Accompagnons Tabu Ley avec un poème de Tchicaya U’Tam’Si
L’homme a été mis en terre.
Je clôture ce samedi 14 décembre 2013 mes billets spéciaux réservés au décès de Tabu Ley. Bien entendu, on aura d’autres Sabala détente qui lui seront consacrés.
Pour ce samedi, il y a au menu un poème de Tchicaya U’Tam’Si (1931-1988). Ce n’est apparemment pas connu du grand public mais cet auteur polygraphe avait une admiration sans bornes pour le héros africain Patrice Emery Lumumba (1925-1961), Premier ministre congolais assassiné par des puissances occidentales avec la complicité d’autorités congolaises.
De Lumumba à Tabu Ley, le saut est vite fait, même si le poème choisi ce jour n’était pas destiné au héros dont le corps fut plongé par l’acide. Il s’agit de Lumières, tiré du recueil Veste d’intérieur.
Il y a ce que sont les plaies
les lenteurs du sommeil
sur les plages grèges naguère
Il y a ta main que le temps froisse
Nous sommes venus voir mourir
un oiseau pillé par son chant
trois couteaux à lames vives
dans un rêve Le monde tombe
C’est à genoux qu’une à une
se ramassent les notes du chant
ta bouche triste les lape
lors de la fête des corps
Que j’incendie d’un désir que je conspue
C’est demain tout à l’heure
au bouche à bouche sans feu
ainsi le pain ainsi l’eau suave
et ces lumières qui ont saigné
Les yeux ouverts les pieds gras
la danse derrière le feu des nerfs
l’orgueil des amers qui ont brisé
l’étrave sur la mer qui va
Tombe le monde la joie puis la mort
l’âme est une pierre au pied du corps
S’en aller des stigmates flamboyants
sur la bouche le monde tombe
Le soleil ou la première et toutes les plaies
éjaculant des lumières froides ou blanches
Ne plus frissonner Plus le spasme
La soif n’a plus le sang du calice
Quel sang aux dividendes sûrs
quel cocagne au bout de cette langue
au point de perdition le chemin
sur la plaine construit un arbre
Jaspes ramures de dentelles
l’arbre est une ville de plomb
les rues sont liquides sont chaudes
les têtes sont chaudes sont dociles
Le roi décapsule sa glotte
ses mots sont des vomis sont acides
Les corps s’y dissolvent
La nuit attise les lucioles
Pas plus de lumières que ça.
Nous terminerons par une vidéo de l’inhumation du Seigneur Ley, à Kinshasa.
Encore une fois, bon repos à lui, il a tant donné, il nous a tant donné. Que ses devanciers, nos devanciers, lui réservent un accueil digne de lui, de son rang, de son talent. Bon week-end à vous et n’oubliez pas que chaque jour est une vie !
Obambe GAKOSSO, December 2013