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19 janvier 2014

RCA ou quand l’armée congolaise redore son blason

Classé dans : Politique africaine — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 12 h 28 min

Dieu merci pour les FAC (Forces armées congolaises), il n’existe pas de sondages sur des les bases des techniques utilisées en Occident par leurs différents instituts de sondages. Je suis convaincu que depuis l’irruption de l’armée sur la scène politique (1963, même si le premier militaire qui dirigera le Congo pour plusieurs années sera Marien Ngouabi, à partir de 1968), il n’y a pas grand monde dans ce pays qui l’aime, qui apprécie ses militaires (officiers, sous-officiers et autres hommes de troupe).

Police

Les militaires ont très mauvaise réputation au Congo, même si l’institution militaire est « l’entreprise » qui recrute le plus depuis des décennies. Cette institution nous a donné une multitude de ministres et cinq présidents de la République : Augustin Poignet, Alfred Raoul, Marien Ngouabi, Jacques Joachim Yhomby-Opango et Denis Sassou Nguesso. L’un des plus grands paradoxes est qu’il n’y a pas une seule famille congolaise qui n’ait pas un militaire en son sein. Nous avons tous et toutes un papa, un noko (oncle maternel), un/une yaya (aîné [e]) etc. qui porte chaque jour ou presque une tenue militaire avec un béret et avec ou sans galons pour aller gagner sa pitance soit dans une caserne, soit dans un hôpital, soit dans une garnison, soit en se tenant debout ou assis toute la journée pour assurer la sécurité d’une grosse légume..

Malgré tout cela, les Congolais n’aiment pas en général cette vieille maison (plus de 50 ans d’âge).

Le militaire congolais est en général perçu comme une brute, une personne au raisonnement assez sommaire, manquant d’instruction et plus douée pour la brutalité via ses biceps, triceps et autres quadriceps, plutôt que pour son amour du Congo ou la qualité de son cerveau. Bien entendu, les généralisations grossières ne sont pas les meilleurs baromètres pour jauger et araser les choses*.

Les décades 92-01 et 02-03 ont montré combien de fois, hélas ! le peuple pouvait légitimement se poser des questions sur notre armée. Les armes de guerre, maniées par des miliciens comme par des éléments de l’armée dite régulière ont endeuillé nombre de nos familles, à tel point que même au sortir de la Guerre de 1997, des gosses de 5 ans devenaient des stratèges en armement militaire, alors qu’ils n’avaient pas encore posé leurs postérieurs sur les bancs des écoles.

Je suis fils de militaire et j’ai grandi en parti dans un camp militaire. Mes camarades de jeux étaient eux aussi fils de militaires et nous avons eu, durant ces années, l’occasion de voir le pire et le meilleur au sein de cette institution. L’armée congolaise, et je sais que cela ne plaira pas à ceux qui la détestent au plus haut point, est assez à l’image de notre société. Elle est ce que nous sommes. Elle est notre émanation et nous avons intérêt, lorsque nous l’évoquons, de même que lorsque nous évoquons la classe politique congolaise, à avoir en tête ces faits. Les militaires congolais ne sortent pas du néant. Ils sont un peu (beaucoup ?) nous. Ce que nous sommes aussi.

J’ai vu à l’hôpital militaire des hommes dévoués comme de véritables feignasses. J’ai vu, me baladant de casernes en casernes, des hommes dont on voyait bien qu’ils étaient là par défaut : faute de mieux.

Or, une des choses que l’on a tendance à oublier, à méconnaître, à ignorer est que la première mission d’une armée est la défense du territoire face à toute agression extérieure. Combien de fois le Congo a-t-il subi une agression extérieure ? Pourtant, nous voyons tous les jours dans nos rues, même dans des bars souvent, des militaires en tenue, qui en train de lever le coude, qui en train de jouer aux jeux de dame, qui en train de papoter des heures durant. Ce qui est formellement interdit par les textes de notre armée. La tenue étant réservée pour le boulot, et pour le trajet aller et retour, pour les jours de travail. Point.

La tragédie centrafricaine permet aux militaires congolais de donner une autre image d’eux. En effet, un de leurs plus illustres représentants, en la personne du général Jean-Marie Michel Mokoko y dirige la MISCA (Mission d’intervention en Centrafrique) depuis quelques semaines. Cet homme fut chef d’État-major général au Congo (nommé en 1987) et il quittera l’armée en 1993 (démis ? viré ?). Outre cet homme, il y a 500 militaires congolais qui y sont allés, où ils travaillent avec d’autres soldats africains (RDC, Ruanda, Tchad etc.).

C’était le 01/12/2013 dernier que nous apprenions qu’un gros porteur avait effectué deux voyages entre Mfaa et Bangui pour aller les déposer. Comment ne pas applaudir cet acte, ce geste, émanant de la part de nos autorités ? Á celles et ceux qui se gaussent ou s’énervent de cela, estimant que c’est du gaspillage et d’argent et de nos énergies physiques, il est triste et même honteux de leur rappeler que la Centrafrique, c’est aussi le Congo et que le feu qui y sévit touchera du jour au lendemain les territoires frontaliers, dont le nôtre et que là, nous allons bien rire, nous qui avons montré à la face du monde que nous n’avions même pas d’ambulances, le 04/03/2012 pour secourir nos blessés suite au drame que nous savons. C’est même une honte de leur rappeler que lorsque notre capitale politique s’est embrasée le 05/06/97, suite à la énième folie de nos hommes politiques, certains des nôtres ont trouvé refuge qui en RDC qui au Gabon. Et si les autorités de ces pays avaient refusé de recevoir nos parents, que seraient devenus ces parents à l’heure actuelle ?

Je sais que le Panafricanisme est une des denrées parmi  les moins appréciées  sur la rive droite du Congo, alors que justement nous en avons besoin car si une armée Panafricaine existait, il n’y aurait en RCA ni anti-Balakas, ni Seleka, et donc pas de putschs.

Il faut lire les Congolais ça et là : la question centrafricaine ne les intéresse en général ni de près ni de loin, alors même que nos enfants, nos petits-frères et nos grands-frères y sont, risquant leurs vies au quotidien. D’ailleurs, ils sont au total six soldats à y avoir rendu leurs âmes.

Le sergent Rufin Juif Ngali, tué à Bangui le 22/12/2013 à Bossangoa, à 350 Km de Bangui, alors qu’il effectuait sa deuxième mission en RCA. Le 05/12/2013, le caporal-chef Edmond Miantouadi Pomo était tué lui aussi tué. On compte aussi le sergent Fortuné Zola Kouebakilayo, mort lui aussi en décembre 2013 dernier.

6 morts, cela fait potentiellement 60 personnes dans le dénuement, selon cette statistique congolaise non officielle qui veut que pour chaque Congolais qui exerce une activité rémunérée, il y a un total de 10 personnes qui dépendent de lui économiquement, socialement et sanitairement.

J’espère que les orphelins et les veuves (si ces dernières sont femmes au foyer) seront pris en charge par l’État). Ce serait vraiment le moins que la puissance publique pourrait faire.

Dans cet élan d’encouragement de félicitations envers les FAC, je ne saurais me taire face à un fait quand même assez troublant. Á qui doit-on l’essentiel des films, sinon tous, concernant les braves actes des soldats africains en RCA ? Aux chaînes occidentales encore et une fois. Toutes les photos ou presque, les vidéos, disponibles sur la toile émanent des Occidentaux alors que nous avons une télévision officielle au Congo qui passe son temps à nous bassiner avec les activités du parti au pouvoir et de ses différents membres, comme si les Congolais n’étaient pas (aussi) en attente du drame se jouant en RCA…

En enlevant les termes « Congo », « Congolais », on retrouvera à très peu de choses près la même configuration, les mêmes sentiments dans nombre de nos enclos coloniaux. Alors, cette armée continentale serait vraiment la bienvenue…

Obambe GAKOSSO, January 2014©

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* : Le mot est pris ici au sens philosophique, donc englobant aussi bien les êtres vivants que les objets

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