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Kemet (l'Afrique), les Kamit (les Africains), leurs relations avec le reste du monde, les essais qui me frappent, etc., voilà les sujets de cet espace

8 octobre 2013

Lampedusa ou, encore une fois, la faillite de l’UA et nos « présidents »

Classé dans : Politique africaine — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 0 h 32 min

Combien étaient-ils en partant de la côte africaine où ils avaient embarqué ? Je ne sais pas. Combien sont-ils à avoir perdu la vie aux abords des côtes européennes ? Je ne sais pas non plus et personne ne le saura. Sans doute. En tout cas pas sous peu.

Lampedusa ou, encore une fois, la faillite de l'UA et nos Le calvaire vécu par les survivants de ce navire, il faut sans doute l’avoir vécu pour le comprendre. Vraiment. Les anciens, en Afrique, nous disaient que l’aiguille dans la chair de l’autre ne fait pas mal. Si physiquement cette assertion est vraie, je me demande toujours comment un Africain peut indifférent en voyant d’autres Africains mourir ainsi, dans des eaux dangereuses…

Je me souviens.

Oui, je me souviens encore du temps où mon postérieur chauffait les chaises d’une école du côté du Maroc. Parmi ceux que les Marocains appelaient les Africains (c’est-à-dire nous, les Nègres, venant du Sud du Sahara), tout le monde n’était pas là pour étudier. D’années en années, on en connaissait qui arrivaient dans le royaume chérifien pour aller se chercher en Europe. Si les pays qui avaient la côte étaient la France, le Royaume Uni et les Pays-Bas, en particulier, il faut dire qu’en général, c’était l’Union européenne surtout, en général, qui attirait le chaland. Mis à part le Portugal, j’entendais les gens être prêts à aller tenter leur chance en Europe du Nord voire en Europe de l’Est.

Je me souviens.

Oui, je me souviens par exemple d’Y.N. qui était parti de Mfoa par bateau, jusqu’au Nord de ce pays puis avait marché à travers la RCA. Via des moyens de transports modernes (camions, voitures), il était arrivé au Tchad. Là, un gars lui avait même proposé, me dira-t-il, sa sœur à épouser, moyennant un petit commerce à tenir. Mais lui, il voulait aller en Europe. Rien d’autre. Il voulait aller au pays des Blancs pour gagner de l’argent et s’occuper de sa nana rester à Mfoa, enceinte de ses œuvres. Il y avait là-bas aussi sa maman, pauvre femme seule qui depuis des années se débrouillait pour élever ses enfants.

Y.N. avait arrêté ses études en classe de cinquième. Faute de moyens pour étudier. Du Tchad, il était arrivé au Niger via un petit détour au Nigeria. Ensuite, ce fut le Mali. Là, il prit, grâce à son petit-frère vivant et travaillant en Occident, il était monté pour la première fois dans un avion et avait atterri à l’aéroport Mohammed V de Casablanca au Maroc. Un an plus tard, il avait réussi à traverser le détroit de Gibraltar pour se retrouver en Europe.

Il avait atteint sa terre promise.

Je sais.

Je sais que des destins comme ceux d’Y.N. ne sont pas légion.

Ils ne sont plus du tout légion.

Les conditions d’accès en Occident, de façon clandestine comme de façon légale sont de plus en plus restreintes. L’Europe (qui en a parfaitement le droit), se barricade et devient telle une citadelle qui se veut imprenable aux damnés de la terre. Nous sommes nombreux à le savoir.

Je n’ai jamais fait partie de ces Africains qui mettent des costumes et des cravates pour aller faire des photos devant, dans la Tour Eiffel afin que les parents demeurés au pays rêvent et m’envient. Non ! J’ai horreur de ça et quand ce n’est pas professionnel, il est de plus en plus difficile de me voir en cravate. Et quant aux photos à la Tour Eiffel, je m’en fous comme de l’an 0.

En même temps, je n’ai jamais fait partie non plus des Africains qui par tous les moyens empêchent ou veulent empêcher les autres de venir en Europe. L’Europe, ce n’est pas chez moi, je n’y suis que de passage en attendant de rentrer chez moi. Définitivement. Je dis la vérité sur ma vie, celle de mes petits-frères et de ce que je sais ici en Occident. Je ne suis pas un marchand d’illusions et j’estime que chacun est libre de choisir la vie qui lui convient.

Mon problème, ce sont les dirigeants africains ou ceux qui en tiennent lieu. Qu’est-ce que ces gens ont donc dans le crâne au point de laisser des enfants et des jeunes, voire parfois des femmes enceintes, monter dans des barques aux larges du Sénégal, de la Mauritanie, du Maroc etc. pour aller tenter la mort, ainsi, dans les eaux internationales ? J’ai toujours pensé que l’une des missions premières d’un État était de protéger ses citoyens. Il faut dire avec force que sur ce plan, nos États dans l’ensemble, avec l’UA comme émanation, ont brillamment, lamentablement échoué.

L’échec est flagrant.

Quand des pères et des mères de famille en arrivent à hypothéquer parfois un bien immobilier afin qu’un fils aille se chercher ainsi en Occident, c’est qu’il y a vraiment des choses que nous avons manquées. Si des jeunes dans la force de l’âge sont prêts à braver 45 voire 55°C dans le Sahara, pour aller d’abord subir les pires actes de racisme en Lybie puis tenter le diable à travers la Méditerranée, les Africains doivent se dire que collectivement, il y a des trains que nous avons loupés.

Quand, en 1985, le Mwalimu Kabarange Nyerere eut le choix entre appliquer les politiques drastiques du FMI et demander de l’aide ailleurs (ce qui revient au même), il rendit son tablier. Il démissionna en nous laissant un discours qui non seulement fait encore date, mais de plus, devrait être distribué à tous nos chefs qui parlent en nos noms et prénoms partout à travers le monde, chaque jour que Dame Nature fait, lors de sommets, colloques et autres congrès. Le Mwalimu, il avait de la dignité. Lui.

Messieurs et mesdames les responsables politiques, vous qui avez la charge de gérer les affaires courantes du continent, honte sur vous, honte à vous. Vous êtes les premiers responsables des morts de Lampedusa. Au moment où l’Italie, très hypocritement, décrète un deuil national, vous vous taisez alors que c’est à vous d’être en première ligne car ce sont vos enfants qui sont morts. Quels sont donc ces parents qui laissent autrui s’occuper des dépouilles de leurs enfants ?

Au moment où l’Europe, comme d’habitude, dans la politique de l’émotion dit tout et son contraire sur ces morts, on ne vous voit ni vous entend. Vous êtes aux abonnés absents. Comme si ces enfants qui étaient morts venaient d’une autre planète.

 

 

Monsieur le président Macky Sall,

Ne vous a-t-on pas vu aller promettre au président Normal premier que si besoin vous aideriez la France à aller guerroyer en Syrie ? Quid alors de ces jeunes Africains, vos propres compatriotes qui meurent car ils ne trouvent pas une parcelle de bonheur sur leur continent ? Sur VOTRE continent ?

Je ne citerai pas nommément les autres présidents. Ce serait trop long et je sais que certains seraient trop heureux d’avoir été cités car ce qui les intéresse par-dessus tout, telle une fille de joie, c’est que l’on parle d’eux. Peu importe ce que l’on en dit. Pourvu que l’on parle d’eux.

Je n’ai que mon pauvre clavier pour parler des morts de Lampedusa. Rien de plus.

Je connais des Congolais, souvent sympathisants du parti au pouvoir, qui me poseront la même question : Si tu étais au pouvoir, Bambi, tu ne ferais rien de mieux. Possible, je réponds toujours. Sauf que moi, je ne suis pas aux affaires. Moi !

Paix aux âmes de mes frère et sœurs qui ont péri dans ces eaux tumultueuses. Que nos ancêtres, nos seuls guides, veuillent bien les accueillir comme il se doit. Eux qui ont fui une vie où ils étaient déjà morts depuis belle lurette pour aller croiser la grande faucheuse sur le chemin de ce qu’ils croyaient être le paradis.

Obambe GAKOSSO, October 2013©

 

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