« Coopération »: le Congo gagne un point de plus dans le concours du ridicule…

Les Congolais savent-ils ce qu’est une Mission locale ? Ou plutôt, pour parler proprement le franssé de Fransse, une Mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale de la jeunesse ? Je parierai mes ongles (doigts et orteils), mes cheveux et mon premier tee-shirt qui me permit de faire du sport en classe de sixième que non.

J’ai rigolé hier soir en lisant sur ce qui sert de site officiel à l’État qu’il venait d’être signé Un partenariat dans le domaine de l’éducation civique (…) entre le gouvernement congolais et la Mission locale de l’arrondissement de Saint-Omer (France). L’accord s’inscrit dans le cadre d’un échange de pratiques, de procédés et de mise en œuvre commune des politiques liées à l’éducation des jeunes.

Je l’ai déjà dit ici : chaque jour le Congo, involontairement, nous donne l’occasion de nous gausser de lui. Avec ce gouvernement, pas besoin d’aller au cirque, ni au théâtre. Même tous les films du regretté Louis de Funès ne peuvent rivaliser avec l’imagination débordante et le côté burlesque de nos bienheureux gouvernants. Non, vraiment, ce n’est pas possible : chaque jour ils vont de plus en plus loin. On a l’impression d’assister à une course à l’échalote où chaque ministre (plein, délégué), secrétaire d’État va en France, trouve de bons Blancs, dirigeant une ou des structures, les ramènent en Afrique et, devant les cameras de TV Congo, se lancent dans un concours de signatures comme pour dire aux Africains, Bo moni ? Ngaï mpe na yi na Mizungu na nga. Ba kosunga biso, bo komona mboka E kobonga ! Bo kanisaki nini ? *

Combien de fois ai-je lu Peau noire, masques blancs, du trop regretté Frantz Fanon ? Combien de fois n’ai-je pas lu Portrait du colonisé** d’Albert Memmi ? Je me dis tous les jours, Je ne comprends pas.

Non, je ne comprends pas comment nous avons pu développer un tel complexe d’infériorité envers l’Occidental au point que les élites gouvernantes congolaises (dans notre cas de figure) et les autres dirigeants françafricains, aient intégré dans leurs crânes et dans une partie des crânes de notre plèbe qu’il n’y a point de salut en dehors de l’amère patrie, la France ?

Mon cerveau doit être vraiment trop riquiqui pour ne pas comprendre ce genre de choses… J’ai encore en mémoire une réunion politique, de Congolais, à laquelle j’avais participé l’an dernier. Avec des camarades, nous avions expliqué et démontré (aucun mérite là, je tiens à le rappeler) que nous ne pouvions envisager quelque avenir doré, paisible au Congo, si la question du lien avec la France n’était mise sur la table et traitée avec la minutie et l’acuité requises. Et un bonhomme, pas très courageux, de dire : J’ai entendu des gens dire ici que nous pouvons nous passer de la France. Les gens croient vraiment qu’on peut se passer de la France ? Vraiment ? C’est impossible !

J’ai eu de la peine pour cet homme. Je dirais même que j’ai eu pitié de lui. Que faire avec de tels Africains ? « Développer » l’Afrique comme ils disent : je veux bien essayer, mais avec quels Africains ? Aborder les luttes afin que la plèbe ait de l’eau courante et de l’électricité 24 h/ 24, oui, mais avec quels Africains ? C’est là qu’on a envie de revenir à ce clivage « anglophones » Vs « francophones ». Là, hélas ! on donne raison une fois de plus aux colons qui ont réussi à nous inoculer non seulement le virus et la bactérie de la division, mais en plus, nous en vivons, nous en respirons tous les jours…

La plus grande ruse du diable est, dit-on, d’avoir réussi à faire croire aux humains qu’il n’existe pas. Je n’ai jamais vu le diable et pas connu la colonisation officielle (né quelques années après), je peux affirmer que le colon, malgré tout, je l’ai vu, je le connais et j’aurais même la prétention de dire que j’ai une assez relative connaissance de lui et de ses desseins : que n’a-t-il pas fait à mon peuple, en Asie et en Amérique, pour que je vive encore dans la sottise de croire qu’il peut me vouloir du bien au point d’envoyer, par exemple, une délégation dépenser de l’argent pour mon peuple.

Doit-on rappeler aux Africains dits francophones (en général) et aux Congolais (en particulier) que les caisses de l’État français sont vides ? Doit-on leur apprendre que depuis 5 ans, comme nombre de pays occidentaux, la France qui est incapable d’avoir un budget équilibré depuis des décennies, vit une crise terrible au point que nombre de Français ne sont même plus capables d’aller voir un médecin spécialisé (dentiste, ophtalmo, etc.) ni même un médecin généraliste ?

Posons-nous un instant. Mettons nos parchemins de côté. Laissons à la cave nos immenses connaissances et nos savoirs que nous croyons souvent infinis et essayons de comprendre comment un pays qui n’est même pas capable de s’occuper de sa propre population, qui n’arrive pas à gérer la question des Roms, qui doit un argent fou à nos grands-parents soldats (appelés « Tirailleurs sénégalais »), pourrait, par le biais d’une Mission locale, aider nos jeunes à trouver leur chemin d’avenir ?

Je veux bien que nous soyons naïfs, gentils, mais il devrait tout de même y avoir des limites à ces comportements…

Je vois que sur Word, j’en suis déjà à 3 pages. Je vais m’arrêter là en disant que la commune de Saint-Omer est une ville d’un peu plus de 14.000 habitants (même pas la moitié de la population de Ouesso) et que cette ville avait en 2010 un taux de chômage de 11,9%. Je doute qu’en trois ans, ce taux soit revenu à la baisse, vu ce que subissent et la région Nord-Pas-de-Calais (où se trouve cette ville) et la France.

Á ce lien, un aperçu de quelques chiffres assez parlants, concernant la région Nord-Pas-de-Calais, une des régions les plus pauvres de France : http://nord-pas-de-calais.france3.fr/2013/06/05/economie-les-10-chiffres-qui-montrent-un-nord-pas-de-calais-en-crise-264229.html

 

 

Obambe GAKOSSO, September 2013 ©

————————————————-

* : Vous avez vu ? Moi aussi j’ai amené mes Blancs. Ils vont nous aider, vous allez voir le pays va se moderniser ! Vous croyiez quoi ?

** : Peau noire, masques blancs, Seuil, 1952 et Portrait du colonisé, Buchet/Chastel, 1957