Epurebere, adi ibo ya ndziya yo: le blog d'Obambé Mboundze Ngakosso

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1 novembre 2013

1 novembre au Congo (1): le ridicule ne tue vraiment pas

Classé dans : Politique africaine — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 12 h 42 min

Vendredi 1 novembre 2013.

En tapant ces lignes, je n’ai pas encore regardé TV Congo de la journée, mais je suis prêt à parier qu’avant 23h59’, il nous sera offert des images du président de la République du Congo-Elf Aquitaine en train de fleurir les tombes des siens, dans son fief électoral, sis dans le département de la Cuvette.

1 novembre au Congo (1): le ridicule ne tue vraiment pas dans Politique africaine fleursL’événement en lui-même devrait être anecdotique et donc devrait être traité comme tel. Qu’un homme, fut-il chef d’État, même d’un ersatz d’État, aille fleurir la tombe de sa mère et de son père, devrait demeurer, à mon sens, une affaire strictement intime et les cameras, caméscopes et autres appareils servant à filmer cela ne devrait que faire l’objet d’un usage à caractère privé. Ce sont des choses que l’on fait en famille et que l’on regarde en famille, dans une société bien organisée. Hélas! au Congo-Mfoa, la frontière entre « privé » et « public » a été franchie depuis des lustres par le parti au pouvoir…

Il s’avère hélas ! que les Congolais sont devenus depuis des années prisonniers d’un système où ils sont obligés, bon gré mal gré, d’être spectateurs de tous les événements familiaux du chef de l’État. Il en est ainsi de chaque 1 novembre. Et la TV, au service d’un homme, d’un clan et d’un système nous en remet une couche des jours durant.

Le pire au Congo, je le dis et je le répète, ce n’est pas le président en tant que tel. Je ne cherche pas à le dédouaner : ce n’est pas dans ma nature et d’ailleurs, en le faisant, j’y perdrai en crédibilité. Le pire, à mon humble avis, ce sont ces hommes et ces femmes qui font partie de l’entourage du président, alors qu’ils sont payés (trop grassement à mon goût) par l’argent des Africains, et qui courent derrière le président tels des caniches pour aller à Oyo, Edou et Tsambitso, se mettre debout, en rang d’oignons, le doigt sur la couture du pantalon, avec tous et toutes des airs tristes comme s’ils venaient de perdre leurs enfants. Ils sont debout pendant que leur patron pose des fleurs.

La question que tout être humain doué d’un minimum de bon sens, devrait se poser est celle-ci : ces femmes et ces hommes qui ont tous déserté la capitale politique, Mfoa, pour aller faire la courbette dans le royaume d’Oyo, ils n’ont jamais eu un seul mort dans leurs familles ? Ils et elles ont encore aujourd’hui leurs pères et leurs mères vivants ? Ils n’ont jamais perdu un seul fils ni une seule fille ? Ils n’ont jamais connu la douleur de perdre un seul frère ou une seule sœur ? Vu le taux de mortalité en Afrique (en général) et au Congo (en particulier), sans connaître intimement ces femmes et ces hommes, je me permets d’en douter tout de même.

Comment peut-on être aussi larbin au point de renier sa propre famille biologique et de marcher ainsi sur nos valeurs ? J’ai du mal à comprendre… Est-ce simplement cette volonté farouche, cette envie quasi obsessionnelle d’avoir « un poste » comme disent si bien les Congolais, qui les poussent à s’aplatir de la sorte ? S’il n’y a que ça comme explication, je les plains, vraiment…

Des chantres du président, avec qui il m’est arrivé de discuter plusieurs fois de ce phénomène étrange, que l’on ne rencontre dans un pays sérieux au monde, défendent ardemment leur champion avec cet argument en bois : Ye moko A lingaka yango te. E zali bango moko bato ba landaka ye. (Lui-même est contre cela. Ce sont eux qui le suivent.) Je veux bien passer pour le premier ou le dernier des demeurés, mais à qui peut-on décemment faire avaler telle couleuvre ? Á force de croire à tous les mensonges et autres balivernes que leur servent leurs maîtres et pourvoyeurs de quelques deniers publics qu’ils veulent bien garder pour leurs fans, ces derniers veulent en faire autant avec nous autres qui essayons simplement de comprendre le pourquoi du comment de la déliquescence de la société congolaise : je les plains, ils m’inspirent vraiment de la pitié. Quel est ce dirigeant sérieux, rigoureux qui laisserait perdurer un système qui ne lui plaît et qui le dessert vraiment, autant de décennies ?

Pitié… Á d’autres…

Je me souviens d’un directeur de cabinet du même Denis Sassou Nguesso qui, dans les années 80, à l’occasion d’un 1 novembre, avait organisé le voyage de son patron, de la capitale pour Oyo. Quelle ne fut pas la surprise du président et de ses parents, amis et collaborateurs de se rendre compte que la liste des voyageurs était plus que réduite : pas un ministre, pas un directeur de cabinet etc. Devant la stupeur qu’on lui offrit, le directeur de cabinet dit : Vous n’avez pas de tombes à fleurir, de votre côté ?

Bien évidemment, parmi tous ces gens, personne n’a osé l’ouvrir : ils auraient dit quoi, de toutes les façons ? Les pauvres comptaient sur leur patron, dans l’espoir sans doute que ce dernier rabroue et donc désavoue son directeur de cabinet qui venait par là de commettre un acte d’une gravité inimaginable, dans les canons du PCT (Parti congolais du travail). Hélas ! pour tout le monde, le président ne dit point un seul mot. Ce qui, pour l’esprit même le moins avisé pourrait sembler signifier « Démerdez-vous ! je m’n lave les mains, moi ! »

Ponce Pilate a vraiment des adeptes par millions en ce bas monde.

Á y regarder de près, en son for intérieur, le président avait dû désavouer son directeur de cabinet car depuis le départ de ce dernier, cette pratique a repris et de plus fort belle manière encore. La plus grande ville du Congo se retrouve vidée de tous ses hauts cadres de l’administration publique dès qu’il y a le moindre événement à Oyo : décès, mariage, pose de fleurs, et (pourquoi pas ?) divorce. Qu’on ne trompe aucun Africain : nous ne sommes pas dupes. Le président aime ça et il adore même ça et il ne saurait en être autrement. Cet homme, que tous les Congolais reconnaissent comme le premier flic de notre enclos colonial sait, sent la moindre « absence » lorsqu’il passe en revue ses amis, ses collaborateurs, les amis de ses amis et les collaborateurs de ses collaborateurs. Il a un mot pour chaque personne dont il sert la pogne et, la réalité est là, implacable, sous nos yeux : gare à celui ou celle qui sera absent(e). Là encore, cet homme qui adore la France plus que tout, fait sien cet adage trop bien connu : Les absents ont toujours tort.

Les gens ont peur de perdre leurs maroquins, dans ce pays où, devenir ministre est la consécration de toute une existence, même si c’est pour devenir ministre 5 secondes : pourvu que l’histoire s’en souvienne… Les gens ont peur de perdre des marchés, dans ce pays où toutes les grosses légumes, leurs épouses, leurs époux, leurs enfants, leurs maîtresses etc. sont toutes et tous opérateurs et opératrices économiques. Qui est fou ? L’idée que la misère serait moins pénible au soleil (pour essayer de paraphraser Charles Aznavour) ne tient pas la route ici. Pauvreté et misère, ces hommes et ces femmes, ils ont connu et ne voudraient surtout pas y retourner. Pour cela, tel un voyage à Canossa, feront le leur des dizaines de fois dans l’année, à Oyo, qui est de fait devenue la nouvelle capitale politique et administrative de cet enclos colonial.

Á ce sujet, je réitère ma proposition de bâtir une nouvelle capitale au Congo tant Mfoa, pour mille et une raisons n’est plus viable. Je l’ai déjà dit et je le redirai. Monsieur le président, que ne faites-vous pas d’Oyo ou d’Edou la nouvelle capitale du pays ? Vous gagnerez (et le Congo aussi) en efficacité : vous éviterez ainsi les nombreux et couteux déplacements de vos équipes de Mfoa vers Oyo et vice-versa. Mfoa se viderait ainsi de nombreux militaires, de tous ses ministres etc. Et, le jour où il y aura un bon maire dans cette ville, on pourra tout y revoir afin que les gens vivent correctement.

Enfin, ce n’est qu’un avis…

 

Obambe GAKOSSO, November 2013

Une réponse à “1 novembre au Congo (1): le ridicule ne tue vraiment pas”

  1. Grace Bailhache dit :

    Hum…Si je n’étais pas bien assise, je serais tombée de ma chaise tant tu m’as fais me gondoler. J’adoooore quand tu feins d’ignorer que depuis la nuit des temps qui dit pouvoir, dit courtisans et autre solliciteurs. Kié ! kié ! kié !

    Loin d’ôter toute véracité à ton récit qui ne pourrait être plus juste, je persiste à croire que l’on a ce que l’on mérite, et comme disait l’autre qui ne dit mot consent, non ? Combien de chef de famille pratique ce courtisanisme au sein de leur famille ? Ils siègent non pas au palais mais dans leur demeure ou toute la journée défile la horde de parents propres venant quêter, qui l’argent pour le dernier rejeton de la famille née d’une maman à peine bachelière et d’un père qui l’est tout autant, les deux habitants bien entendu chez la grand-mère, celle là même qui porte à bout de bras sous son monde en murmurant les enfants sont une bénédiction, SIC ; qui encore l’argent pour les médicaments de la cousine machine qui a le palu, qui enfin pour une avance en attendant d’avoir sa solde qui tarde à arriver, RESIC ! Et tout ce beau monde attend patiemment et toute honte bu, que le Yaya puissant daigne leur faire l’aumône. Très souvent, sa majesté de la famille fait durer le plaisir pour bien montrer c’est qui, qui commande, non mais des fois…

    Ah ! Quelle volupté pour celui qui ne peut s’imposer autrement que d’humilier en toute impunité, ma foi des « victimes » consentantes.

    Non vraiment, cher Obambé, je m’interroge….

    Grace

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