L’inventaire à la mode Copé : les françafricains sont (un peu) pardonnés
Je vais être gentil aujourd’hui avec les dirigeants françafricains. Oui, une fois n’est pas coutume, je vais faire un petit mea culpa à leur endroit car je reconnais avoir été un tantinet trop dur envers eux.
Vraiment.
J’en suis fort navré.
Pour les Africains qui, comme moi, ne connaissent rien du tout à la politique, disons que l’échiquier politique français est grosso modo divisé en deux grands camps : la droite et la gauche. Les premiers disent qu’ils sont conservateurs mais disent en même temps prôner une économie où le marché serait libre de faire ce qu’il veut, sans la moindre intervention de l’État, mais ça reste un discours, sans plus.
Dans la droite donc, ces derniers mois, il y a eu une terrible agitation entre ses membres : il était question de savoir s’il fallait faire l’inventaire de la présidence de Nicolas Sarkozy ou pas. Grande question philosophique pour ce grand homme, fin lettré, très cultivé, qu’est Sarkozy et dont une partie des amis, voulait passer à la loupe son mandat (2007-2012).
Ne comprenant rien à la politique, j’ai toujours eu tendance à juger nulle voire négative l’action de Sarkozy. Je m’étais dit qu’avec cet inventaire, j’allais sûrement apprendre des choses concernant les bienfaits de cet immense président, au même titre que les Africains ont toujours su apprécier les célèbres bienfaits de la colonisation. Quelle n’a pas été ma surprise en entendant Jean-François Copé, président de l’UMP (Union pour un mouvement populaire, le parti auquel appartient Sarkozy), président démocratiquement élu, comme tout le monde le sait, dans la très grande tradition démocratique française, faire cet inventaire.
Je n’ai pas été déçu du voyage, en faisant ma revue de presse. Entre nous soi-dit, je n’allais pas perdre mon temps à écouter cet homme qui pour moi comme pour vous (je le sais) a autant d’intérêt qu’un grain de sable à Bassam ou à Nkongsamba. Le jeudi 17 octobre 2013 dernier donc, le sieur Copé s’est effectivement livré à un inventaire, mais pas exactement comme prévu : il a fait celui du hollandisme ! Les 500 premiers jours du président François Hollande, il a essayé de les passer en revue, au lieu de traiter des 5 ans (1827 jours) de Sarkozy.
5 heures durant : bigre !
Le plus drôle, c’est qu’il a été applaudi par ses amis, présents dans la salle. Savaient-ils vraiment de quoi il était question ou étaient-ils complices ?
J’ai eu une pensée émue pour les serviteurs zélés de la françafrique qui nous servent de dirigeants et qui, souvent, à l’unisson, se mettent à répéter des mots étranges dont on se demande d’où ils sortent :
v Développement ;
v Mondialisation ;
v Globalisation ;
v Émergence ;
D’une part, ils ne savent pas eux-mêmes de quoi il parlent et, d’autre part, quand on regarde la pratique, en effet, cela n’a plus rien à voir avec les définitions mêmes de ces concepts. Le second constat n’est que la conséquence du premier. Comment peut-on parler correctement de ce dont ignore tout de bout en bout ? Comment peut-on appliquer ce que l’on ne connaît ni de Songolo ni de Pakala ?
Ces françafricains, qui sont admirateurs du moindre pékin débarquant de Roissy Charles de Gaulle pour leur apprendre non seulement à parler le français, mais aussi pour leur apprendre les nouveaux mots, définis, codifiés par des « experts » dont l’expertise n’est connue et reconnue que dans des endroits aussi grands qu’une cabine téléphonique, sont les élèves zélés des Copé et autres qui, depuis Meaux et autres recoins de la France.
Comment blâmer, dans de telles conditions, ces pauvres hères qui, dès qu’on appuie du côté de Paris ou de Bretton Woods, se mettent à pérorer et ne s’arrêtent que lorsque leurs maîtres l’ont décidé.
Avant-hier, on leur a dit « Vous devez vous développer ! » ils se sont mis à nous dire « Nous devons nous développer », en omettant soigneusement de dire « Le Blanc a dit il faut se développer. C’est bon pour nous ! » Quand l’Occident a estimé que le jeu du « développement » devenait ennuyeux, il a inventé le jeu es PAS (Programmes d’ajustement structurel). Et nos dirigeants ont dit « Il faut faire les PAS, c’est bon pour nous ! » Quand les amusements avec les PAS ne les intéressaient plus du tout, ils ont proposé un nouveau jeu appelé démocratie. Là, les françafricains ont d’abord voulu grincer des dents. Ce jeu, au début, ils ne l’ont pas bien compris : ils croyaient que c’était un jeu où le peuple, d’après les maîtres du jeu, auraient le droit de se choisir leurs présidents, leurs députés etc. Les maîtres du monde les ont rassurés en leur disant « N’ayez crainte. Ce qui compte en démocratie, ce ne sont pas les élections, mais c’est celui qui compte les bulletins. » Nos dirigeants ont rigolé un bon coup et se sont mis à jouer à la démocratie.
Sans savoir ce que ça voulait dire, encore une fois.
Puis est venu le temps d’un autre jeu avec à l’intérieur deux jeux en réalité : tantôt on l’appelait mondialisation, quelques fois globalisation. Nos dirigeants, bien qu’ayant eu très mal au crâne (car personne, raisonnablement n’est à même de différencier la globalisation de la mondialisation, ceux qui y arrivent racontent des histoires, à mon avis), ils sont rentrés de Paris, de Brussels et Washington et nous ont dit : « Il faut se globaliser, il nous faut nous mondialiser car cela est bon pour nous, ce sont les Occidentaux qui l’ont dit. » Et, tels des moutons, nous voilà lancés dans le navire de la globalisation/mondialisation.
Récemment, les Occidentaux, voyant que ce double jeu prenait eaux de toutes parts (il n’y a qu’à voir comment les altermondialistes et les antimondialistes ont ouvert les yeux des damnés de la terre, pour ceux qui les gardaient désespérément fermés) et ont crée un nouveau jeu : l’émergence. Que l’on aille à Dakar (depuis l’époque Abdoulaye Wade), à Abidjan, à Yaoundé, à Libreville et à Mfoa, ce mot est à la mode. Il y a comme un pacte qui a été signé dans nos enclos coloniaux afin que députés, ministres, journalistes et présidents serinent ce mot à minuit, minuit une, minuit deux,… et vingt-trois heures cinquante-neuf. L’Afrique dite francophone a dû jurer à ses maîtres qu’elle aussi serait émergente et les agendas sont connus : gare à celui qui ne sera pas émergent, entre 2025 et 2035.
Franchement, de vous à moi, vous ne ressentez pas une once de tendresse avec une pincée de compassion pour ces grands enfants qui en réalité, ne savent vraiment pas de quoi il est question ? Il me font penser à ces enfants qui, lorsqu’ils arrivent à une fête foraine sont fous de joie en gagnant le moindre jeu, ignorant qu’entre temps, ils se sont fait plumés comme il fallait.
Ainsi est notre destin.
Celui d’être conduits par des gens ignorant ce qu’ils disent et ce qu’ils font : mais puisqu’eux-mêmes leurs maîtres, en réalité n’en savent pas plus…
Obambe GAKOSSO, October 2013©