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11 décembre 2013

1970, Winnie Mandela écrit à son époux, prisonnier (extrait)

Classé dans : Décès — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 12 h 28 min

1957.

Madiba Mandela rencontre une jeune fille, fille d’un policier, dont il s’éprend. Il sort fraîchement d’un divorce d’avec sa première épouse, Evelyn Ntoko Mase. Des trois mariages que le lutteur infatigable contre le régime nazi de Pretoria aura contracté, c’est sans doute celui-là, le deuxième, qui aura fait le plus parler.

D‘une part, épouser Mandela est en soi déjà une folie. Une partie de son nom, Rolihlahla, ne signifie-t-il pas « Fauteur de troubles »? Il faut dire qu’en 1957, le jeune homme de 39 ans est déjà un militant madré, connaisseur des joutes contre les nazis, dans la reconquête de la liberté des Africains, y compris donc de la sienne. D’autre part, cette jeune femme, née Nomzamo Winfred Zanyiwe Madikizela, bravant les injustices locales, a quand même fait des études, comme Mandela (avocat), comme quelques (trop rares) Noires et Noirs, qui malgré l’oppression coloniale a essayé. Son prénom Nomzamo, ne signifie-t-il pas « Elle qui tente »? On voit à travers ces deux personnes, mythiques, légendaires, encore une fois, combien il est important de bien nommer ses enfants…

De cette union naîtront deux filles (j’y reviendrai) et très vite, ils seront séparés, suite à l’emprisonnement à vie du mari. Mais derrière, dans la fausse liberté dont elle bénéficiait, cette dame qui aurait pu en profiter pour jeter l’éponge et vivre sa vie.

Non, elle a relevé ce défi et, avec d’autres camarades, a continué à mener une lutte implacable, sans merci, contre les nazis. Qui ne l’a pas vu dans des meetings, dans des marches? Elle était entrée une première fois dans la vie de son homme par le mariage. Elle était entrée une deuxième fois en faisant corps avec leur partie, l’ANC, pour lutter. Et elle est entrée, définitivement, une troisième fois, en devenant une véritable icône de cette lutte. Si l’histoire a porté au pinacle, à un firmament impossible à atteindre, Madiba, à ses côtés, derrière lui (même s’il ne l’acceptera jamais car il était trop modeste pour ça), il y avait aussi Nomzamo et tous les autres camarades de lutte pour qui nous nous devons d’avoir une pensée très forte.

La sortie du dernier livre de Madiba, Conversations avec moi-même (La Martinière, octobre 2010, préface de Barack Obama, 22€14) a été l’occasion pour ce géant de remercier encore une fois cette femme qui l’aura accompagné et soutenu dans la mesure du possible, pendant qu’il subissait les pires humiliations de la part des africanophages, dont la pire est sans doute la privation de liberté. Comme il l’avait fait dans son autobiographie. Madiba, décidément; n’était pas un ingrat. Il sait par où il est passé et il s’est toujours souvenu des gens qu’il a croisés sur sa route. Malgré leur séparation (1992) et la prononciation du divorce (1996), jamais on a entendu (en public en tout cas), cet homme porter le moindre grief envers cette dame de la plus haute des dignités qui soient.

Voici un extrait de lettre qu’elle lui avait adressée il y 4 décennies, que Madiba a repris dans son dernier livre.

Poignant.

Obambe GAKOSSO, December 2013©

 

 

NM

1er août 1970,
Les moissons de misère que nous avons récoltées lors de ces quinze derniers mois d’épreuves ne sont pas prêtes de s’effacer de mon esprit. J’ai l’impression que toutes les parties de mon corps, chair, sang, os et âme ne sont plus que de la bile, tant mon impuissance absolue à te venir en aide dans les moments terribles que tu traverses me rend amer.

Quelle différence ce serait pour ta santé et ton moral, ma chérie, pour ma propre anxiété et pour la tension dont je n’arrive à me défaire, si seulement nous pouvions nous voir! Si je pouvais être à tes côtés et t’étreindre, ou si je pouvais ne fût-ce qu’apercevoir ta silhouette à travers les barbelés qui nous sépareraient inévitablement!

La souffrance physique n’est rien comparée à la façon dont on a piétiné les tendres liens d’affection qui fondent notre mariage et tentée de briser notre relation de mari et femme. Quel épouvantable moment nous vivons! Nos convictions les plus chères s’en trouvent mises à l’épreuve, comme nos résolutions.

Mais tant que j’aurai le privilège de pouvoir communiquer avec toi, même si c’est pour la forme, et jusqu’à ce qu’on me retire expressément ce droit, nos dossiers témoigneront que j’ai essayé avec acharnement de t’écrire tous les mois. Je te le dois, et rien ne m’en distraira. Peut-être ma persévérance sera t-elle un jour récompensée.

Il y aura toujours des hommes de bonne volonté sur terre, dans tous les pays, et même dans le nôtre. Un jour, nous aurons pour nous le soutien sincère et indéfectible d’un homme honnête, placé au sommet de l’État, qui jugera incorrect de ne pas honorer son devoir consistant à protéger les droits et les prérogatives de ses ennemis les plus résolus, dans la bataille d’idées qui se joue ici; un homme qui se fera de la justice et de l’équité une idée suffisamment haute pour nous garantir non seulement les droits et prérogatives que la loi nous accorde déjà, mais qui nous dédommagera pour ceux dont nous avons été privés.

Conv

En dépit de tout ce qui est arrivé, des vicissitudes et des revers de fortune des quinze derniers mois, je garde espoir. Il m’arrive même de croire que ce sentiment fait partie de moi. Je sens mon cœur pomper l’espoir et le diffuser dans toutes les parties de mon corps, où il me réchauffe le sang et me remonte le moral. Je suis convaincu qu’une avalanche de calamités personnelles ne peut pas écraser un révolutionnaire déterminé, pas plus que le brouillard obscur qui accompagne de telles tragédies ne peut le faire suffoquer.

L’espoir est au combattant de la liberté ce que la bouée de sauvetage est au nageur : la garantie qu’il ne se noiera pas, qu’il restera à l’abri du danger. Ma chérie, je sais que si la richesse se mesurait en pesant l’espoir et le courage, avec ce que tu recèles en ton sein (cette idée, je la tiens de toi), tu serais certainement millionnaire.

Souviens-t’en toujours.

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