Epurebere, adi ibo ya ndziya yo: le blog d'Obambé Mboundze Ngakosso

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27 novembre 2013

Afrique centrale, le talon d’Achille du continent

Classé dans : Politique africaine — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 0 h 25 min

Il y a quelques années, le président tchadien, Idriss Déby Itno, excédé par les lenteurs, le très mauvais travail de ses pairs et de ses compatriotes de la zone CEMAC avait clairement menacé de quitter les instances sous-régionales (CEMAC, BDEAC etc.).

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Les propos furent publics mais, et comme il fallait s’y attendre, on ne ressentit aucun remous, aucun ressac. L’on continua alors à naviguer à vue, du Nord du Tchad au Sud du Congo, en passant par Yaoundé, Bangui, Libreville et Malabo. Peut-être que ses pairs l’avaient appelé et rassuré que les choses allaient (enfin !) se faire et qu’on allait voir ce qu’on allait voir ? Il faut dire que le Tchad a une position géographique plus que stratégique avec le Sahel en son sein et sur son aile ouest une longue frontière avec le Niger (1175 Km) et une autre avec le Nigeria (87 Km).  On parie combien qu’une demande d’adhésion du Tchad au sein de la CEDEAO, de la BCEAO et de l’UEMOA* serait acceptée illico presto, sans barguigner ? Le Tchad, faut-il le rappeler, est devenu un important producteur de pétrole depuis 10 ans ? Faut-il parler aussi de l’armée tchadienne qui a prouvé au Mali, très récemment, que sans elle, l’hécatombe due aux bandits du MUJAO et des indépendantistes touareg aurait pu être pire ?

Il faut cependant penser que nos dirigeants non seulement ne retiennent point les erreurs et les fautes du passé, mais de plus, ont une cécité terrible quand il faut regarder au-delà de leurs palais présidentiels. Pire, ils oublient la plupart du temps le chemin qu’ils ont parcouru pour arriver là où ils sont mais aussi celui que nous, les masses, avons parcouru, pour nous retrouver à ce point… Il y a quelques années, à l’occasion d’une conférence tenue à Paris, le Pr. Mwene Nzale Obenga rappelait combien en Guinée Équatoriale, on courrait, on accourait, au point de battre des records de vitesse lorsque le président Paul Biya appelait. La moindre seconde de perdue pouvait être préjudiciable. C’était une période où la Guinée Équatoriale était l’enclos colonial le plus pauvre de l’ancêtre de la CEMAC, l’UDEAC**. Pendant que le Gabon et le Congo s’asphyxiaient avec leur pétrole et que le Cameroun était déjà le moteur économique de cette zone réservée de la France, les Équato-guinéens tiraient le diable aussi bien par la queue que par ses oreilles, son nez et le reste que nous ne nommerons pas ici. C’était dur et même très dur !

Mais Dieu merci, si tant est qu’il ait quelque chose à voir là-dedans, la solidarité entre membres du même coin a fait le reste et cet enclos ne fut pas abandonné à son triste sort. Les Équato-guinéens, allaient au Gabon pour se chercher, comme disent si bien les Ivoiriens et ils ne faisaient pas la fine bouche : ils prenaient ce qu’il y avait à faire comme boulot. Il leur fallait certes des visas, mais c’était ainsi.

Celles et ceux qui sont intimement persuadés que la providence existe nous disent que peu importe la durée de la nuit, le soleil apparaît. Apparemment cela a été le cas au pays du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (TONM) car en 1996 d’importants gisements de pétrole sont mis en évidence. Le sourire revint alors sur les visages des dirigeants. On allait enfin pouvoir regarder les « riches » voisins les yeux dans les yeux et le mépris ressenti pendant si longtemps non seulement allait disparaître, mais aussi et surtout, devait changer de direction. 8 ans après, ce sont 360.000 barils/jour qui sortent des entrailles de ce pays très petit par la taille comme par la population (28.051 Km2 pour à peine plus de 730 mille habitants).

Que peut-il bien se passer dans la tête d’un homme qui passe de la pauvreté à une opulence extraordinaire ? Toujours est-il que je me souviens de ce que le Pr. Obenga a fini par dire, en rapportant des propos d’un de ses amis, un haut-cadre de la Guinée Équatoriale : Maintenant, quand le Cameroun appelle, même si c’est Biya, nous disons « Oh ! Biya… Oh ! ça peut attendre ! » Biya ? Biya quand il appelait hier, on courait !!! Mais maintenant, à quoi ça va servir ? On a l’argent non ? On en a même plus que lui…

C’est sans doute un des sentiments qui a animé les officiels de ce pays au point qu’ils ont fait capoter ce qui aurait pu être l’idée de la décennie sinon du cinquantenaire au cœur de Kama. En effet, un sommet fut tenu à Libreville en juin 2013 dernier, au cours duquel nos dirigeants avaient enfin arrêté une date (1/01/2014) à partir de laquelle, tous les ressortissants de la zone CEMAC, dûment munis d’un document tel qu’un passeport ou une carte nationale d’identité, pourront désormais circuler dans cet espace de plus de 3.000.000 Km2 et environ 40.000.000 d’habitants. Sans le moindre visa! 

Comment ne pas être en entendant Pierre Moussa, secrétaire exécutif de la CEMAC, lire le communiqué final sanctionnant ce sommet devenu de fait historique ? Pendant longtemps, le Gabon d’Omar Bongo Ondimba, très sous-peuplé, immensément riche en pétrole (sans que la majorité de la population en bénéficie), avait toujours repoussé aux calendes bongoïennes cette décision maintes fois mise et remise sur la table des travaux de nos excellences… Ensuite, ce fut la Guinée Équatoriale de s’y mettre.

Il faut croire que le président Ali Ben Bongo Ondimba, fils du précédent, a décidé de tuer le père (au sens œdipien du terme) en franchissant le Rubicond. Et le président TONM, pourquoi acceptait-il en juin dernier ce qu’il a refusé ces dernières années ? Mystère…

Mais là, patatras. Il faut croire que ce qui est bon et beau pour nos masses ne doit guère plaire à ses chères excellences… La Guinée Équatoriale vient de dire non. Par la voix de son agence officielle d’information, ce pays nous a dit en gros que ses populations ont, avaient peur. Peur de qui ? Devinez…

Je ne m’étendrai pas sur le refus de ce pays, j’en ai assez dit plus haut sur notre mémoire trop courte et l’égoïsme qui caractérise certains des nôtres, surtout quand ils ont les poches tellement pleines qu’ils n’arrivent plus à marcher, mais arrivent quand même à prendre l’avion pour aller déposer cet argent en Occident.

En 2012, j’ai discuté les yeux dans les yeux avec un haut-cadre africain qui connait très bien toutes ses arcanes et nous parlions des freins constatés, empêchant toute initiative d’intégration réussie. Son explication fut cinglante et sans appel : Tout le monde est riche et croit qu’il n’a pas besoin de son voisin. L’intégration n’est pas à l’ordre du jour. Ça, nous le savions déjà, mais quand c’est dit par un homme qui décide qui a des signatures, ça glace les sangs tout en renforçant mes convictions que seuls des Panafricanistes pourront vraiment sauver ce continent.

Question : que se passerait-il si les autres décidaient de laisser la Guinée Équatoriale faire cavalier seule ? Au combat, à la guerre, on ne peut attendre les canards boiteux.

 

Obambe GAKOSSO, November 2013©

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* : CEMAC (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale, siège de la commission à Bangui) ; BDEAC (Banque de développement des États de l’Afrique centrale, siège à Mfoa au Congo), BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale, siège à Yaoundé, Cameroun) ; CEDEAO (Communauté économique et douanière des États de l’Afrique de l’Ouest, siège à Abuja, Nigeria) ; UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine, siège de la commission à Ouagadougou) ; BCEAO (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, siège à Dakar, Sénégal).

** : UDEAC : Union douanière des États de l’Afrique centrale.

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