« Bakoumba est bon, Bakoumba est doux! », disait Emma Ikabanga

Malumbi!

C‘était un de ses mots préférés, en ndzebi, sa langue maternelle.

Ah! comme je me souviens encore de ce premier mail reçu du frère Bruno Ossebi, il y a quelques années…

Il avait lu mon blog et avait pris l’habitude de m’écrire: erreur, faute, avis, etc. il m’écrivait pour me faire part de son ressenti. Il me disait apprécier énormément mon blog car nous étions lui et moi dans le même bateau. Hélas! nos échanges ne dureront pas longtemps car il passera de vie à trépas alors qu’un jour j’attendais un mail de sa part.

Jamais je n’ai serré la main de B. Ossebi. Jamais nous n’avions causé au téléphone. Tout par mail. Sa mort a jeté un froid dans le milieu de l’opposition congolaise, avec toutes les spéculations que l’on a pu lire et entendre…

C‘est mon blog qui me l’avait fait connaitre, ce gars courageux, qui avait osé braver la bête alors qu’il vivait dans son antre même!

C‘est aussi le Net qui me fera connaître Emma Ikabanga.

Vous aurez beau chercher, chères lectrices et chers lecteurs de ce petit espace, mais vous ne trouverez aucun billet qui lui a été consacré. Celui-ci est le premier. Vous ne trouverez aucune image d’elle, mises à part celles que je mets ce dimanche.

Emma Ikabanga est une fille de Bakoumba. Vous ne connaissez pas? Moi, c’est juste ma passion viscérale de la géographie qui m’a fait connaitre cette petite localité, de loin, car je n’y ai jamais mis les pieds.

Emma Ikabanga fait partie de ces gens qui ont clamé haut et fort leur amour pour leur terre. Alors que nous en connaissons qui, même après juste un séjour d’une semaine à Paris, London ou Roma, dès qu’ils rentrent sur le continent, en parlent tellement bruyamment que toute la ville est au courant. Emma Ikabanga elle, parlait de Bakoumba. Combien de fois ne l’ai-je pas lu écrire « Bakoumba est doux, Bakoumba est bon! »? L’Europe? C’était terminé pour elle et elle sentait très bien au pays, là-bas!

Emma Ikabanga avait vécu en France où elle avait commencé sa scolarité. Je rigole encore en pensant à la manière dont elle me narrait les roustes qu’elle filait à ses camarades d’école, quand ils se montraient racistes envers elle: Emma Ikabanga ne se laissait pas faire. Elle fait partie de cette race..

Vous aurez remarqué que j’ai parlé et que je parle d’Emma Ikabanga au passé comme au présent.

Oui, hélas!

Oui, hélas!

Et encore oui, hélas!

Le 7 février 2014, elle a quitté notre monde, elle, née à peine en 1974. Son coeur s’est arrêté de battre le même jour que Cheikh Anta Diop, un homme qu’elle admirait tant et qu’elle avait lu. 28 ans jour pour jour après…

Oui, elle lisait car contrairement à d’aitres guerriers du Web, elle ne se permettait pas de citer un grand homme ou d’en parler sans l’avoir lu au préalable.

Emma Ikabanga m’a dit un jour qu’elle était la fille de Thomas Sankara. J’aime encore cette manière qu’elle a eu de m’en parler: « 4 ans mon frère! En 4 ans il a changé les choses, les mentalités! Donc, nous pouvons le faire!!! ». Vous voyez la détermination? Oui, car Emma Ikabanga ne se décourageait pas. Jamais.

Si la politique est un champ essentiel pour changer les choses, comme son papa Sankara, j’avais demandé à Emma comment elle faisait au Gabon avec nos filles et nos jeunes soeurs. Calmement, patiemment, mais avec détermination, elle m’a expliqué qu’elle les aidait et les accompagnait dans la mesure du possible, en fonction de ses moyens et que les résultats étaient là: certes maigres, mais il y en avait.

Emma Ikabanga était une maman et une grande soeur pour nombre de ses frères et fils sur FB. Deux qui se battent, qui se tuent, qui s’étripent? En grande sage qu’elle était, elle ne prenait pas partie mais faisait tout pour ramener la sérénité parmi eux car elle savait au fond d’elle que l’un des plus grands drames de notre peuple est cette permanente division qui nous pousse à nous haïr et à combattre sans cesse les nôtres alors que notre éducation ancestrale même l’interdit!

Un leader africain meurt et se fait insulter? Emma Ikabanga ne trouvera jamais le temps de se joindre aux loups pour hurler. Combien, mais combien j’ai aimé cet échange que j’ai eu avec elle suite au décès de Madiba Mandela!!! Des échanges comme on aimerait en avoir plus souvent.

Un jour, elle m’a combien grâce à FB elle avait appris sur sa nature Kamit. Là, on peut le dire, elle y est allée à fond et déjà, je sentais dans ses propos combien elle relativisait la mort. Les grands hommes que nous avons perdus? « Ils vivent à travers nous… » disait-elle…

Dès que je lui parlais d’un livre, elle prenait les références pour le commander car elle avait compris que la connaissance et le savoir sont des armes essentielles dans le combat de désaliénation que nous avons à mener.

Emma Ikabanga, on peut dire de toi que tu n’as pas vécu inutilement!

Ces derniers temps, tu nous disais, Emma, Je serai bientôt parmi vous, de retour!

Je suis sûr que nos ancêtres te réserveront l’accueil que tu mérites car tu as aimé ton continent, comme il fallait l’aimer et non pas comme ceux qui aiment Kama mais sans les Kamit.

 

Obambe GAKOSSO, February 2014©