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25 octobre 2013

« Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire » (2) de Sylvia Serbin

Classé dans : Lectures — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 0 h 11 min

Deuxième volet de la présentation de l’essai de Sylvia Serbin, Reines d’Afrique, héroïnes de la diaspora noire, *, essai qui devrait se retrouver non seulement dans le sac à main de chacune de nos sœurs, mais aussi dans les bibliothèques de nous autres, les mâles du continent et de la diaspora.

Ce livre est de qualité, ce n’est pas peu de le dire. L’auteure a réuni une bibliographie en grande partie de qualité (pages 293 à 301) où les titres des livres et des articles, sans oublier leurs auteurs, sont listés. C’est dire que ce n’est pas le fruit de son imagination qui jalonne les trois centaines de pages de l’ouvrage. Les dames citées dans le livre ont toutes existé. Si des pans de leurs vies ont une part plus ou moins belle de légende, sur l’essentiel, c’est documenté. Et quand l’auteure donne son avis (ce qui n’est pas très fréquent), elle le donne et le dit. Quand elle fait parler le griots et autres conteurs, c’est fait.

Après les reines Ranavalona III, de Madagascar et Ndette Yalla de Walo, hier, place aujourd’hui à deux autres grandes dames pour qui j’ai la plus grande admiration, et qui ont trouvé grâce aux yeux de l’auteure qui leur a consacré de belles lignes. J’ai choisi les ancêtres Harriet Tubman, la reine Zingha d’Angola.

ht dans LecturesAu sujet de Tubman, je dis d’emblée que je suis toujours gêné et même révolté lorsque je lis que cette dame est appelée La Moïse du peuple noir américain. Si, durant mon enfance, les films américains m’ont fait croire que Moïse (Moshé, pour être précis, car en hébreu, c’est comme ça que cela se dit et s’écrit) libéra en Égypte (donc en terre africaine) ses compatriotes, les Hébreux, l’histoire écrite par des Hommes sérieux a démonté ce mythe et l’a fait voler de toutes pièces, à tel point qu’il est même extrêmement difficile d’en retrouver des miettes pour recoller les morceaux. Cependant, le fait que cette expression soit reprise ici n’enlève rien à la qualité du texte concernant cette immense dame qui, si nous nous réjouissons vraiment qu’elle ait marqué l’histoire américaine de son immense empreinte, nous ne pouvons que regretter qu’elle soit si méconnue par les Africains

 

Il y a une phrase d’elle que j’ai lue une fois et qui demeure à jamais gravée dans le marbre, dans le granite et dans le granit de ma mémoire :Si j’avais pu convaincre plus d’esclaves qu’ils étaient bien des esclaves, j’aurais pu en sauver des milliers. Une telle phrase, comme celles que j’ai sélectionnées hier, pose et repose sans cesse les mêmes questions : que veut le peuple noir ? que veulent de nous nos dirigeants ? combien parmi nous sont conscients que nous sommes en guerre depuis des siècles et que l’on ne peut décemment croire qu’il suffit de quelques diplômes, d’une belle maison, d’une belle voiture, de très belles parures, pour croire que nous sommes sortis de l’ornière ?

Née Araminta Ross, en 1819 (1820 ?) dans la plantation de coton de Dorchester, de Benjamin Ross et Harriet Greene, tous deux esclaves, Tubman échappe par miracle au maître qui a vendu à d’autres négriers quasiment tous ses frères et ses sœurs. C’est à l’occasion de la fuite de cette plantation, qu’elle vire le prénom qu’avait imposé le maître, Araminta. Déjà une marque de révolte. Une autre. On a affaire ici à une dame qui ne s’en laissait pas compter et, ce n’est pas étonnant qu’elle ait voué sa vie à libérer ses frères et sœurs, du joug esclavagiste. Elle savait d’où elle venait et savait où elle voulait amener son peuple. ses descendants que nous sommes, avons souvent tendance à suivre, acclamer, encourager et applaudir n’importe qui… Pauvres de nous !

Lorsqu’elle s’échappait, conduisant ses troupes, cette dame avait une arme à feu sur elle. Toujours. Et si un s’amusait à se plaindre de quelque douleur que ce soit, mettant ainsi la communauté en danger, elle lui braquait son arme sur lui et lui disait : Mon frère, tu marches ou tu meurs. Car mort, tu ne parleras pas. Combien  parmi nos dirigeants actuels sont capables de se débarrasser des canards boiteux que nous avons dans nos gouvernements, dans nos Fonctions publiques ? On se laisse aller par les sentiments car X est un militant du parti, Y est un beau-frère et Z est une maîtresse. Et après, on se plaint que les choses ne marchent pas…

Laissons parler la grande dame : Je n’ai jamais eu à utiliser mon arme (…) mais une fois, j’ai été près de le faire et je n’aurais pas hésité parce que trop de vies étaient en jeu. Dans un groupe que je conduisais, au deuxième jour de marche, un homme se mit à se plaindre qu’il était fatigué, que ses pieds étaient enflés, qu’il n’était pas question qu’il poursuivre son chemin et qu’il préférait retourner mourir à la plantation s’il le fallait. Les autres ont tout fait pour le convaincre, l’ont supplié de faire un effort, mais en vain. Ils ont bassiné ses pieds, lui ont proposé de le soutenir. Rien à faire, il voulait rebrousser chemin. Alors j’ai dit aux autres garçons de sortir leurs revolvers de leur poche et qu’on le tuerait tous ensemble. Ils ont obéi aussitôt. Dès qu’il a entendu ça, le gars s’est relevé d’un coup et comme par enchantement il s’est retrouvé en aussi bonne forme que n’importe qui ! Je n’aurais pas mis en péril une entreprise aussi dangereuse à cause d’un trouillard.

Je dis, RES-PECT !

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On le sait, mais ce n’est pas peu de le rappeler : Gabon, Cameroun, Côte d’Ivoire, etc. sont des noms que nous devons à la colonisation. L’Angola fait partie des territoires africains qui échappent à cette tare. Ce nom est dû au titre porté naguère par le souverain du royaume de Ndongo, que l’on appelait Ngola. C’est là que régna la grande reine Zingha d’Angola, de son nom complet, Ngola mbandi Nzinga Bandi Kia Ngola. La signification de ce joli et merveilleux nom ? « La reine dont la flèche touche toujours le but ». Le programme est annoncé.

La dame vécut 82 ans, elle, la fille du huitième roi d’Angola, a régné de 1624 à 1644, après avoir succédé à son frère (un roi cruel), Mani Ngola. C’était une époque où Portugais et Néerlandais avaient déjà quitté leur continent pour venir voler les richesses de nos ancêtres. La supériorité militaire des assaillants et autres envahisseurs obligeaient certains de nos souverains à « composer » avec eux. Très habile, tacticienne hors pair, Zingha d’Angola, qui avait conscience de ces éléments, lâchait tantôt du lest, mais savait rester ferme quand il fallait défendre les intérêts de ses sujets. Ses propos, eux aussi, comme ceux des grandes dames vues hier, comme ceux de Tubman, devraient avoir leur place dans toutes les écoles africaines, de la maternelle à l’université.

 

En 1622, devant Don Correia da Souza, représentant de la couronne portugaise, elle dit : Sachez, Monsieur, que si les Portugais ont l’avantage (…) des savoirs inconnus des Africains, les hommes du Matamba, eux, ont le privilège d’être dans leur patrie, au milieu des richesses que, malgré tout son pouvoir, le roi du Portugal ne pourra jamais donner à ses sujets.

 

Quand elle prend le pouvoir, elle commence par aguerrir son armée. Son infanterie est organisée en carrés disciplinés. Dès lors, elle était prête à reprendre le flambeau de la résistance vis-à-vis des Européens. Là aussi, je me sens obligé de mettre une pause en pensant aux actuelles dirigeants africains en général, et à ceux du pré carré français en particulier : quand ils arrivent aux affaires, que font-ils ?Nous n’avons même pas une seule armée capable de nous défendre en cas d’agression extérieure. Voilà une jeune dame qui elle, avait déjà compris cela. avait-elle fait quelque grande université de ce monde ? Son université, c’était son peuple. Son université, c’était l’école de la vie avec une famille qui lui avait inculqué l’amour de sa terre et non pas le larbinisme et la soumission envers autrui, un autrui venu des outremers.

 

Son royaume était petit car les Portugais, depuis qu’ils s’étaient installés sur les côtes, n’avaient eu de cesse de grignoter des espaces, comme le font tous les voleurs et autres bandits de grand chemin. Zingha d’Angola va donc contracter des alliances solides avec des États voisins afin de s’unir pour faire front, ensemble, face aux envahisseurs. N’est-ce pas une forme de Panafricanisme avant l’heure ?

 

En 1648, les Néerlandais, qui avaient fait alliance avec l’Angola, trahissent cette alliance en s’alliant avec les Portugais. En effet, en Europe, certains estiment qu’ils ne peuvent se canarder de la sorte sur le continent et que certains arrangements sont plus intéressants pour eux au lieu de continuer à se tirer ainsi la bourre. Exit les Néerlandais (qui ont la « décence » de prévenir les Angolais) qui cèdent la place totale aux Portugais qui n’étaient pas complètement partis. Le nouveau gouverneur portugais, qui ne savait pas à qui il avait affaire va gouter à son tour aux paroles volcaniques de cette dame : Le roi du Portugal, dit-on, consent à m’accorder quelques provinces de mon royaume d’Angola. Quel droit a-t-il sur mes États ? En ai-je sur les siens ? Est-ce parce qu’il est aujourd’hui le plus fort ? Mais la loi du plus fort ne prouve que la puissance et ne légitime jamais de telles usurpations. Le roi du Portugal ne fera donc qu’un acte de justice et non pas de générosité en me restituant non pas quelques provinces mais tout mon royaume sur lequel ni sa naissance ni sa force ne lui donnent aucun titre.

 

Voilà des dames qui, si elles étaient encore de ce monde, commenceraient par rire de nos actuels dirigeables et marcheraient sur leurs palais pour leur arracher le pouvoir.

 

 

 

Obambe GAKOSSO, October 2013©

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*: Paru en 2004, 18€, éditions Sépia

2 réponses à “« Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire » (2) de Sylvia Serbin”

  1. Grace Bailhache dit :

    Rien à dire, cet article est juste parfait, de bout en bout. Madame Serbin ne pouvait rêver meilleure note de lecture que celle-ci.

    Si je n’avais pas déjà, j’achèterais rien qu’à te lire Obambé.

    Grace

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