Le pouvoir au peuple, le pouvoir à celui qui paie
Il s’est produit jeudi 23 janvier 2014, hier, un événement assez banal en Occident, à savoir, la démission d’un dirigeant. Oui, c’est tellement monnaie courante que ça ne fait généralement pas l’effet d’un coup de tonnerre, sauf quand on ne s’y attend pas. L’Occident n’a pas, il faut le dire, l’apanage de ce genre d’acte.

Massonkolon (Mali, source: http://tapama.over-blog.com/article-mission-a-massonkolon-104801790.html)
Mais ce qui est intéressant, c’est d’essayer de rappeler le contexte dans lequel les choses se sont passées et in fine, rappeler encore une fois que quand le peuple est souverain – réellement – les abus connaissent des limites et l’on finit par passer à la trappe. Fatalement.
L‘homme qui a démissionné s’appelle Sandro Rosell. De son nom complet Alexandre Rosell i Feliu, 49 ans le 06 mars prochain, chef d’entreprise et diplômé de l’ESADE (une école d’administration des entreprises, en Catalogne). Il était jusque là plus connu comme président de l’un des deux clubs de foot phares d’Espagne, le FC Barcelona, poste occupé depuis le 01 juillet 2010. En mai 2013, au nez et à la barbe de l’ennemi juré, le Real Madrid, Rosell réussit à faire signer la star montante brésilienne Neymar (21 ans à ce moment-là). Or, récemment, un socio du Barça a porté plainte contre Rosell car il estime qu’il y a eu des irrégularités lors du transfert du jeune brésilien. Pour faire court, Rosell est accusé d’avoir menti sur le montant réel de ce transfert et donc, il y aurait peut-être des sous qui seraient allés quelque part, ailleurs que là où ils devraient aller. Hélas! Pour Rosell, un juge espagnol a jugé la plainte recevable. D’où la démission de Rosell.
Il faut dire qu’en Espagne, il y a quelques clubs (dont le Barça) qui appartiennent à leurs supporters, les fameux socios. Ce sont eux les vrais patrons. Ce sont qui élisent les présidents des clubs. Quand ça ne va pas, ils peuvent les pousser vers la sortie. C’est comme cela que ça marche et pas autrement. Le président qui est élu à la tête du Barça sait à qui il doit ce poste (bénévole, il faut le dire). Il sait qu’il n’est rien sans les socios et que non seulement il se doit de les respecter, mais en plus, il se doit d’être sincère et honnête avec eux. Sinon, à la quatrième année de son mandat, il peut aller se chercher un autre club à diriger. Je ne connais pas personnellement cet homme mais je salue la démission de cet homme car il sait une chose, au fond de lui: l’image de son club, cette vénérable institution, est bien plus importante que sa petite personne. Voilà une leçon qui me ramène à la Charte du Mandé, que les Africains refusent de lire!
Vous vous doutez bien que le but de ce billet n’est pas de parler des malheurs de Rosell et de la justice espagnole. Non, que nenni. Je suis avec la plus grande attention ce mélodrame car il me rappelle combien la question des responsabilités est essentielle, fondamentale au sein d’une société. De toute société. Les Africains ont dans leurs catalogues (infinis) de plainte, dans leurs ribambelles (kilométriques) de gémissements, ces reproches faits à l’endroit de nos dirigeants, non pas pour fustiger leur incompétence (ce n’est pas un crime) mais surtout, leur irresponsabilité.
Oui, nous avons souvent des dirigeants irresponsables qui prennent des décisions qu’un enfant de sept ans ne pourrait pas prendre. Ils font des promesses qui, dès le moment où ils commencent à les faire, on sait pertinemment qu’elles sont irréalistes et irréalisables. Ils promettent la lune alors que l’électricité est de plus en plus une denrée rare, dans nos villes. Que dire alors de l’hinterland? Ils parlent de fibre optique alors quand l’eau sort des robinets, c’est une sorte d’événements qui mériterait qu’on invite toutes les TV africaines pour le filmer. Ils nous pondent du jour au lendemain des LMD (Licence, Master, Doctorat), alors que de la première à la troisième année souvent, il n’y a pas de places pour poser son séant dans un amphithéâtre. On se met à parler du jour au lendemain de ZES (Zones économiques spéciales) et 4 ans et demi après, nous sommes obligés d’en sourire, à défaut d’en pleurer. Et quand l’Occident dit « Émergence! », nos dirigeants répètent comme de bons perroquets « Émergence! Émergence! Émergence! » non seulement sans savoir ce que ça veut dire, mais en promettant – une fois de plus – le bien-être, des emplois, de la santé (sans hôpitaux ni médecins)
Foutage de gueule.
Moquerie.
Légèreté.
Bref! Irresponsabilité.
Le mot le plus important, à mes yeux, à ce niveau est bien l’irresponsabilité. Entre nous soi-dit, quand on se sait issu d’élections frauduleuses et que l’on sait très bien qu’à la prochaine élection, on va encore bourrer les urnes et se maintenir 7 ou 21 ans, pourquoi être sérieux?
Si nos dirigeants avaient une once de début de commencement de responsabilité vis-à-vis du peuple, nous ne serions pas forcément des « Petites Suisse », comme nous l’avait promis un jour celui qui se faisait appeler « Président-Professeur », mais il y aurait sans doute un mieux avec un système où un juge serait capable d’instruire un dossier contre un élu (maire, conseiller municipal, etc.) ou un nommé (ministre, DG, etc.) suite à une plainte d’un citoyen et que cet élu ou nommé serait contraint de rendre son tablier, le temps que l’affaire soit traitée, s’il y a évidemment des éléments probants dans le dossier.
Or, encore une fois, disons-le et redisons-le avec force, nos dirigeables (qui se font appeler dirigeants) ne sont responsables que:
- Devant les ministres qui les nomment;
- Devant le président qui nomme les ministres et les députés;
- Et les présidents souvent ne sont responsables que devant la vaste escroquerie appelée « Communauté internationale ».
Voilà à quoi se résument en général les niveaux de responsabilités de ceux qui disent tenir le destin de notre continent entre leurs mains. Dans de telles conditions, le peuple qui paie sera toujours un cochon de payant.
Quand un dirigeant qui veut changer la Constitution de son enclos colonial (c’est son droit) estime avoir besoin d’aller demander la permission à Paris (Quai d’Orsay et Élysée), en quoi est-il responsable devant les masses africaines? Nous avons tous et toutes en mémoire la phrase du président Thomas Boni Yayi qui a dit sans la moindre gêne mais dans un élan de sincérité extraordinaire avait déclaré, Je n’ai aucune intention de briguer encore un autre mandat en dehors des deux constitutionnels que je terminerai en avril 2016 (…) Je l’ai rappelé à maintes reprises, notamment devant dix chefs d’État africains venus assister à mon investiture le 6 avril 2011, devant le Pape Benoît XVI en novembre 2011, devant les présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande et devant l’administration Obama, devant le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon.
En quoi les Obama, le pape etc. sont concernés par nos constitutions?
Nos masses ont-elles vraiment conscience que ce sont elles qui paient tous ces irresponsables?
Nos masses ont-elles conscience qu’elles peuvent fermer le robinet qui nourrit tous ces hommes et ces femmes qui n’ont aucun respect pour elles?
Celui qui a le pouvoir est celui qui commande.
Celui qui a le pouvoir est celui qui dicte le temps.
Celui qui a le pouvoir est celui qui dit quand commence la musique et quand elle s’arrête aussi. Il peut même décider du nombre des danseurs, de leurs tenues, de la taille des talonnettes. On le voit en Europe comment les grands patrons détricotent les lois et en final de compte, les textes votés au Parlement vont à l’encontre des masses. Ce qui reste aux électeurs européens, c’est ce pouvoir de congédier leurs élus. Au moins ça.
Que nos siocos à nous décident de reprendre leur pouvoir, car il est à eux, et la face du monde en sera sûrement changée.
Obambe GAKOSSO, January 2014©