République bananière: ou comment la France a « tuer » le droit. Mais c’est son droit
Cette histoire est savamment racontée en Afrique et nous la connaissons tous et toutes.
C’est un enseignant qui demande à ses élèves de lui donner le nom d’un corps transparent et voilà qu’un élève dit « Le grillage ». La réponse fait rire quasiment toute la classe.
Les mots ont un sens ou en tout cas sont censés en avoir. Si à cet enfant on avait simplement dit qu’un corps transparent laissait passer de la lumière, comment le blâmer sachant qu’aucun grillage – à ma connaissance en tout cas – ne peut retenir la lumière ?
Il en est de même pour nous, damnés de la terre, nés sur cette terre dite Afrique, en général et dans les anciennes colonies françaises en particulier, nous qui croyons tout le temps, qui pensons tout le temps que la France est cet espace géographique et administratif où le droit est parfait. Comme s’il pouvait exister la perfection en ce monde.
Nous savons tous que l’école en nos contrées est le produit de la société coloniale et que rien ou pas grand-chose n’a été fait afin de transmettre aux jeunes Africains autre chose que ce que les négriers et colons avaient décidé de transmettre dès leur arrivée violente sur notre continent. Passe encore que certains de nos frères et sœurs basés sur le continent continuent donc à croire en ce genre de fables. Le pire, c’est de voir tous ces Africains ou qui se disent tels, qui vivent en Occident depuis 5 ans ou 50 ans, qui continuent à y croire.
Qu’est-ce qui peut bien avoir été mis dans nos esprits, dans nos âmes au point que nous en soyons encore là, grands naïfs béats d’admiration devant cet Occident en général et surtout cette France en particulier ?
Je ne sais pas exactement. J’ai beau me dire tous les jours que le mal que l’oppresseur nous a fait est d’une profondeur telle que nous avons besoin, collectivement, d’une thérapie et de psychiatrie lourde, je n’arrive pas moi-même à me dire que cela suffit.
L’esclave qui refuse de se libérer, certes, il faut le laisser continuer à vivre sa vie d’esclave mais quand il y en a beaucoup, quand ces esclaves sont majoritaires, que faire ? Comment continuer à se côtoyer, à se fréquenter, à partager ce que nous avons souvent de plus cher dans nos vies : veillées mortuaires, naissances, enterrement etc. ?
Hier, jeudi 09 janvier 2014, cette même France a donné une leçon de droit extraordinaire, qui en a surpris et même choqué plus d’un. Un tribunal administratif, dans une grande ville (la sixième par sa population) a pris une décision (très attendue, il faut dire, tant le ministre de l’Intérieur avait signé une circulaire que même un étudiant de droit en première année n’aurait pas signée) et dans les minutes qui ont suivi, le Conseil d’État, à 385 Km de là, se réunissait de toute urgence dans le but (avec instruction ?) de casser la décision qui venait d’être prise.
Je ne suis pas un professionnel du droit et mon postérieur n’a jamais chauffé le banc de la moindre fac de droit. Cependant, partant du bon sens qui dit que nul n’est censé ignorer la loi, je m’y intéresse et je ne vous cache pas que j’ai beaucoup ri hier soir en voyant le cirque auquel la France, qui se prétend encore grande puissance, par le biais de son sinistre de l’Intérieur, une sorte de clone de Nicolas Sarkozy, était en train de se livrer.
Depuis que je vis dans ce pays, je n’ai jamais vu le gouvernement le saisir avec une telle vitesse. Le son et la lumière réunis n’auraient pu faire autant. Et ceci pourquoi ? Pour un comique qui non seulement remplissait toutes les conditions pour faire son travail (je ne parle même pas de ses collaborateurs, des propriétaires de la salle etc.), un comique dont on dit, pardon, dont le sinistre de l’Intérieur a dit qu’il était susceptible e provoquer des troubles.
J’ai eu l’impression de revivre le film de science fiction Minority Report. Curieusement, Tom Cruise, acteur principal de ce film, le sinistre de l’intérieur et Nicolas Sarkozy ont au moins un point commun : leur petite taille.
Je suis méchant. On laisse le physique.
Demain en France, en toute logique, une femme qui a par exemple été condamnée, allez, on va dire pour avoir giflé sa voisine, se verra sans doute contrainte d’avorter de son bébé car ce dernier pourrait être soupçonné d’être lui aussi un repris de justice.
Je ris.
Pour mémoire, les journaleux, dont on sait combien ils sont de mèche avec les politiques et qui savent faire bloc pour défendre diverses castes et corporations (d’abord la leur, évidemment) n’ont eu de cesse de répéter depuis quinze jours que ce comique a été « plusieurs fois » condamné par la justice. Si cela est vrai, il ne s’en trouve aucun pour rappeler qu’il a gagné maints procès auprès de cette même justice. Mais il paraît que l’un des principes de base du journalisme est de ne jamais parler des trains qui arrivent à l’heure.
Pour mémoire aussi, l’une des rares fois o il y a eu violence lors d’un spectacle de ce comique, c’était il y a quelques années. En effet, deux personnes, dont une pauvre petite Marocaine, avaient reçu en plein visage de l’acide, balancé par un brave citoyen, sans doute, qui, très courageux, au lieu d’aller s’en prendre directement à l’ennemi public numéro 1, avait préféré ce procédé. On est quand même dans un drôle de pays et, je ne me souviens pas que cette personne ait été jamais poursuivie en justice et, a fortiori, condamné. Cela va de soi. Puisque nous sommes dans un État de droit. Le tout dépendant de quel droit l’on parle.
Bref ! depuis ce fameux sketch qui avait fait rire tout le monde en direct à la TV en 2003, et à ce jour, aucun, aucun spectacle de cet homme n’a crée le moindre incident. Mais là, subitement, comme piqué par on ne sait quel insecte, le sinistre de l’Intérieur a décidé d’en faire une affaire personnelle et de faire taire définitivement cet empêcheur de berner en rond.
Il ne faut pas croire que ce gouvernement a juste l’intention de créer une véritable diversion avec cette affaire. Non, le mal est bien plus profond que cela. Le Dieudonné, le comique dont il est question est blacklisté des merdia français : ni radios ni TV ne veulent de lui. Á croire qu’il a le sida, la peste, la variole, la varicelle, le kwashiorkor, la tuberculeuse et un cancer du micro réunis. Curieusement, malgré tout, partout où il joue, il fait salle comble sans la moindre publicité. Ses vidéos sont parmi les plus regardées sur youtube.com (notamment), sinon les plus vues. Il arrive à vendre maints DVD de ses spectacles sans avoir besoin des organes dont on peut dire en l’occurrence qu’ils sont organes d’État tant ils sont unanimes à soutenir le Caudillo de la place Beauvau dans sa croisade plus que ridicule contre un comique.
Pitoyable.
Pathétique.
Lamentable.
Déployer des moyens d’État avec une telle ampleur pour une affaire qui n’en est pas une et qui, à la rigueur, mais vraiment à la rigueur, relèverait d’un tribunal (à quoi servent les juges dans ce pays ? faut-il les mettre directement à la retraite ?)
C’est en France qu’un ministre – chargé des Impôts – a dit devant la représentation nationale qu’il n’avait pas de compte en Suisse. Ni à Singapour, évidemment (c’est tellement loin). On a vu ce que ça a donné mais on ne se souvient pas que ce sinistre ait mis autant de zèle à jouer les Torquemada envers lui.
C’est en France que des ressortissants d’une région (la Bretagne) ont détruit des biens publics (appelés portiques) sans que non seulement ce même sinistre de l’Intérieur ne levât le petit doigt. Il ne prendra d’ailleurs aucune mesure à ce sujet.
C’est dans cette même France que dans la ville de Marseille le commerce des Kalachnikov marche à merveille sans que le gouvernement ne soit en mesure d’appréhender le moindre tueur. Mais on trouve le moyen d’empêcher un homme de faire son travail et de faire travailler ses collaborateurs.
C’est en France que des hommes et des femmes politiques sont tous les jours mis en examen et parfois condamnés pour être soit réélus ou nommés deux jours après. Doit-on citer Alain Juppé, maire de Bordeaux ? Jean-Marc Ayrault, ex-maire de Nantes et actuel Premier ministre ? Doit-on citer Jean-Paul Huchon, président de la région parisienne ?
La France est une vraie République bananière. Il serait temps que les Africains dits francophones sortent de leur naïveté qui n’a que trop duré et s’en rendent compte car il en va même de notre survie.
Que vous vous disiez de gauche ou de droite, la question ne se pose même pas en ces termes. C’est un faux débat car il faut avoir en tête que ces notions n’ont aucun fondement, aucune valeur pour nous. Ces sont des concepts franco-français et, qui plus est, ont vu la frontière séparant ces deux camps politiques, se réduire à sa plus simple expression : c’est-à-dire moins que zéro.
Vous pourrez prendre le temps de lire et de relire la circulaire du mari de la violoniste. Vous rirez. Vous pourrez prendre le temps d’écouter les sons concernant 99,99% des éditorialistes, des journaleux, des chro (niqueurs et niqueuses) des merdia français, vous vous rendre compte que c’est à une véritable curée qu’ils se sont tous livrés pour la mis à mort d’un homme. Un seul.
La messe était déjà dite bien avant la sentence.
Il fallait abattre la bête. Par ces temps de crise, un homme qui gagne aussi bien sa vie, ce n’est pas normal. Qui plus est, c’est un Nègre. Et, comble de crime de lèse-majesté, il enverrait – dit-on – son fric au Cameroun, terre de son papa. Dans un pays où l’esclavage fait rire, où l’on a collé partout des affiches de Ya bon Banania, le premier Nègre qui bouscule le système doit voir sa tête coupée. Hélas! les temps ont changé. On n’utilise plus le thallium comme pour Roland-Félix Moumié à Genève et il serait très difficile de déverser du napalm sur le théâtre de la bête, à Paris: il y y aurait trop de morts et je crains que les assurances ne paient pas pour le napalm.
C’en est trop. Demain, je ne sais pas ce qu’on lui trouvera. Lui dont on menace les enfants depuis tant d’années. Lui que l’on a agressé à la sortie d’un restaurant il y a quelques années, alors qu’il était en compagnie de son épouse.
Demain, c’est la Cour européenne des droits de l’homme, après saisie par ses avocats, qui dira le droit.
Mais de grâce, encore une fois, chers Africains, réveillez-vous et arrêtez de croire aux fables du pays qui se dit être celui des droits de l’homme. Car l’un des premiers droits d’un homme est de travailler pour accomplir ensuite l’un de ses premiers devoirs, nourrir sa famille.
Obambe GAKOSSO, January 2014