1 novembre (2): et si on réfléchissait un peu?
Gamin, je n’aimais pas du tout la date du 1 novembre. Au Congo, c’était férié comme dan beaucoup de pays au monde. On nous disait, C’est la fête des morts, il faut aller entretenir les tombes de nos morts et les refleurir.
Je me posais sans cesse la question de savoir le pourquoi de cette chose. On m’avait tout dit, sauf une chose : que cette date faisait partie d’un des innombrables héritages coloniaux que nous conservions jalousement.
Le Congo n’était pas et n’est toujours pas le seul territoire en Afrique où non seulement cette journée est chômée et payée, mais en plus où le commerce des fleurs connaît un pic extraordinaire. Ainsi vivons-nous : que ce soient les pays où le nombre d’églises (Cf. religion chrétienne) est plus important que le nombre de mosquées (Cf. religion musulmane), ou réciproquement, la situation est la même, dans les anciennes colonies européennes.
Il est encore une fois aisé de conclure que les fameux pères de l’indépendance, pour la plupart n’avaient pas mesuré en quoi pouvait consister une indépendance. On a vraiment eu affaire à des indépendances nominales même sur le plan culturel. Comment peut-on expliquer qu’il n’y ait même pas eu de remise en cause d’ensemble de ces traditions venues d’ailleurs, et que nous avons gardées comme si cela allait de soi.
Ainsi, avons-nous comme par magie gobé que :
- Le 01 novembre, il ne fallait pas aller travailler pour célébrer les morts. Le 01 novembre, sur le calendrier chrétien est désignée comme la fête de tous les saints, chez les catholiques. Quels sont donc ces saints que nous, Yoruba, Wolof, Hutu, Hausa, Punu, Jaga, devrions célébrer ? Depuis que je suis né, je n’ai jamais rencontré sur ma route de Saint-Mboumba, de Sainte-Humba, de Saint-Diamacoune, de Sainte-Abla, de Sainte-Lolango, etc. C’est curieux…
- Le 25 décembre doit être férié, chômé et payé car on nous a dit que c’était « la naissance du fils de Dieu ». Et il est même précisé, « de son fils unique ». Y aurait-il un doute ? Un autre fils apparaîtrait-il pour venir disputer l’héritage encombrant du père ? Que représente Jésus Christ dans les traditions de nos ancêtres ? Nos dirigeants qui ont laissé faire cela, ont-ils mesuré les dégâts qui nous ont été causés par les hérauts de la TPME (Très petite et moyenne entreprise) née en Orient et devenue la plus grosse entreprise mondiale ? Pour nous imposer cela, nos ancêtres ont été massacrés et humiliés. C’était Convertis-toi ou crève… Idem pour l’islam où rares furent nos ancêtres qui résistèrent aux sabres arabes qui les enjoignaient de se tourner cinq fois par jour en direction de l’Orient, sous peine de passer par le fil de l’épée.
- La majorité des Congolais, j’en suis sûr, ignorent complètement pour la date de notre « indépendance » est le 15 août. C’est un homme qui s’habillait du soir au matin en robe, l’abbé défroqué Fulbert Youlou qui est à l’origine de ce choix. Pourquoi ? Pour célébrer sa vierge Marie, lui, le catholique. Aussi incroyable que cela puisse paraître, voilà un homme qui décide de lier le destin de son pays à une dame qui n’a rien à voir, ni de loin ni de très près avec notre histoire. Les Français ont dû sourire devant lui et rigoler entre eux quand il leur fit part de ce choix…
Je pourrais multiplier les exemples, mais les quelques uns que je viens de donner sont assez édifiants comme cela, pour souligner à quel point l’aliénation collective dont souffrons touche aussi et avec un impact très fort nos élites politiques. C’est tout simplement consternant.
Je suis sûr que si aujourd’hui, à Paris, une nouvelle fête était décrétée, avec une journée fériée, chez nous, sans la moindre réflexion, on se jetterait, à pieds joints dans la nouvelle aventure, au nom d’un « universalisme » dont non seulement nous ne savons même pas en quoi ça consiste, mais qui en plus, ne nous apporte que des soucis par wagons et paquebots entiers. La preuve que je ne raconte pas des lubies ? Deux exemples, tout simplement. Deux et pas plus :
- Après que Jack Lang (alors ministre de la Culture de François Mitterrand) ait mis en place la Fête de la musique en 1982, nous aussi, nous suivîmes ce chemin et cela fait des années que des pays africains « fêtent la musique » le 21 juin. Pourquoi cette date ? Parce qu’en France c’est cette date qui a été arrêtée. On ne se pose pas la question, on fait, on saute à pieds joints… Or, les Français fêtent ce jour là le solstice d’été. Je n’ai même pas envie d’entrer dans des détails à ce propos car l’été, on ne sait pas ce que c’est en Afrique centrale, en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest. Nous sommes vraiment des cas !
- Chaque année, en Occident, on décide de fêter une « journée ». Il y a des journées pour tout et pour rien du tout. Il suffit que cela soit décidé dans en Occident pour que chez nous, en bons élèves, surdoués et extrêmement disciplinés, on suive bêtement alors que nous avons tant de soucis, tant de problèmes qui nous pourrissent la vie et que nous abandonnons, préférant célébrer les journées des autres qui comme par enchantement, deviennent « internationales »…
Et si un jour nous décidions de faire un grand procès au christianisme et à l’islam, pour tous les maux que nos ancêtres ont subis et que nous continuons à subir? Quelque chose me dit qu’aucun de nos dirigeants ne me suivra dans ce combat…
Moi, le 01 novembre, au Congo, je n’allais jamais au cimetière. En Occident, non plus…
Obambe GAKOSSO, November 2013©