à l’aéroport de Lagos (ex-capitale fédérale du Nigeria). Les choses vont tellement vite que la Nigerian Central Bank a déjà un nouveau patron, en la personne de Godwin Emefiele, patron de la Zenith Bank.
Le hasard n’existe pas et même s’il venait frapper à ma porte, je lui dirais que je ne crois pas en lui. Lamido Sanusi n’a pas été limogé pour le plaisir car c’est même une question de principe: on ne limoge pas un cadre de ce niveau trois mois avant qu’il ne rende son tablier. D’autant que sa compétence est unanimement reconnue, même s’il faut rappeler que le président de la République fédérale du Nigeria est libre de choisir les hommes avec qui il souhaite travailler. Or, l’an prochain, le Nigeria dont le président a un mandat de 4 ans, renouvelable une seule fois, donne rendez-vous à ses électeurs afin que ces derniers se choisissent un nouveau président. C’est le moment qui a été choisi par Lamido Sanusi pour dénoncer la corruption dans le milieu du pétrole de son pays. Le pétrole qui n’est autre que la principale source de revenus de ce grand pays (plus de 900.000 kilomètres carrés pour plus de 170.000.000 d’habitants).
Inutile de rappeler que comme tous les pays de notre continent, les enfants du Nigeria, dans leur immense majorité, ne bénéficient en rien de cette ressource, si ce n’est quelques miettes que les faux propriétaires veulent bien leur laisser de temps en temps. Et encore…
Pour justifier ce limogeage, Reuben Abati (porte-parole de la présidence de la République fédérale) a dit Son mandat a été caractérisé par diverses imprudences financières, incompatibles avec la vision du gouvernement d’une banque centrale tournée vers une direction sensée de l’économie. C’est-à-dire?
En décembre 2013, Lamido Sanusi avait mis sur la place publique un rapport démontrant que 49.000.000.000 $ US de recettes pétrolières avaient pris une direction inconnue. Pour rappel, le salaire moyen au Nigeria est 119 $/mois* et au 31 décembre 2011, la dette extérieure du Nigeria était évaluée à 12,06 milliards de $ US**.
En toile de fond, avant tout homme politique et avant toute femme publique, il y a la NNPC (Nigeria National Petroleum Corporation) qui est un État dans un État. Il y a des pays comme cela où certaines structures dites publiques sont des chasses gardées et même quand il y a un ministre de tutelle, les comptes en réalité ne sont rendus qu’au président du pays et à clan que ce dernier crée ou que ses maîtres qui le placent aux affaires ont créé avant que lui n’arrive. Et au Nigeria, depuis longtemps, c’est un fait et les choses se passent ainsi. Si Lamido Sanusi s’était tu à ce sujet, gageons qu’il aurait terminé son mandat tranquillement. N’a-t-il pas déclaré Dans la plupart des pays riches en pétrole, il est facile pour les élites de faire beaucoup d’argent sans avoir à penser ou à travailler. Et quand la gouvernance est faible, la corruption se développe. Le pétrole est une richesse qui peut apporter transformation, croissance et développement. Mal utilisé, il n’apporte qu’inégalité et insécurité sociale.
La suite promet sans doute d’être très croustillante car contrairement à ce que l’on pourrait imaginer dans certaines contrées de la franco-faunie (d’Europe comme chez nous), pour que le licenciement de Lamido Sanusi soit effectif, il faudrait que les deux-tiers de l’Assemblée nationale soutiennent cette décision.
Dans tous les cas, le président Goodluck Ebele Jonathan prouve par ce geste, encore une fois, que les masses africaines ont intérêt à s’intéresser de plus près à ces machins appelés ressources naturelles car c’est un vaste enfumage, une énorme fumisterie que de nous dire tous les jours que nous sommes riches, que nous avons du diamant, du cobalt, du coltan etc. alors qu’il n’y a même 0,001% de nos populations qui en voient les retombées dans leurs quotidiens.
Obambe GAKOSSO
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*: Source, ici.
**: Source, ici.