Combien coûtent les dirigeants africains?

Cette question que je pose au début de ce billet peut paraître injurieux (la liste de mes copains ne fera que s’allonger, je sais), mais j’ai été tenté de la poser après avoir appris en ce début de mois d’octobre 2013 que les USA avaient offert 1 million de $ US (484.765.747,28 francs coloniaux), comme participation, afin que le procès de l’ancien président tchadien Hissène Habré ait lieu – enfin !

Une parenthèse que je vais vite refermer. Les histoires de shopping de nos excellences, de leurs épouses, de leurs makangu (maîtresses), centièmes épouses, en général, je n’en parle jamais. Mais là, en même temps que j’apprenais ce « don » de la part des USA, j’apprenais aussi qu’une certaine Marième Faye se serait payée un sac à 2 millions de francs coloniaux. Il s’avère que cette dame n’est autre que l’épouse du président sénégalais, Macky Sall. Le même site nous apprend qu’elle aurait claqué 4.000 $ US (1.937.460,62 francs coloniaux) pour un sac à mains. Bon, on va arrêter les frais là et si la suite vous intéresse, allez là.

Pour la petite histoire, Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, quand il sera chassé du pouvoir par un de ses ex-collaborateurs, un certain Idriss Déby (pas encore Idriss Déby Itno, à cette époque). Les couples en politique, ça ne finit pas toujours bien, surtout que, comme l’avait si bien dit le président Koudou Gbagbo, Il n’y a pas un banc présidentiel où on peut poser deux paires de fesses, mais seulement un fauteuil présidentiel. Quelques années après sa fuite de Ndjamena et du Tchad, Habré, réfugié à Dakar, s’est retrouvé avec un nombre incroyable de casseroles suite aux plaintes déposées par des Africains, en Belgique, profitant de la Loi de compétence universelle qui était alors en vigueur dans ce pays. Malgré l’abrogation de cette loi en 2003, les plaignants n’ont pas baissé les bras et ont continué. Le Sénégal dirigé alors par le président Abdoulaye Wade a refusé d’organiser ce procès (il n’y a pas d’autres mots). Sans la moindre gêne, ce président qui profitait de la moindre occasion pour dire qu’il était agrégé de tout (donc de rien du tout), était même allé jusqu’à demander à ce que certains appellent la « Communauté internationale ».

Voilà un homme qui, au sujet des réparations demandées par certains Africains (du continent et de la diaspora), disait qu’il était contre toute réparation financière, ne s’est gêné pour mendier des subsides afin d’organiser un procès dans son enclos colonial, pour juger un de ses compatriotes africains. J’ai un seul regret en pensant à son célèbre crâne rasé et à cet homme de plus en plus émacié qu’est Habré : que Wade ne soit pas allé au bout de sa logique en remettant Habré à l’UA (Union africaine). Dommage, on aurait bien ri. Les Africains savent-ils combien le Wade avait demandé à l’Occident pour juger l’Habré ? Restez bien assis : 18 milliards de francs coloniaux. Et dire qu’il se dit Panafricain…

Pauvres de nous !!!

Bref ! Wade (père), battu aux élections, le procès Habré n’a toujours pas eu lieu. Je doute vraiment que le nouvel élu, Sall, ait envie que cela se passe. Il doit s’en préoccuper comme de sa première bille dans les rues de Fatick.

Dans l’esprit des non-Africains qui suivent cette affaire rocambolesque (et somme toute honteuse), il ne fait aucun doute que la conclusion est aussi implacable que l’eau de source des plus belles sources d’Afrique : les dirigeants africains ne veulent pas que ce procès ait lieu. Tout simplement. Pour plus d’une raison et dont la principale est que, entre eux, dans l’ensemble, ils ne voient pas en quoi Habré aurait péché. Je pense très sincèrement que s’il y avait un seul chef d’État sur notre continent, soucieux de justice, il aurait demandé que le Habré lui soit livré afin qu’il le jugeât.

Que nenni.

Habré vieillit tranquillement à Dakar, où il avait débarqué avec, dit-on, plein de milliards de francs coloniaux et, dit-on toujours, selon des sources bien informées, il aurait tellement injecté ses milliards (les nôtres en fait) dans le commerce et au sein de certains milieux décisionnels que ces derniers lui sont devenus avec le temps redevables.

Ok ! Laissons tout ça et revenons donc à cette somme « offerte » généreusement par les USA : 1.000.000 de $ US. Les mêmes questions que nous nous posons tous les jours reviennent sur le tapis :

-      Les dirigeants africains sont-ils au courant que les USA sont en panne de budget et que, de ce fait, ils sont obligés de renvoyer certains fonctionnaires chez eux, faute de pouvoir les payer ? Comment un pays qui est, qui serait incapable de payer ses propres agents, pourrait-il trouver une somme aussi importante (pour nous) afin qu’un procès dont ils n’ont pis que pendre ait lieu ? Je veux bien qu’on nous prenne pour les êtres les plus débiles de la terre, mais il y a des boas qu’on ne peut décemment pas avaler. Aussi aisément, en plus…

-      Suite à cette crise parlementaire et gouvernementale aux USA, l’État fédéral US est paralysé. Et ces gens vont, comme par magie trouver des sous pour juger un pauvre Nègre sans la moindre importance politique hors du Sénégal ? Les dirigeants africains qui acceptent ce genre de deals fument quelles substances ?

-      Si nous n’avons pas d’argent pour le juger, que ne le laissons-nous pas libres de rentrer au Tchad afin de passer à autre chose car ce ne sont pas les dossiers qui manquent sur le continent et pour les Africains ?

Si on tient à le juger, voici quelques pistes que je propose :

-      La solidarité religieuse ayant une certaine importance au sein des religions prétendument révélées et, Habré ayant causé du tort aussi, a priori, à des musulmans, pourquoi ne pas solliciter les centaines de millions que nous avons sur le continent – nous dit-on – afin de collecter assez d’argent et d’organiser son procès ?

-      Des chrétiens aussi ont été, a priori, victimes des atrocités du régime de cet homme, les chrétiens du continent pourraient être sollicités aussi, non ?

Oui, je suis délibérément fantaisiste et sarcastique sur la fin, car nos dirigeants, sincèrement, font tellement pâle figure qu’on a l’impression d’être dans un cirque géant. Se faire acheter pour 1.000.000 de $ US : ce serait donc leur prix, à nos dirigeants ?

Obambe GAKOSSO, October 2013